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VERSION BETA DU 15/12

 

1.BILAN SOCIO-ECONOMIQUE DU SECTEUR DE LA SECURITE PRIVEE EN FRANCE.

 

1.1 Le secteur de la sécurité privée est actuellement caractérisé par un double mouvement de croissance et de structuration qui sont largement surestimés.

 

1.1.1 Le concept de sécurité privé fait l’objet de définitions diverses qui rendent ses contours incertains.

 

1.1.1 Le secteur de la sécurité privé semble être, depuis le début des années 80, caractérisé par une croissance apparemment forte mais qui est en réalité inégale et surestimée.

 

1.1.1.1 L’augmentation du chiffre d’affaire et des effectifs salariés qui touche apparemment le secteur de la sécurité privée en France semble s’inscrire dans un mouvement plus global qui touche l’ensemble des Etats occidentaux

 

·                 Considéré globalement et dans son acception la plus large, le secteur de la sécurité privée a apparemment connu, en France, depuis le début des années 80, une croissance nettement à celle des autres branches de l’économie nationale qui se serait traduit dans les faits par une forte augmentation de ses effectifs salariés et de son chiffre d’affaire.

 

Selon les statistiques de l’UNEDIC, qui centralise les déclarations annuelles d’effectifs par établissement, les effectifs salariés dans les entreprises dites d’enquêtes et de sécurité sont en effet passés de 10 200 en 1981 à 54 100 en 1991 pour finalement atteindre près de 79 000 en 1995. En 15 ans, le nombre d’agents travaillant dans une entreprise de sécurité privée a donc été multiplié par près de 8, ce qui traduit un rythme d’augmentation annuel moyen de près de 15%. Le nombre d’établissements ayant pour activité principale la sécurité privée s’est également accru de manière très sensible. Selon l’UNEDIC, le nombre de structures exerçant une activité dans ce domaine a en effet été multiplié par quatre entre 1981 et 1995 (606 établissements en 1981 ; 2568 en 1995). Les statistiques relatives à l’évolution annuelle des chiffres d’affaires de l’industrie et des services de sécurité, qui sont pour l’essentiel d’origine journalistique[1], traduisent, elles aussi, une tendance comparable. Entre 1991 et 1998, le chiffre d’affaire global généré par le secteur de la sécurité privée en France s’est en effet accru de manière très sensible passant de 47,7 à 64,9 milliards de francs, soit une augmentation de 36% en 8 ans.

 

·                 Or ce mouvement de forte croissance semble s’inscrire dans un mouvement plus global qui touche, à des degrés divers, l’ensemble des Etats occidentaux.

 

Ce phénomène est tout particulièrement marqué aux Etats-Unis. Depuis 1980, le nombre de salariés du secteur de la sécurité privé a y en effet dépassé celui de l’ensemble des effectifs de police[2] et depuis 20 ans, ce développement des activités privées de sécurité n’a cessé de se confirmer. Le rapport quantitatif entre les forces de sécurité publique et les agents des différents secteurs de la sécurité privée était en 1990, sur l’ensemble du territoire américain, de 1 pour 2,4 et il avoisinerait aujourd’hui le ratio de 1 pour 4. D’un point de vue économique et financier, le rapport Hallcrest II[3], qui est considéré comme l’étude la plus approfondie sur l’évolution actuelle du marché américain de la sécurité, estimait à 65 milliards de dollars le montant total des dépenses engagées annuellement au titre des prestations des prestations et biens de sécurité privés[4], soit un montant plus de deux fois supérieur aux budgets fédéraux et locaux de la police.

 

                        En Europe, les activités de sécurité privée ont apparemment connu un développement très sensible et semble-t-il comparable à la situation qui prévaut en France. Ainsi, en Allemagne, ce secteur génère un chiffre d’affaire de 5,2 milliards de DM et concerne plus de 125 000 emplois. De même, en Espagne, 75 000 personnes exercent une activité professionnelle liée à la sécurité privée. Au Royaume-Uni, l’emprise du secteur privé dans le domaine sécurité serait encore plus importante. Les 8 000 sociétés de sécurité privées, qui emploient près de 250 000 personnes et qui réalisent un chiffre d’affaire annuel de plus de 2 milliards de livres sterling, ont en effet des missions encore plus larges que dans les autres Etats européens. Elles peuvent ainsi assurer le convoyage des détenus ou réaliser la garde statique des bâtiments officiels, y compris ceux de la police. A l’exception du Royaume-Uni qui compte un agent de sécurité privée pour environ 230 habitants, la plupart des autres Etats européens (y compris la France) semblent donc se trouver, dans ce domaine, dans une situation comparable (1 agent de sécurité privée pour 620 habitants en Allemagne, 1 pour 520 en Espagne,…).

 

 

1.1.2.2.La croissance apparemment forte du secteur de la sécurité privée doit être analysée avec prudence car elle est à la fois inégale et surestimée.

 

L’assertion selon laquelle les activités de sécurité privée connaîtraient actuellement en France un développement important semble donc correspondre à une réalité commune à l’ensemble des Etats européens. Elle doit néanmoins être analysée avec prudence : l’accroissement du nombre de salariés employés dans le secteur de la sécurité privée doit en effet être relativisé ; quant au dynamisme global du secteur, il cache en fait de très fortes disparités intrasectorielles.

 

·                 L’accroissement du nombre de salariés employés dans le secteur de la sécurité privée est réel mais doit être relativisé.

 

En ce qui concerne l’évolution des effectifs salariés, l’analyse du secteur repose en France sur trois sources principales : les recensements et les enquêtes annuelles d’entreprise gérés par l’INSEE, les statistiques de l’UNEDIC qui prennent appui sur les déclarations annuelles d’effectif par établissement et le recensement des sociétés de surveillance effectué par les préfectures qui sont, en la matière, compétentes pour délivrer l’agrément nécessaire au fonctionnement de l’entreprise. Or le croisement de ces trois sources statistiques qui correspondent à des besoins de connaissance et à des modes de construction différents permet de mettre en évidence le fait que le développement des activités de sécurité privée en France au cours de ces 20 dernières années a été largement surestimé.

 

Contrairement aux données de l’UNEDIC qui permettent d’estimer le nombre de salariés travaillant pour le compte d’une entreprise de sécurité privée, les statistiques de l’INSEE prennent en compte « l’ensemble des agents qui, sans appartenir à l’armée, à la police ou à l’administration pénitentiaire, sont chargés pour le compte de leur employeur de la protection de biens déterminés contre les accidents et les actes de malveillance. » L’INSEE comptabilise donc dans ses données à la fois les salariés travaillant pour le compte d’une entreprise de sécurité privée et ceux qui, employés par une société traditionnelle, exercent au sein de celle-ci des fonctions de sécurité. Or selon l’INSEE, le nombre total d’agents de sécurité privée, qui s’élevait à 93 000 en 1982 et à 115 000 en 1992, serait à l’heure actuelle d’environ 140 000. En 15 ans, le nombre total d’agents de sécurité ne s’est donc accru qu’à un rythme de progression annuel légèrement inférieur à 3%[5]

 

                        L’augmentation extrêmement rapide du nombre de salariés exerçant une activité dans une entreprise de sécurité privée (+15% par an au cours de ces 20 dernières années selon l’UNEDIC) résulte donc, pour l’essentiel, d’une illusion statistique. La croissance des effectifs de ces sociétés est en effet, très majoritairement, due à un fort et rapide mouvement d’externalisation des activités de sécurité par un grand nombre d’entreprises privée qui, jusque là, assuraient elles-mêmes leur propre sécurité et qui, désormais, pour des raisons de minimisation des coûts, souhaitent avoir recours à des prestataires extérieurs. En d’autres termes, la croissance du secteur de la sécurité privée correspond plus à un transfert qu’à un réel développement, comme tend à le montrer le tableau relatif à l’évolution du nombre total d’agents de sécurité privée présenté ci-dessous :

 

Tableau relatif à l’évolution du nombre total d’agents de sécurité privée en France entre 1982 et 1998

 

 

 

Année

 

Nombre de salariés travaillant dans une entreprise de sécurité privée (en millier)

Nombre d’agents de sécurité travaillant dans une entreprise privée n’appartenant pas au secteur de la sécurité privée (en millier)

 

Nombre total d’agents de sécurité privée (en millier)

1982

11,5

81,5

93,0

1992

59,5

55,4

114,9

1995

78,8

49,2

128,0

1998[6]

(98,1)

(43,0)

(141,1)

Variation 1982/1995 (en valeur absolue)

+67,3

-32,3

+35,0

Variation 1982/1995

(en poucentage)

+585,2%

-39,6%

+37,6%

 

 

·                      Le dynamisme global du secteur de la sécurité privée en France ne doit pas cacher de fortes disparités intrasectorielles.

 

L’évolution du chiffre d’affaire du secteur de la sécurité privée doit, tout comme l’évolution des effectifs, être appréhendée avec précaution. Entre 1991 et 1998, celui-ci s’est certes accru de manière globale de 36% en 8 ans[7], ce qui correspond à un rythme de croissance annuelle de 4%. Cette croissance globale relativement forte cache toutefois de forte disparités intrasectorielles et repose avant tout sur un important développement des secteurs à forte composante technologique.

 

Croissance recouvre des réalités très diverses et montre à quel point le secteur de la sécurité privée est composé de branches très hétérogènes : d’où une double distinction : sécurité internalisée/ sécurité externalisée ; sécurité privée traditionnelle/sécurité privée technologique.

-         Croissance résulte d’un mouvement d’externalisation qui n’est pas encore achevé

-         Dynamisme résulte de la très forte croissance des secteurs à fortes composante technologique (vidéosurveillance, télésurveillance, sécurité informatique)

-         à l’inverse, les secteurs traditionnels de la sécurité privée (transports de fond, détectives privés,…) sont plutôt dans une période de stagnation voire de récession de leur activité.

 

 

1.1.1       Le marché de la sécurité privée tente actuellement de se structurer mais doit encore faire face à des pratiques insatisfaisantes ou illégales qui tendent à remettre en cause la qualité moyenne des prestations.

 

1.1.3.1. Le marché de la sécurité tente actuellement de se structurer, de s’autoréguler et de se professionnaliser.

 

·                   Longtemps atomisé, le marché de la sécurité privée s’ordonne de plus en plus autour de quelques grandes sociétés multinationales.

 

-         Historiquement, nombreuses petites entreprises. Aujourd’hui, le marché est caractérisé par la coexistence de petites et de grandes entités. Toutefois la tendance est à la concentration et à l’internationalisation

-         Concentration : exception des détectives privés, exemples les plus marquants : Proteg et cartel des transporteurs de fonds.

-         Internationalisation : description du phénomène dominé par les EU, la GB et la Suède. Firmes françaises de petites tailles. Problèmes en termes d’indépendance nationale (protection des sites sensibles)

 

·                   Les principaux acteurs du marché de la sécurité privée sont désormais regroupés au sein d’une organisation patronale fédérale unique : l’UFISS.

 

-         Unité longue à obtenir (cf. description d’Ocqueteau).

-         Organisation actuelle avec l’UFISS et les 6 syndicats (PROSUCUR, SNES, SNET, SYNIAL, UNIVAL et SNOFOPS)

-         Appartenance au MEDEF, au CoESS, convention collective,…

 

·                   Les plus grandes entreprises de sécurité privée se sont lancées dans un processus de certification et de normalisation permettant de mettre en valeur le professionnalisme et la qualification de leurs salariés.

 

-         Objectif des grandes entreprises de sécurité : mettre en valeur leur professionnalisme et leurs qualifications.

-         Moyens : ISO 9000, AFNOR

 

 

 

 

1.1.4.En dépit de réelles avancées, le marché de la sécurité privée doit encore faire face à des pratiques insatisfaisantes ou illégales qui tendent à remettre en cause la qualité moyenne des prestations.

 

1.1.4.1Le recours à la sous-traitance n’est pas véritablement encadré.

 

-         les travaux de sous-traitance représentent 9% du chiffre d’affaire de la profession. Logique : même les plus grandes sociétés ne peuvent assurer un maillage de tout le territoire. Danger : avoir recours à des sociétés ne respectant pas le droit du travail (surtout dans le domaine de la surveillance gardiennage). Les cocontractants publics en favorisant toujours le moins-disant y concourent largement. (cf. en dessous de 65 70 francs l’heure de gardiennage, il est fort probable que la société ait recours à des sous-traitants peu respectueux du droit du travail).

-         Il n’existe aucune législation ou réglementation spécifique (cf. la convention applicable au secteur du BTP) ; seule quelques grandes entreprises prennent des engagements contractuels : cf. Proteg avec un plafond de 5% du CA qui peut être sous-traité.

 

 

1.1.4.2.La qualification, la formation et la rémunération de la grande majorité des salariés demeurent peu faibles.

 

·        Le niveau de qualification des agents de sécurité privée demeure globalement peu élevé, et ce pour deux raisons :

 

- Lors du recrutement initial, les employeurs n’ont, en termes de compétences, que des exigences limitées. Le CAP d’agent de surveillance, qui a été créé en 1986 grâce à la collaboration des entreprises du secteur et du ministère de l’Education nationale et qui comporte près de 600 heures de formation professionnelle, n’est en effet en aucun cas obligatoire pour accéder à un emploi dans une entreprise de prévention et de sécurité. Ces entreprises ne privilégient par ailleurs pas véritablement, lors de leurs recrutements, les demandeurs d’emplois issus des corps chargés du maintien de l’ordre, de la sécurité nationale ou de la sécurité civile tels que les policiers, les gendarmes, les militaires ou les pompiers. En effet même si les compétences qu’ils ont acquises antérieurement dans le secteur de la sécurité publique ou parapublique sont reconnues et appréciées, ceux-ci ne représentent que 17,6% des effectifs des agents privés de sécurité[8].

 

- En outre, les effets d’apprentissage qui résultent d’une longue expérience de terrain et qui pourraient compenser ce manque de qualification initiale sont, dans le domaine de la sécurité privée, très peu importants. Le taux de rotation du personnel dans ce secteur est en effet particulièrement élevé. 32% des salariés ont ainsi une ancienneté dans l’entreprise inférieure à un an et 73% une ancienneté inférieure à 4 ans. Ce niveau très élevé de turn over, qui a en termes de qualification des conséquences très négatives, résulte pour l’essentiel de la structure même du secteur. Les agents d’exploitation représentent en effet plus de 90% des effectifs salariés de la branche ; la perspective d’une promotion en tant que cadre ou agent de maîtrise est donc dans ces conditions relativement limitée.

 

 

·                   En dépit d’efforts récents et d’exceptions ponctuelles, la formation des agents de sécurité privée reste insuffisante.

 

Pour compenser le manque de qualification de ses agents, les entreprises de sécurité privée et notamment les plus grandes d’entre elles ont, depuis le début des années 90, réalisé un effort non négligeable dans le domaine de la formation.

 

Juridiquement, la signature le 23 avril 1991 de deux avenants à la convention collective nationale propre aux entreprises de prévention et de sécurité a ainsi permis de définir les seuils minimaux de formations auxquelles chaque salarié a droit. Ceux-ci peuvent donc théoriquement bénéficier de trois types de formation : une formation initiale de 6 à 8 semaines, une formation spécifique définie en liaison avec le client et une formation continue de 2 à 4 heures par mois. Pour cela, leur entreprise peut s’appuyer sur des organismes spécialisés qui, pour l’essentiel, rassemblées au sein du syndicat national des organismes de formation en prévention et sécurité, le SNOFOPS.

 

Financièrement, les grandes entreprises du secteur acceptent de consacrer une part croissante de leur chiffre d’affaire à la formation de leurs salariés. En 1997, 97 millions de francs, soit 1,5% de la masse salariale, ont ainsi été dépensés à ce titre dans le secteur de la surveillance humaine et ont permis de faire bénéficier 37% des salariés d’actions de formation.

 

Concrètement, les grandes entreprises ou les grands évènements ont permis de mettre l’accent sur la nécessaire amélioration du dispositif de formation des agents de sécurité privée. La société Proteg, leader du marché français dans le domaine de la surveillance humaine, consacre ainsi 2,3% de sa masse salariale à la formation continue. De même, à l’occasion de l’organisation de la coupe du monde de football en 1998, une attention toute particulière a été donnée à la formation des personnels de droit privé chargé de la sécurité dans les stades. Les stadiers ont donc ainsi pu bénéficier d’un programme piloté conjointement par le comité d’organisation et la direction générale de la police nationale.

 

Toutefois, et en dépit d’une réelle prise de conscience de ses principaux dirigeants, les efforts de formation menées par les entreprise de sécurité privée demeurent encore nettement insuffisants. Deux séries de comparaisons, avec les autres Etats occidentaux et avec les secteurs publics et parapublics, permettent de mettre en évidence les lacunes françaises dans ce domaine :

 

- dans un nombre non négligeables d’Etats occidentaux, le dispositif législatif est, au regard de la formation, beaucoup plus strict qu’en France. La loi suisse prévoit ainsi l’obligation, pour tout dirigeant d’entreprise, de justifier, par l’intermédiaire d’une formation qualifiante ou diplômante, de sa connaissance de la législation relative à l’exercice de la profession d’agent de sécurité privée. En ce qui concerne les salariés, la loi espagnole prévoit une formation initiale de 200 heures ;

 

- la comparaison avec les formations dispensées dans le domaine de la sécurité dans les secteurs public et para publics est tout aussi significative, les cas de la SNCF et de la RATP étant à cet égard tout à fait révélateurs. Ces deux entreprises ont en effet eu le souci d’imprégner leurs formations initiale et continue d’une réelle dimension déontologique qui s’est traduite dans des programmes approfondis ainsi que dans une organisation et une pédagogie fortement structurée. Après avoir bénéficié d’une formation préalable à la prise de poste de plusieurs mois[9], les agents sont en effet suivis, en permanence et de manière individualisée. Ils peuvent en outre bénéficier de deux sessions de recyclage par an à la RATP et d’une formation continue d’une durée minimum de quatre heures par mois à la SNCF.

 

 

·        Le niveau moyen de rémunération des salariés du secteur de la sécurité privée demeure peu élevé:

 

salaire moyen dans le secteur est légèrement supérieur à 7 000 francs (dirigeants compris). En dépit d’accords salariaux, le salaire, c’est le SMIC (cf. PIF et protestation des agents de Blagnac) Conséquence : risque de démotivation

 

1.1.4.3. Les pratiques contrevenant au droit du commerce ou au droit du travail restent encore nombreuses (NDLR : j’ai très pu d’éléments statistiques réellement tangibles sur le sujet)

 

-         Atteintes au droit du commerce : cf. non respect de la réglementation de la loi sur les faillites, prête noms,…

-         Atteintes au droit du travail : durée du temps de travail,…

 

 

 

1.2. La croissance de l’offre de sécurité privée ne paraît pas imputable à une défaillance de la puissance publique.

 

Cet essor de l’offre de sécurité à caractère commercial est souvent expliqué par une demande non satisfaite. Entreprises et particuliers aisés se tourneraient vers le marché parce que le retrait de l’Etat les y inciterait. La puissance publique, consciente notamment de ses contraintes budgétaires, se replierait sur sa fonction de régulation et de réglementation de la sécurité aux dépens de sa fonction d’acteur de la sécurité.

 

En outre, le rayonnement de la pensée, d’inspiration anglo-saxonne, de la « prévention situationnelle » et de « l’espace défendable »[10] semble légitimer la substitution de la sécurité privée à la sécurité publique. La sécurité privée, en accroissant le coût et en réduisant l’espérance des bénéfices de l’intrusion, de la fraude ou de la prédation pour le délinquant potentiel dissuaderait largement ce dernier de nuire. La puissance publique, de son côté, parce qu’elle continuerait de vouloir agir sur les causes sociales de la criminalité plutôt que sur les motivations rationnelles du délinquant, et qu’elle se fonderait sur des considérations autres que strictement dissuasives, serait condamnée à une moindre efficacité, tout au moins aux yeux des demandeurs solvables de protection.

                                        

Les carences relatives de la puissance publique éclaireraient ainsi l’essor de l’offre de sécurité privée. Cette thèse répandue doit être prise avec réserve, les entreprises de sécurité privée semblant moins répondre à de telles défaillaces que tirer parti du perfectionnement du marché de la gestion des risques.

 

1.2.1. La thèse du désengagement de la puissance publique doit être nuancée

 

Au plan quantitatif, la gendarmerie et la police nationales, outre qu’elles demeurent majoritaires au sein des agents de sécurité (62% du effectifs totaux en 1998[11]), continuent de croître vigoureusement. Depuis le milieu des années 70, les effectifs policiers augmentent régulièrement de l'ordre de 1350 par an, de sorte que la police nationale compte plus de 10 000 emplois supplémentaires pour les seules années 90. La gendarmerie nationale, même si elle croît moins depuis 1983, connaît une progression également substantielle (ses effectifs budgétaires passent de 84 000 en 1982 à 94 500 en 1992 et 97 000 en 1998). Globalement, ce sont près de 20 000 emplois budgétaires supplémentaires qui ont été créés au cours des 10 dernières années au sein de la police et de la gendarmerie, auxquels il convient d'ajouter un nombre non négligeable de créations d'emplois d'agents de police municipale (de l'ordre de 3 000).

 

De façon plus générale, il est avéré que les gouvernements successifs ont su traduire en termes d’effectifs leur souci d’accorder la priorité à la protection de la sécurité du citoyen. Alors que les ministères de la Justice, de l'Intérieur et la Gendarmerie ont gagné 33 000 postes budgétaires entre 1986 et 1996, la croissance des effectifs budgétaires du ministère de l'Education nationale et de l'enseignement supérieur est presque deux fois plus lente (en pourcentage des effectifs, elle est de 6,5% contre 11,5%) ; et les ministère de la Défense (hors gendarmerie), de l'Economie et des finances, des Affaires étrangères et les ministères sociaux ont perdu 75 000 postes budgétaires au cours de la même période.

 

1.2.2. La thèse du désajustement entre offre de sécurité publique et demande de sécurité apparaît plus pertinente.

 

Le décalage entre offre publique et demande est d'abord perceptible au plan global et quantitatif. L'essor de la délinquance paraît sans commune mesure avec la croissance des effectifs de police et de gendarmerie rappelée plus haut. Les délits recensés par la police sont en moyenne quatre fois plus nombreux dans les années 90 que dans les années 60, et près de 3 fois plus nombreux dans les années 90 qu’au début des années 80, ce qui laisse penser qu’une accélération s’est produite au cours des quinze dernières années alors même que l’augmentation des effectifs de la gendarmerie et de la police nationales tendait plutôt à décélérer. La croissance semble particulièrement forte pour la délinquance caractérisée par le recours à la violence (coups et blessures volontaires et vols avec violence notamment) au cours des années 80-90. Les incivilités, de leur côté, semblent s’être multipliées de façon préoccupante, même si leur mesure, récente et délicate, demeure sujette à caution.

 

Ce décalage a pu donner l’impression d’une « baisse de rendement de l’appareil pénal »[12] et pourrait être, de fait, l'une des causes du déclin des taux d’élucidation policiers[13] depuis les années 60 , voire de la  – le nombre d’affaires résolues par rapport au nombre d’affaires portées à la connaissance de la police – ont constamment décliné depuis les années 60 ; et la proportion des affaires classées sans suite par le Parquet tend, elle aussi, à s’accroître.

 

La flexibilité du secteur de la sécurité privée, sa capacité à suivre l'évolution de la demande de sécurité paraît, de ce point de vue, bien supérieure. Les effectifs des entreprises de la sécurité privée croissent, en effet, 2 fois plus vite que ceux - cumulés - de la police et de la gendarmerie nationale et 1,5 fois plus vite que ceux - cumulés - de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la police municipale depuis le début des années 80[14].

 

A ce décalage global, s'ajoute une inadéquation quantitative grandissante au plan géographique, que le rapport CARRAZ-HYEST[15] a mis en exergue. Les difficultés du redéploiement interne des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales et la diversité des missions assignées à celles-ci conduisent en effet, selon les auteurs du rapport, à une large déconnexion entre les dotations en effectifs de gendarmerie et de police et l'ampleur de la délinquance de voie publique, principale source du sentiment d'insécurité (et donc d'une demande potentielle de protection). Il s’ensuivrait une situation paradoxale où "la répartition géographique des effectifs des fonctionnaires assurant la sécurité des Français est inversement proportionnelle aux besoins"[16]. Le rapport observe, en outre, que ces "inégalités de répartition ne se sont guère réduites ces dernières années", maints département à faible taux de criminalité de voie publique voyant leurs effectifs de police et de gendarmerie s'accroître fortement, tandis que d'autres - comme l'Isère ou les Alpes maritimes - connaissent une décrue de leurs effectifs en dépit d'une forte hausse de leur criminalité.

 

Enfin, certains spécialistes de la police urbaine comme MONJARDET insistent sur la difficulté d'adaptation qualitative de la police nationale à sa mission de police de proximité, en dépit de la priorité que constitue cette dernière tant dans l'opinion que pour le gouvernement[17]. Cette difficulté s'enracinerait dans l'histoire. L'étatisation de la police en 1941 aurait contribué, selon cet auteur, en rompant le lien qui prévalait auparavant entre la police et la ville, à éloigner les forces de sécurité publique des préoccupations exprimées au plan local. En outre, la culture professionnelle de la police nationale ne la prédisposerait pas à privilégier les tâches d'îlotage sur celles de police judiciaire ou d'ordre public jugées plus prestigieuses et gratifiantes. En dernier lieu, le mode de gestion de la police nationale ne la préparerait pas à renoncer au monopole de la détermination de ses tâches et à se laisser imposer une distinction trop nette entre gestion de la délinquance et gestion des incivilités.

 

En tout état de cause, ces réflexions éclairent l’ampleur des défis auxquels sont confrontées les forces de l’ordre (en France comme à l’étranger) si elles veulent s’acquitter pleinement de leur mission de police de proximité. Il s’agit de réintroduire la « demande sociale de sécurité »[18] dans la logique d’action des forces publiques de sécurité, sans pour autant soumettre ces dernières aux fluctuations, voire aux incohérences, de l’opinion locale (ou de ses représentants les plus influents). Il s’agit aussi de développer des obligations de résultat, sans pour autant rompre avec la stricte observance des obligations de moyens que le respect des textes et le souci des libertés individuelles requiert. Une telle évolution, pour nécessaire qu’elle soit du point de vue de l’adaptation à la « demande » de sécurité, suppose des arbitrages et des compromis très délicats en pratique.

 

1.2.3. Il ne semble pas, cependant, que ce désajustement entre offre publique de sécurité et demande de sécurité suffise à éclairer l’essor de la sécurité privée.

 

L’offre de sécurité privée demeure, en effet, très différente, par nature et par vocation, de l’offre de sécurité publique, qu’elle ne saurait donc prétendre concurrencer ou suppléer.

 

D’une part, les textes législatifs et réglementaires ont strictement encadré les compétences des sociétés et des agents de sécurité privée. Le droit actuel continue de se conformer, à cet égard, à l'esprit du pré-rapport BELORGEY[19]. Les services de sécurité privée ne sont nullement autorisés à se constituer en « polices auxiliaires ». Ils sont cantonnés à une fonction de surveillance ou de gardiennage de biens meubles ou immeubles privés, et, accessoirement seulement et à titre de conséquence, à la protection des personnes qui s'y trouvent. Ils ne peuvent pas même prétendre concurrencer les agents de police municipale qui jouissent d'un pouvoir de police administrative, peuvent exercer des missions d'îlotage et peuvent être, dans certains cas, armés[20].

 

D’autre part, le secteur privé ne semble pas se développer prioritairement dans les activités susceptibles de concurrencer les forces de sécurité publique. Globalement, la surveillance humaine, principal domaine de chevauchement potentiel, apparaît comme une activité faiblement rentable et aux perspectives de croissance modestes pour le marché privé.

 

Ainsi, les activités de gardiennage, de protection des convoyeurs de fonds et de protection rapprochée, qui se rapprochent le plus des missions qui incombent à la police, à la gendarmerie, voire à la police municipale, demeurent marginales, en termes de chiffres d’affaires (à peine 14% du CA total de la sécurité privée en 1998, selon l’Atlas européen de sécurité[21]) et progressent à peine au cours des années 90. La croissance du CA du gardiennage et de la surveillance humaine est inférieure à 5% entre 1991 et 1999 - contre +46,5% pour l’ensemble de la sécurité privée - et elle provient essentiellement de l'externalisation de l'activité de sécurité par les entreprises et non d'un surcroît de demande de sécurité. De façon analogue, l’activité de protection des personnes privées n’occupe qu’une place marginale et stagnante depuis les années 80 au sein des effectifs de la sécurité privée (à peine plus de 7% en 1998), alors qu’elle constitue une tâche majeure des forces de sécurité publique.

 

A contrario, ce sont les activités qui n’ont pas pour objet la protection ou la prévention d’agressions[22] qui croissent le plus vigoureusement au cours des années 90 (+61% de croissance du CA), atteignant 40% du CA total de la sécurité privée en 1998 ; et les activités à caractère purement technologique[23] prennent une place de plus en plus considérable dans le CA total de la sécurité privée, alors qu’elles peuvent servir indifféremment à la sécurité publique ou à la sécurité privée, et ne peuvent, par définition, que seconder la police et la gendarmerie et non se substituer à elles. C’est pourquoi il serait imprudent, voire peu pertinent, de comparer directement les effectifs ou les dépenses rattachés aux secteurs de la sécurité privée à ceux relatifs à la sécurité publique : l’on compare ainsi des réalités profondément hétérogènes.

 

1.2.4. Un mode de développement « semi-autonome » [24] de l'offre de sécurité privée par rapport à l’Etat

 

Il semble donc que l’essor de la sécurité privée ne soit pas lié directement à une éventuelle crise d’efficacité de l’Etat. D’autres facteurs sont à l’œuvre, qui entretiennent des relations plus ou moins directes avec l’action de la puissance publique en matière de sécurité.

 

D’une part, la « privatisation » de la sécurité publique semble moins probante que, pour reprendre les termes d’OCQUETEAU, la « publicisation » des ressources de protection offertes par sécurité privée[25]. Si les compétences de la puissance publique ont été, pour l'essentiel, préservées, l’Etat a, en revanche, reconnu et réglementé le secteur de la sécurité privée, de façon à assurer la convergence des intérêts privés avec l'intérêt général et à prévenir toute dérive en matière de libertés individuelles.

 

Cette « publicisation », voulue et organisée par l'Etat, mais souvent sollicitée par les entreprises visées, a, en tout état de cause, concouru à stimuler, à assainir et à solvabiliser les services de sécurité privée. En créant une obligation de gardiennage et de surveillance, le législateur a consolidé, voire suscité, un marché pour les entrepreneurs concernés[26] ; en instaurant un régime d'autorisation préalable dans certaines branches de la sécurité marchande[27], il a mis en place des barrières à l'entrée de nature à améliorer la rentabilité des entreprises ainsi autorisées à fonctionner.

 

D’autre part, il existe des facteurs autonomes de développement du secteur privé de sécurité, qui sont sans rapport avec les éventuels dysfonctionnements de l’Etat en matière de protection des biens et des personnes. Ainsi, l’externalisation des activités de sécurité par un certain nombre d’administrations ou d’entreprises semble résulter d’un simple calcul de minimisation des coûts. Le recours aux sociétés de sécurité vient aussi, dans certains cas, de l’évolution du mode d’organisation de certains branches d’activité. Par exemple, le mode de fonctionnement propre aux grandes surfaces commerciales (remplissage de nuit, libre-service) entraîne des risques accrus de vols auxquels celles-ci remédient en recourant aux services de sécurité. De façon plus évidente encore, l’essor des branches de la sécurité incendie, de la sécurité industrielle et informatique ou de la protection de l’homme au travail, est sans rapport avec la problématique de la protection contre les vols ou les agressions.

 

Enfin, l’essor de l’industrie des équipements de sécurité semble résulter d’une logique mixte. Il dérive bien sûr de l’essor général des activités de sécurité privée, mais il est aussi le fruit d’un calcul économique de rentabilité qui ne paraît nullement propre au secteur de la sécurité. Il n'est, dans une large mesure, que le sous-produit de l'expansion des industries de l'électronique, de l'informatique ou de la machinerie industrielle que l'on observe par ailleurs. Et l’on pourrait aussi y déceler le refus du secteur privé de s’engager dans des activités « à risque », comme le gardiennage et la surveillance humaine, au profit d’activités plus traditionnelles et, somme toutes, plus proches d’activités industrielles banalisées.

 

1.2.5. De façon plus générale, la croissance de la sécurité privée ne paraît relever qu’indirectement de la demande de protection des citoyens.

 

Ce sont, on l’a vu, les entreprises, et non les ménages, qui, jusqu’à présent, ont « tiré» la demande de sécurité privée. Or, ces entreprises agissent principalement sous l’impulsion, d’une part des textes susmentionnés qui peuvent les obliger à recourir au marché privé de la sécurité, et, d’autre part et surtout, des sociétés d’assurance. L’influence de ces dernières n’a, au reste, cessé de croître au cours des années 90, tant en matière d’obligations de protection, que de prescriptions de normes de certification[28], voire de prise de contrôle d’une partie des entreprises privées de sécurité (installations et fabrications d’équipements de sécurité).

 

Paradoxalement, le simple citoyen n’est que rarement à l’origine directe de la demande de sécurité privée. L'insécurité ne semble pas l'avoir conduit à contester le monopole étatique de la sécurité, mais bien plutôt à souhaiter un renforcement de la protection fournie par les forces publiques. Au surplus, son désir de protection n’est, pour l’essentiel, pris en compte que pour autant qu’il coïncide avec la stratégie de l’Etat en la matière et avec les calculs économiques de rentabilité et de risque des entreprises marchandes (sous l’influence du secteur assurantiel). C'est pourquoi la carte de l'implantation des services de sécurité privée ne correspond guère, en règle générale, à celle de la délinquance, mais bien plutôt à celle de la richesse marchande et productive, les lieux de localisation des entreprises les plus nombreuses et les plus prospères attirant tout naturellement les services de sécurité privée[29].

 

Au total, l'essor des entreprises de sécurité privée semble moins résulter, en France, d'une crise de légitimité de l'Etat ou d'une montée du sentiment d'insécurité des citoyens que du perfectionnement et de l'externalisation des techniques privées de gestion du risque et parfois à la demande de la puissance publique. Le marché français de la sécurité ne se résume pas, en ce sens, au "marché de la peur". Et il ne menace pas encore le "monopole de la violence légitime" exercé par la puissance publique.

 

 

1.3. Une action menée sur des territoires de plus en plus diversifiés

 

Les agents de sécurité privée ne peuvent exercer leurs missions sur la voir publique.

 

Seuls certains d'entre eux, en raison de la spécificité de leurs missions sont amenés à intervenir ponctuellement sur la voie publique, comme  les transporteurs de fonds ou les agents de recherche. Les sociétés de sécurité à caractère privée interviennent ainsi, hors de la voie publique,  dans des lieux dépendant juridiquement soit d’acteurs privés, soit d’acteurs publics. Ils peuvent dans certains cas exceptionnels disposer de pouvoir de pouvoirs de police spéciale (police ferroviaire ou gardes assermentés par exemple). Les agents peuvent, sur certains territoires, soit être largement confrontés au public dans des espaces comme les centres commerciaux ou dans certains établissements ou administrations publiques, soit circonscrits dans des lieux où leurs contacts se réduisent pour l’essentiel aux salariés de l’établissement.

 

1.3.1.Une action dans la sphère publique

1.3.1.1une action sur le domaine public

 

De façon générale, des missions de police tant administratives que judiciaires ne peuvent être déléguée à des agents privés (CE 1932, ville de Castelnaudary). Ce principe a été confirmé dans la circulaire de 1983[30], mais aussi par la décision du Conseil Constitutionnel du 25/2/1992.

Toutefois, le recours à des agents privés pour effectuer d'autres missions de sécurité dans le secteur public que ce soit pour le compte de l’Etat, de collectivités locales ou d’établissements publics s’est amplifié ces dernières années. La sphère publique représente près de 25 % ( ? ? ?) de l’activité du secteur du gardiennage. On retrouve généralement les mêmes motivations que dans stratégies d'externalisation des entreprises du secteur privée : centrage sur les métiers de base des administrations, recherche d’amélioration de coûts par le recours au marché, utilisation des avantages comparatifs des tiers.

 

Si la voie publique leur est interdite, ces agents peuvent toutefois intervenir sur le domaine public, dans les immeubles appartenant à l’administration ou à des collectivités publiques, que ceux-ci reçoivent ou non du public. Ces sociétés peuvent ainsi être amenées à exercer des missions de sécurité dans des ministères, des mairies, des gares, des écoles, ou dans des bâtiments à vocation industrielle (le cas particulier des transports publics sera étudié plus loin). La politique de recours à des acteurs privés ne paraît pas aujourd’hui faire l’objet d’une véritable politique tant au niveau de l’Etat qu’au niveau des acteurs locaux. Certaines préfectures sont ainsi partiellement surveillées par des sociétés privées[31], alors que d’autres excluent cette solution pour réserver cette mission aux forces de police. Les difficultés sociales que poserait le réemploi des agents de ces administrations affectés à ces missions de surveillance est entre autre une des raisons qui conduisent à des approches différenciées. Toutefois aucune véritable doctrine d’emploi des agents privés ne semble avoir été mise en place et ceux-ci ne disposent pas de pouvoirs spécifiques en raison de leurs lieu d’emploi.

 

1.3.1.2Une action particulière dans le domaine des transports publics

 

Les transports publics,  notamment ferrés et aériens, ont fait l'objet de mesures particulières.

 

En matière de transports ferrés, la loi du 15 juillet 1845 complétée par le décret n° 730 du 22 mars 1942, a conféré aux agents de surveillance dûment assermentés, le pouvoir de constater par procès-verbal des infractions à la loi et à la réglementation des chemins de fer. Les agents de la SUGE pour la SNCF ou du GPSR pour la RATP dont les missions étaient à l'origine centrées sur la protection du patrimoine de ces entreprises, ont progressivement été réorientés vers des missions de sécurisation des usagers et des personnels de ces entreprises en raison de la progression de la délinquance (en 1998, les atteintes aux voyageurs ont augmenté de 28% à la SNCF, et celles contre les agents de 65%[32]), du préjudice commercial et économique subi et du risque de responsabilisation au moins au plan civil. Si en la matière, un transporteur ne peut être tenu pour responsable d'une agression commise par des tiers, sa responsabilité civile pourrait être engagée s'il n'avait pas mis en place un minimum de moyens de sécurité.

 

Ces agents, qui sont agents publics et assermentés,  (près de 800 pour le GPSR et 1500 pour la SUGE) ne peuvent, outre leurs pouvoirs de police spéciale, qu'intervenir dans le cadre de l'article 73 du CPP pour appréhender l'auteur d'un crime ou délit flagrant et le conduire devant l'officier de police le plus proche.  L'autorisation de port d'armes dont bénéficient ces agents, les prédispose à mener ces missions de sécurisation, même s'il ne devrait pas y avoir de confusion avec les missions des forces de l'ordre. Plus discutable au plan juridique, car elles ne s'inscrivent plus dans le cadre de l'article 73 du CPP, peut être la pratique de certaines opérations menées en civil par les agents de la SUGE et du GPSR, pour "faire du flagrant délit", même si face à certaines formes de délinquance seule une action en civil peut être menée (lutte contre le vol à la tire par exemple). Un contrôle direct des parquets sur ces missions pourrait être judicieux alors qu'aujourd'hui il n'est qu'indirect, les personnes appréhendées étant remises soit à la Brigade des Chemins de Fer ou aux forces de police ou de gendarmerie territorialement compétentes.

 

Les forces de sécurité publique, malgré certaines réticences quand au caractère licite de certaines opérations, reconnaissent toutefois le grand professionnalisme de ces services et la qualité de la formation initiale et continue des agents. Le nombre de plaintes enregistrées ou de "bavures" rapportées par les médias sur des actions de ces services paraissent limitées au regard du nombre d'interventions effectuées.

 

Bien que théoriquement concernés par la loi de 1983 (art 1er), ces sociétés refusent pour ces agents une assimilation à des agents de sécurité privé.

 

A côté de ces agents assermentés, ces sociétés emploient également des sociétés de sécurité privé pour des missions de nature différente comme la protection d'entrepôts. Si dans les lieux non accessibles au public, cette dichotomie ne pose pas de difficultés majeures, certains de ces agents de sécurité privé non assermentés sont également employés dans des lieux accessibles au public comme les galeries commerciales de certaines gares, ce qui peut créer la confusion dans les yeux du public. Sur un même territoire cohabitent ainsi des forces de sécurité publique, mais qui ne peuvent pas sanctionner des infractions spécifiques à la police des chemins de fer, des agents assermentés de la SNCF ou de la RATP, dont les modes d'action ressemblent parfois à s'y  méprendre à des actions de police traditionnelles, et des agents de sécurité privé sans pouvoirs spécifiques.

 

En matière de transport aériens, la sécurité était traditionnellement assurée par les forces de police (PAF devenue la DICILEC dans les aérogares, et la gendarmerie du transport aérien pour les pistes). La loi du 10 juillet 1989 a permis le recours à des agents privés pour effectuer certaines mesures de contrôle sous la responsabilité des forces de police. C'est l'article L.282-8 du code de l'aviation civile qui a consacré le recours à des agents privés (ressortissant de l'Union européenne) pour effectuer, sous la responsabilité des officiers de police judiciaire, la visite des personnes des personnes, des bagages, du fret, des colis postaux.[33] L'arrêté du 29 décembre 1997 a fixé les modalités d'intervention de ces agents de sûreté qui sont limités à la mise en œuvre des dispositifs de contrôle , à l'exclusion des fouilles à corps et de la visite manuelle des bagages à main. Ces opérations de fouille sont théoriquement réservées aux OPJ, mais dans la pratique force est de constater que, pour éviter des attentes trop longues (et les réclamations éventuelles des compagnies aériennes) ces agents effectuent régulièrement la fouille des bagages à main ou effectuent des palpations de sécurité.

 

Aéroport de Paris, mais aussi les aéroports de province, ont mis en place cette nouvelle politique d'emploi des agents de sûreté, avec des résultats qui paraissent satisfaisant dans la mesure où les contrôles actuels semblent plus efficaces que ceux menés autrefois par la police, qui effectue des sondages pour vérifier la qualité du contrôle[34]. Huit entreprises privées, avec un effectif global de 600 agents effectuent ainsi ces contrôles sur les sites de Roissy et d'Orly.

 

Dans les autres transports publics, il n'existe pas de véritable régime dérogatoire. Toutefois, l'article XXXX de la loi sur les polices municipales, prévoit que les agents de contrôle de ces compagnies pourront après accord d'un OPJ, relever l'identité d'un contrevenant.

 

On assiste bien dans le secteur des transports publics, en particulier ferrés et aériens, à une véritable logique de coproduction. Des conventions sont signées entre l'Etat et les Etablissements publics, précisant notamment les moyens mis à disposition et les modalités pratiques de coopération.

1.3.2.Une action sur des territoires privés

 

L’essentiel de l’activité des sociétés de sécurité privées s’exerce sur le domaine privé  et pour le compte de personnes privées : entreprises industrielles ou commerciales, domicile des particuliers. Dans ces sphères, il paraît essentiel de distinguer entre des lieux largement ouverts au public comme les centres commerciaux, les lieux de spectacles ou des espaces non ouverts au public, domicile des particuliers ou établissements industriels ou commerciaux où le public n’est généralement pas admis.

 

1.3.2.1Des territoires où les risques d’atteintes aux libertés publiques sont élevés

 

Bien que ceux-ci ne représentent qu’une faible partie de l’activité de la profession (env. 10% du CA) ces zones ouvertes au public concentrent les risques en raison, d’une part des phénomènes liés à la foule (un hypermarché peut facilement accueillir 20.000 personnes un samedi, certains grands magasins parisiens atteignant le chiffre de 100.000 personnes sur des journées exceptionnelles), et d’autre part des risques liés à la délinquance que peuvent susciter des articles présentés en libre-service sans véritable surveillance.

Les distributeurs qui disposaient autrefois de service de sécurité internes (qu’on qualifiait autrefois d’inspecteurs) ont le plus souvent externalisé ces missions de surveillance. Ces agents ont deux missions principales : une mission de sécurité générale et la lutte contre la démarque inconnue. La loi de 1995 est venue encadrer la présence de ces agents sur leur mission de sécurité générale notamment incendie, en exigeant la présence d'agents de sécurité dans les établissements recevant du public (ERP) et en dissociant cette fonction de la lutte contre la démarque inconnue. La loi confortait ainsi la position de la jurisprudence qui avait rendue civilement responsable un grand magasin au motif qu'il n'avait pas mis en place des mesures de sécurité alors qu'il avait fait l'objet de menaces terroristes (Cass 85-11.449 du xxxxx).

 

Ces agents de sécurité, chargés principalement de la lutte contre la démarque inconnue qu’ils soient internes à l’entreprise ou dépendant d’une société de sécurité privée ne disposent que des mêmes pouvoirs que tout citoyen, c’est-à-dire ceux prévus par l’article 73 du code de procédure pénale. Ces agents de sécurité sont toutefois confrontés à une délinquance permanente en raisons des vols commis dans les grandes surfaces[35]. Chargés d’appréhender les personnes suspectées de vol à l’étalage, leurs interventions peuvent parfois être « musclées ». Si certaines personnes appréhendées reconnaissent facilement « l’oubli » de paiement, l’intervention des agents se réduit alors soit à l’encaissement du prix soit à la restitution de l’objet avec pour des montants de faible valeur l’envoi d’une lettre plainte au procureur de la République. D’autres interventions se révèlent plus sensibles. Leur action peut conduire à l’interpellation de personnes n’ayant commis aucun larcin, ou dans certains cas nécessiter l’appel des forces de police. Ils utilisent dans ce cas les possibilités de rétention offertes par l’article 73 du CPP, ce qui peut conduire à des dérives notamment quand les délais d’intervention de la police peuvent être élevés.

 

Leur action peut également être compliquée par la présence de véritables bandes organisées.

Certains phénomènes conduisent à s’interroger sur le professionnalisme de certains intervenants : les sociétés leaders du marché de la sécurité, refusent le plus souvent à intervenir sur ce secteur d’activité au motif que les prix sont « trop tirés » vers le bas par les distributeurs. On y retrouve donc principalement des petites sociétés dont le taux d'encadrement est faible et un fort turnover du personnel, ce qui interdit le plus souvent un formation efficace de ces agents, alors que ceux-ci sont confrontés sans cesse à des situations conflictuelles. En outre la pratique des primes liées aux arrestations pratiquées par certains distributeurs peut inciter les agents à certaines dérives.

 

Certains distributeurs tiennent toutefois à conserver en interne la surveillance de leurs points de vente en mettant également l'accent sur leur fonction d'accueil. On constate toutefois, dans ces sociétés le recours à de la sous-traitance "d'ajustement".

 

La loi de 1997 (????) a également contraint les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à mettre en place une structure de sécurité en coordination avec les forces de police. Les "stadiers" ont ainsi remplacé les forces de police à l'intérieur des stades, celles-ci exerçant leur mission de sécurité sur la voie publique à l'extérieur du stade et peuvent être amenées à intervenir en cas de trouble dans l'enceinte sportive.

 

Ces stadiers, parfois bénévoles, sont aussi dans certaines circonstances sous-traités à des sociétés de sécurité privé et peuvent se trouver confronter à des phénomènes de violence, pour lesquels leur formation à la gestion de mouvements de foule paraît dérisoire. Cette organisation, mise à l'épreuve du feu pendant la coupe du monde de football, semble avoir bien fonctionné jusqu'à présent, tout en notant, que des responsables des forces de police étaient présentes dans les PC sécurité des stades pour gérer en direct les événements et qu'ils le sont encore aujourd'hui pour les rencontres jugées "sensibles".

 

1.3.2.2Les entreprises industrielles et commerciales, non accessibles au public, territoires privés par excellence, constituent le cœur de marché des sociétés de sécurité.

 

La demande de sécurité est principalement tirée par les entreprises qui se prémunissent contre des risques industriels et commerciaux. Certaines mesures sont en outre imposées soit par la réglementation, quand il existe des risques industriels spécifiques (usines chimiques, raffineries, centrales nucléaires par exemple) soit par l'Etat dans des domaines jugés sensibles en matière de défense ( industries de l'armement par exemple). L'action des agents est strictement limitée à l'intérieur de l'entreprise et leur mission est principalement tournée vers  la sécurité générale allant de l'extinction de cafetières électriques, à la surveillance de salles informatiques ou à la surveillance d'entrepôts. En matière de libertés publiques, les salariés plus que les tiers peuvent être les principales victimes de comportements déviants mais qui semblent être plus le fruit de l'entreprise utilisatrice que des sociétés de surveillance. "L'oubli" d'informer le comité d'entreprise lors de la mise en place de nouvelles organisations ou de nouvelles technologies, l'information des salariés de la mise en œuvre de systèmes de contrôle, relèvent en effet de la responsabilité du chef d'entreprise et non de celle d'un sous-traitant éventuel. Les dérives relevées ponctuellement par la presse ou les tribunaux ont le plus souvent comme origine la mise en œuvre de nouvelles technologies : vidéosurveillance, contrôle informatisé des accès, logiciels de communications, logiciels de traitement permettant d'intégrer des données autrefois éparses (pointage, restaurant d'entreprise, paye, téléphone…) qui sont dans la plupart des cas mises en place par les entreprises sans le concours de sociétés de sécurité. Les menaces en matière de libertés publiques vis-à-vis des salariés des entreprises, résultent ainsi plus de décisions des entreprises, plus que de la présence d'agents de sécurité, qu'ils soient internes ou sous-traités.

 

1.3.2.2Les territoires dédiés au logement

 

Les phénomènes de "gatted cities", forme d'habitat collectif, où les résidents choisissent librement une restriction à leurs libertés, sont encore un phénomène marginal en France en comparaison d'autres pays (USA, Afrique du Sud par exemple).

 

Dans l'habitat collectif, le recours aux sociétés de sécurité privées est faible. Les bailleurs sociaux refusent généralement de tels dispositifs, arguant que la sécurité est l'affaire de l'Etat et que le coût de cette surveillance ne pourrait être répercuté sur les locataires. Les grandes sociétés de sécurité sont peu présentent sur ce marché qui leur paraît peu solvable.

 

Dans l'habitat individuel, ce sont les dispositifs de télésurveillance qui se développent en raison de la baisse des coûts. Des contrats de "location de matériels couplés à une télésurveillance" sont aujourd'hui disponibles à des coûts mensuels inférieurs à 150 F. De nouveaux "package" marketing apparaissent sur le marché et vont sans doute pousser la demande des consommateurs. Si la fiabilité des équipements tend à s'améliorer, ces alarmes sont une source de tensions entre les centres de télésurveillance et les PC des forces de sécurité en raison du nombre d'appel pour des alarmes intempestives qu'ils génèrent. Au COG de Strasbourg, 80% des appels suite à alarme télésurveillées sont en fait des appels indus. Ce phénomène est à la fois source de tensions et de démotivations des forces de l'ordre.

1.3.3.Le développement des espaces non territorialisés entraîne une mutation de l’insécurité

 

On considérait au milieu des années 90 que les 4/5 èmes des fraudes informatiques trouvaient leur origine à l’intérieur des entreprises et concernaient essentiellement le piratage de logiciels. Le développement des réseaux au premier rang desquels INTERNET entraîne un rééquilibrage au profit d’une menace externe de plus en plus visible avec l’apparition d’un nouveau type de délinquant : le hacker. Ce dernier , le plus souvent étranger à l’entreprise dont il pénètre de façon illicite les systèmes d’information peut avoir des motivations économiques (détourner de l’argent), ludique (montrer sa supériorité) ou stratégiques (guerre de l’information). La « nouvelle économie » voit ainsi surgir de nouveaux acteurs que l’information intéresse en tant que telle. Ceux-ci sont à la fois privés (des concurrents) et publics (services secrets de type FBI, CIA, DGSE, DST, MI5, MI6 …) dont le renseignement technologique et économico-stratégique devient la grande priorité. Il faut ajouter un troisième type d’organisation de type mafia dont il est difficile d’estimer l’impact en ce domaine. Une étude publiée par le Cabinet ERNST & YOUNG en décembre 1994 portant sur 1271 entreprises a montré que 60 % de celles-ci avaient été attaquées par des virus informatiques avec des risques croissant au moins au rythme du développement de l’informatisation. La moitié des entreprises interrogées ont subi des pertes dont certaines de plus d’un million de dollars. Un tiers des entreprises ayant subi des préjudices n’ont jamais pu en évaluer le montant. On ne dispose pas en France d’études équivalentes mais il n’ y a aucune raison de penser que la situation y est différente de celle connue du monde anglo-saxon.

 

L’information warfare (ou guerre de l’information) concerne trois niveaux différents : l’information sur les individus, celle des entreprises, enfin le patrimoine national. La guerre de l’information se définit donc par trois éléments : obtenir et utiliser l’information détenue par un ennemi, modifier ou détruire ses données et protéger ses propres systèmes d’information. Le « cyberspace » – type même de l’espace non territorialisé – engendre donc sa propre criminalité.

 


2. L’émergence d’une logique de coproduction de sécurité n’a pas encore permis d’aboutir à une régulation efficace

 

2.1. La recherche d’une coproduction dans le respect des libertés publiques

 

2.1.1. Une intervention de l’Etat nécessaire pour sauvegarder les libertés publiques

 

L’intervention du législateur dans le domaine de la sécurité privée a historiquement répondu au souci de protéger les libertés publiques. Cette exigence perdure à mesure que se développent le domaine de la sécurité privée, les moyens techniques qu’elle peut utiliser et que s’affirme la volonté de mettre en oeuvre une véritable coproduction en la matière. Elle répond en outre à une demande de la profession.

 

2.1.1.1. La sauvegarde des libertés publiques a motivé l’intervention de l’Etat

 

L’intervention de l’Etat pour la sauvegarde des libertés publiques trouve son fondement dans l’article 34 de la Constitution qui dispose : « la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Plus récemment, la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité a apporté une justification supplémentaire à cette intervention en indiquant dans son article 1 :  « la sécurité est l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et collectives ».

 

Dans le passé, plusieurs libertés publiques sont apparues menacées par le développement des initiatives de sécurité privée. Des libertés de la personne comme le respect de la vie privée et la liberté individuelle, mais également des libertés collectives comme le droit de grêve.

 

Les débats parlementaires qui ont précédés l’adoption de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds, qui fut la première loi règlementant de façon globale le secteur[36], attestent de la volonté de réagir par rapport à des dérives et des bavures qui avaient choqué l’opinion publique (assassinat d’un clochard au forum des Halles par les vigiles d’une société de gardiennage en décembre 1981, expulsion des employés d’une entreprise d’Isigny par près de 200 vigiles appartenant à une société de gardiennage recruté par le patron pour briser la grêve).

 

Il est apparu indispensable au législateur de réglementer l’activité d’entreprises qui jusqu’à lors étaient considérées comme des sociétés commerciales de droit commun pour lesquelles aucune condition n’était requise lors de leur création et aucun contrôle exercé sur l’activité et le personnel.

 

En outre, un des objectifs recherché consistait à interdire les activités anti-grêve et anti-syndicales. L’une des propositions de loi ayant donné lieu à la loi de 1983 avait pour objet la dissolution des milices patronales dont on craignait qu’elles n’agissent comme des polices  parallèles.

 

Les textes législatifs et réglementaires intervenus antérieurement pour réglementer certaines activités privées ont procédé des mêmes motivations et ont été élaborées dans le même esprit. 

 

La loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées est intervenue à une époque où les ligues menaçaient l’existence de la République. Ce texte trouvera à nouveau à s’appliquer, dans un contexte certes différent, lors de la dissolution du service d’action civique (SAC) au début des années 80.

 

La loi de 1942 sur les agences privées de recherche a eu pour objet d’encadrer des agences de détectives privés qui s’étaient beaucoup développées dans les années 20 et étaient alors « stigmatisées par les pouvoirs publics comme des polices privées parallèles menaçant les intérets d’une police publique »[37].   

 

2.1.1.2. L’extension du champ de la sécurité privée et des nouveaux moyens techniques mis en œuvre posent de façon renouvelée l’exigence de protection des libertés publiques

 

La croissance du secteur de la sécurité privée et la concentration actuelle qu’elle connait, que le rachat récent de la société Proteg par le groupe Sécuritas vient d’illustrer, suscitent de nouvelles interrogations au regard des libertés publiques.

 

La caractéristique du marché de la sécurité privée en France est d’être dominé par de grandes entreprises étrangères[38] ce qui engendre des inquiétudes en matière d’intérêt économique national. Certaines centrales nucléaires sont ainsi gardées par ces grandes entreprises. Plusieurs interlocuteurs rencontrés ont abordé cette question, qui constitue d’ailleurs une des motivations du projet de loi en préparation.

 

Le développement de nouvelles technologies, si il fait progressivement l’objet d’un encadrement législatif  et réglementaire, à l’exemple du décret du 17 octobre 1996 relatif à la vidéo-surveillance, confronte régulièrement le législateur à de nouvelles questions. Ainsi, l’installation de systéme de vidéo-surveillance pose le problème de l’éventuel implantation des centres de contrôle à l’étranger et du déclenchement de l’intervention des forces de police depuis un pays tiers.

 

2.1.1.3. La volonté de mettre en oeuvre une coproduction de sécurité constitue un motif d’intervention de l’Etat.

 

L’Etat, en validant la notion de coproduction de sécurité s’est imposé deux exigences. Il lui revient de définir les domaines dans lesquels peut s’exercer la sécurité privée et ceux qui demeurent de la compétence de la puissance publique. Il lui incombe également de s’assurer que les personnes et les entreprises participant à la coproduction de sécurité présentent bien toutes les garanties de sérieux et de moralité nécessaires.

 

2.1.1.4. L’intervention du législateur rencontre les intérets d’une partie de la profession.

 

Les obligations réglementaires auquelles sont confrontées les professions de la sécurité privée sont inégales. Si le convoyage de fonds est très encadré, ce qui s’explique par la présence d’un armement et l’importance de la mission de cette profession pour la vie économique du pays, les fonctions de gardiennage le sont beaucoup moins.

 

En outre, la nécessité de réglementer se pose avec plus ou moins d’accuité selon que les professions de sécurité concernées interviennent ou pas dans des lieux ouverts au public.

 

Les professionnels de la sécurité privée, et plus spécifiquement les grandes sociétés de gardiennage, souhaitent l’intervention du législateur afin qu’il moralise leurs professions et les organise. A travers un encadrement règlementaire, ils espèrent améliorer l’image d’un secteur d’activité qui souffre encore d’une mauvaise réputation acquise dans les années 1970 et entretenue par des pratiques actuelles contestables.

 

La sous-traitance utilisée de façon sauvage constitue la première d’entre elles. Elle est très fortement utilisée dans certaines branches d’activité comme le gardiennage, au mépris le plus souvent du droit du travail. Elle  créée en outre une concurrence déloyale à l’encontre de ceux qui respectent la réglementation.

 

 S’agissant de la sous-traitance, la demande à l’égard des pouvoirs publics est double : d’une part qu’il en  encadre l’utilisation mais également qu’il donne l’exemple à l’occasion des marchés qu’il passe. Plusieurs intervenants ayant fait remarquer que la modicité des prix de certaines sociétés retenus lors d’appels d’offre publics indiquaient clairement qu’il ne pouvait y avoir que recours à la sous traitance et absence de respect du droit du travail.

 

Le souci de transparence constitue également une des préoccupations de la profession. Plusieurs interlocuteurs ont indiqués au cours des entretiens qu’il était courant que des individus relevant du grand banditisme possèdent des sociétés de gardiennage leur servant au blanchiement de fonds. Lorsque ces sociétés sont identifiées par les services de police, il leur est très facile, compte tenu des règles actuellement en vigueur de les faire disparaître et d’en créer de nouvelles.

 

Pour autant, ces revendications, ne sont pas forcément sans arrière pensée car  elles présentent aussi l’avantage pour les entreprises déjà installées, si elles sont satisfaites, de rendre plus difficile l’accès au marché de la sécurité pour de nouvelles sociétés. Elles ont donc des conséquences en matière d’emploi que le législateur se doit d’envisager.

 

Il faut préciser que ces demandes des professionnels ne sont pas spécifiques à la France. Ainsi, au Royaume Uni, le projet de loi en cours de préparation répond largement à une demande de la profession animée des mêmes soucis s’agissant de son image de marque.

 

Les demandes de réglementation de la part des acteurs de la sécurité privée se  justifient également par le fait qu’ils considèrent que leur secteur d’activité représente un enjeu en matière d’emploi pour autant que les professions soient organisées, notamment en matière de formation. Ainsi, la profession d’agent privé de recherches apparaît très peu encadrée et organisée au regard des enjeux dont elle a à connaître (concurrence déloyale, ..)

 

2.1.2. Une reconnaissance du rôle de la sécurité privée dans la coproduction de sécurité

 

La sécurité privée a longtemps jouit d’une mauvaise image auprès des pouvoirs publics, mais la loi du 21 janvier 1995 traduit une évolution en la matière. Ce début de reconnaissance coincide avec la réorientation de l’Etat dans ses missions et à la mise en place d’une véritable coproduction sur certains territoires.

 

2.1.2.1. Un secteur d’activité considéré avec méfiance

 

Les textes législatifs et réglementaires intervenus avant la loi de 1995 attestent de la volonté d’ encadrer  le domaine de la sécurité privée afin d’éviter que des pratiques douteuses y aient cours. Ils manifestent également la volonté de bien marquer la limite entre ce qui relève de la compétence de la puissance publique et ce qui ressort de la sécurité privée.

 

La loi de 1983 est à cet égard révélatrice puisqu’à coté de dispositions visant à encadrer le secteur elle manifeste le souci  d’« éviter toute confusion avec un service public » (article 3). Ainsi, la dénomination des entreprises doit faire mention de leur caractère privé et les gardiens ne peuvent exercer sur la voie publique.

 

Dans le même souci, une circulaire de Ministre de l’Intérieur du 17 novembre 1983 a précisé que «  tout acte administratif ayant pour objet de faire participer, même partiellement ou temporairement des entreprises ou des personnes priv ées à l’exercice de la police municipale était illégal ».

   

De façon symptomatique, le programme commun de gouvernement de la gauche de 1981 prévoyait d’ailleurs de faire disparaître les forces de sécurité privées, perçues comme une émanation du patronat.(à vérifier)

 

2.1.2.2. La sécurité privée bénéficie depuis peu d’une certaine reconnaissance

 

Ce secteur n’a fait l’objet d’une certaine reconnaissance que récemment, par la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité (LOPS), encore que cette reconnaissance ne manque pas d’être ambiguë. En effet, aucun titre ou chapitre de cette loi ne concerne la sécurité privée qui ne figure pas non plus dans les orientations principales de la politique de sécurité.

 

Le domaine de la sécurité privée apparaît  à l’article 10, qui traite de la vidéo surveillance, et les activités privées de sécurité ne sont envisagées de façon globale que dans le troisième paragraphe de l’annexe 1 dans lequel il est indiqué que ces activités « concourent ainsi à la sécurité générale ».

 

En outre, le secteur de la sécurité privée est conçu par le législateur de façon large. Il impose en effet à des acteurs qui n’ont pas pour mission de base la sécurité de s’en préoccuper. Ainsi, l’article 11 fait obligation aux aménageurs dans le cadre de leurs projets de réaliser une étude préalable de sécurité. De la même façon, les propriètaires d’immeubles à usage d’habitation se voient imposer une obligation de gardiennage à l’article 12.

 

La coproduction de sécurité telle qu’elle est entendue par les pouvoirs publics consiste ainsi à faire intégrer la préoccupation de sécurité par tous les acteurs privés qui peuvent y contribuer au dela des seuls acteurs de la sécurité privée. Il se situe alors dans le domaine de la prévention situationnelle.

 

Pour autant, la coproduction de sécurité apparaît d’avantage comme un concept affirmé comme ce fut le cas lors du colloque de Villepinte des 24 et25 octobre 1997, qu’une réalité juridique. Elle est conçue comme l’action de différents acteurs indépendants, chacun ayant son champ de compétence et exerçant dans la majeure partie des cas sur des territoires  qui lui sont propres. La LOPS ne prévoit en effet pas de concertation entre les différentes acteurs en présence, comme cela aurait pu être le cas. 

 

En outre, et ceci est révélateur, les pouvoirs publics ne semblent pas en avoir tiré les conséquences s’agissant de leur organisation. Dans l’organigramme du Ministère de l’Intérieur, aucune structure n’est identifiée comme traitant spécifiquement de la sécurité privée et des relations avec ce secteur. Ce rôle est assuré aujourd’hui par la Direction des Libertés Publiques en plus de ses autres missions. 

 

De même, en matière de formation, une coopération plus importante pourrait être prévue. Si la police anime parfois des formations pour les personnels de la sécurité privée, ceci se réalise de façon ponctuelle et les différentes professions semblent inégalement concernées. Les agents privés de recherche par exemple se plaignent du refus persistant de la police de participer à leurs actions de formation.

 

A titre de comparaison, la Metropolitan Police de Londres participe assez régulièrement à la formation des personnels de la sécurité privée, tâche pour laquelle elle se fait rémunérer selon que cette formation contribuera à l’avenir à alléger ses missions ou pas. La police peut d’ailleurs détacher des agents à temps plein pour qu’ils effectuent de la formation dans la secteur privé.Le développement de la sécurité privée, intervenue au Royaume Uni plus tôt qu’en France, explique des relations plus formalisées.

 

Cette prise en compte modeste de la sécurité privée au niveau du Ministère de l’Intérieur apparait curieuse compte tenu du poids économique et humain qu’elle réprésente. Ceci l’est d’autant plus que dans le même temps,  aucune indication, aucune doctrine,  n’est fournie aux forces de police quant aux relations éventuelles qu’elles doivent entretenir avec les responsables de la sécurité privée. Tout est laissé à la discrétion des agents sur le terrain et force est de constater qu’en la matière les situations sont très différentes.

 

Il est vrai que la nécessité de coordination ne se pose de la même façon et avec la même acuité selon les territoires où s’exerce la sécurité privée. Celle-ci est principalement une sécurité de nature industrielle pour laquelle les agents sont confinés sur un territoire non ouvert au public. L’exemple typique est celui du gardiennage d’une entreprise ou la fonction de sécurité concerne davantage le risque  technique (incendie…) que la malveillance humaine. La nécessité de coordination avec la police est alors faible puisque elle n’est nécessaire qu’en cas d’incident.

 

En revanche, cette nécessité de coordination se pose avec plus d’accuité lorsque les personnels de sécurité privé interviennent sur des territoires ouverts au public où les forces de sécurité publique opèrent  également. L’exemple typique en la matière est le centre commercial où forces de sécurité privée et police nationale sont amenées à se cotoyer dans les galeries marchandes.

 

A l’occasion des entretiens, certaines formes  de coopération sont apparus intéressantes. Ainsi au centre commercial de Boissy 2 les échanges entre le directeur de l’hypermarché et le commissaire de police de la circonscription, inexistentes à l’origine sont dorénavant régulières et un local de police a été installé dans l’enceinte du centre commercial.

 

En fait, en dépit de l’affichage de la notion de coproduction, le domaine de la sécurité privée est davantage considéré comme un auxiliaire de la sécurité publique. Il permet parfois par les informations qu’il donne de résoudre des affaires et surtout certaines tâches peuvent lui être confiées qui permettent de décharger  d’autant les forces de police. C’est tout le débat sur les « charges indues ».

 

2.1.2.3. Ce début de reconnaissance coincide avec la nécessité pour la police de se recentrer sur ses tâches essentielles

 

La notion de charges dont l’accomplissement serait imposé induement à la police ne relève d’une réflexion théorique en la matière mais davantage du constat que les forces de police, compte tenu de la multiplication des sources d’insécurité et malgrè l’augmentation de leurs effectifs, doivent se recentrer sur leurs missions prioritaires. De façon similaire aucune réflexion n’a été menée sur l’étendue du champ pouvant être confié au secteur privé.

 

La loi du 21 janvier 1995 valide toutefois cette notion puisqu’elle énonce dans son annexe 1 qu’  « un certain nombre de réglementations imposent aux services de police et de gendarmerie des sujétions et des contraintes qui n’ont que peu de rapport avec leur mission prioritaire de sécurité, et ainsi les en détournent ». Elle annonce en outre que ces règlementations feront l’objet d’un réexamen systématique.

 

Les différents responsables de la police interrogés sur ce thème ont indiqué considérer comme charges indues les gardes statiques, le convoyage des détenus ainsi que l’accompagnement des personnes en situation irrégulière dans leur pays d’origine.

 

Certains de nos voisins européens ont d’ores et déjà confié certaines de ces missions au secteur privé ou les font assurer par des dispositifs de vidéo-surveillance. Au Royaume Uni, les responsables du Home office et de la        Metropolitan Police rencontrés ont indiqué que le niveau de service rendu par les sociétés privées était souvent bien meilleur que celui que pourrait assurer la police.

 

Par rapport à cette revendication, et notamment s’agissant des gardes statiques, les réponses données par les préfectures sur le terrain sont diverses, bien qu’un rapport de l’Inspection Générale de l’Administration ait recommandé d’en confier la garde à des sociétés privées[39]. L’enjeu est pourtant réel s’agissant des effectifs puisque dans le Val de Marne par exemple, la garde de la préfecture mobilise 52 policiers.

 

Pour autant, le débat sur la notion de charges indues, même si elle correspond à des tâches qui ne relèvent pas de la mission de base de la police, n’est pas satisfaisant ainsi posé. Il procède en effet moins d’une réflexion sur les missions de la police et de la gendarmerie que de la nécessité de faire face à l’insuffisance des moyens humains et budgétaires au regard de la montée de l’insécurité et au developpement de nouveaux territoires sur lesquels celle ci peut s’exercer.

 

Comme c’est le cas bien souvent, le domaine de la sécurité privée en offre d’ailleurs des exemples, la loi ne fait que tirer après coup les conséquences d’une situation de fait. Ceci pose d’ailleurs la question du financement de ces activités et de la participation éventuelle qui peut être demandée aux usagers.

 

2.1.2.4. La coproduction de sécurité constitue une réalité sur certains territoires

 

Malgrès les ambiguités de la reconnaissance de la notion de coproduction de sécurité, certains territoires comme les enceintes sportives et les zones aéroportuaires en constituent de réels exemples. L’origine de cette situation peut être diverse, augmentation de la demande de sécurité, du volume des tâches à effectuer ou transfert au secteur privé de certaines missions effectuées antérieurement par la police. Les degrés de collaboration entre le secteur privé et la puissance publique y sont également plus ou moins avancés et formalisés.

 

S’agissant des enceintes sportives, l’article 23 de la LOPS dispose : « les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d’y assurer un service d’ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie ». Sur ce fondement législatif s’est mis en place une coopération très organisée entre l’Etat et les organisateurs de manifestations dans le domaine du football.

 

Celle-ci repose sur une convention signée en octobre 1999 par l’Etat, la Fédération Française de Football et la Ligue Nationale de Football. Cette convention extrèmement précise définit notamment le partage des tâches et des charges financières entre l’Etat et les organisateurs.

 

Le dispositif privé de sécurité mis en place à l’intérieur des enceintes est constitué pour l’essentiel par les stadiers, chaque match de première division donnant lieu à une réunion préparatoire entre la Préfecture et les représentants des deux clubs.

 

Ce dispositif, si il donne de bons résultats s’agissant de la diminution des incidents laisse toutefois subsister certaines zones d’incertitude s’agissant notamment de la co-responsabilité des partenaires en cas d’incidents. En outre se pose la question des palpations de sécurité lors du passage de la zone controlée par la police à celle controlée par les stadiers. Celles ci constitue une compétence de l’Etat qui ne peut être déléguée mais les pratiques s’écartent parfois des dispositions juridiques.

 

(a revoir)

 

Les zones aéroportuaires sont également des territoires donnant lieu à la mise en œuvre d’une coproduction de sécurité. Cette situation résulte largement de l’augmentation du trafic qui a obligé la police de l’air et des frontières à se recentrer sur certaines de ses missions, notamment le contrôle de l’immigration.

 

Cette coproduction est toutefois moins formalisée que dans les enceintes sportives car elle correspond davantage à un retrait des forces de police qu’à la volonté de mise en place d’une véritable collaboration. Le principal domaine dans lequel il y a eu transfert, non de la compétence qui demeure étatique mais des tâches d’exécution concerne l’inspection filtrage. Ce transfert est encadré par la loi du 26 février 1996 etle décret du 30 mai 1997.

 

D’autres pratiques liées au recentrage des forces de police posent question. Ainsi, la surveillance devant les aérogares est assurée dorénavant par des vigiles en uniforme qui ne disposent d’aucun pouvoir en matière de contravention. Or, a l’aéroport de Toulouse, la police refuse de se déplacer pour verbaliser. Les aéroports de Paris ont par ailleurs dans leurs contrats une clause qui pénalise financièrement les prestataires si l’attent est trop longue devant les postes d’inspection filtrage.

 

 

 

2.2.   Le contrôle par l’Etat de la sécurité privée demeure insuffisant pour garantir la complète innocuité de ce secteur d’activités

 

En raison des menaces qu’ils sont susceptibles de faire peser sur la collectivité, les individus et les biens, les acteurs de la sécurité privée sont soumis depuis 1983 à un contrôle étatique visant principalement à s’assurer de leur bonne moralité. Plus récemment, l’apparition de nouvelles technologies de sécurité potentiellement attentatoires aux libertés a suscité l’émergence d’un encadrement réglementaire. La portée du contrôle de l’Etat demeure toutefois insuffisant eu égard tant aux lacunes intrinsèques des dispositifs législatifs et réglementaires qu’aux conditions insatisfaisantes de leur mise en oeuvre.

 

2.2.1. Les risques associés à l’émergence de la sécurité humaine et technologique ont suscité l’intervention de l’Etat régulateur

 

2.2.1.1. L’Etat s’est doté de moyens juridiques visant à assainir un secteur sensible

 

La loi du 12 juillet 1983 n’a pas seulement entendu confiner le secteur privé de la sécurité aux seuls territoires privés et interdire toute dévolution à son profit tant des attributs symboliques que des compétences des forces publiques (cf supra 2.1). Elle a également jeté les bases d’un contrôle de l’Etat sur des entreprises précédemment régies par le droit commercial commun[40].

 

         Un régime d’autorisation administrative destiné à moraliser la profession

 

La loi de 1983 soumet l’exercice des activités de surveillance, gardiennage, transport de fonds et protection rapprochée des personnes à un régime d’autorisation administrative. Celui-ci s’applique tant aux entreprises de sécurité proprement dites qu’aux services internes de surveillance des sociétés n’ayant pas pour objet social la fourniture de prestations de sécurité.

 

Concrètement chaque entreprise et, le cas échéant, chacun de ses établissements, doit déposer un dossier de demande en préfecture comportant notamment, outre l’extrait d’immatriculation au registre du commerce, la justification de l’adresse du siège de l’entreprise, sa dénomination et son statut, la liste nominative des dirigeants et des employés.

 

L’examen de ces demandes par les services préfectoraux doit être l’occasion de vérifier que les employés et dirigeants remplissent les conditions de moralité posées par la loi. En effet, celle-ci précise en son article 6, s’agissant des salariés, que « nul ne peut être employé (...) s’il a fait l’objet, pour agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ou pour atteinte à la sécurité des personnes et des biens, d’une sanction disciplinaire ou d’une condamnation à une peine d’emprisonnement correctionnelle ou à une peine criminelle, avec ou sans sursis, devenue définitive ». Pour les personnels recrutés postérieurement à la création de l’entreprise, celle-ci doit faire dans le mois une déclaration à la préfecture qui vérifie le passé judiciaire de l’intéressé.

 

Cette condition de moralité, appréciée au vu du bulletin n°2 du casier judiciaire, est également applicable aux dirigeants de droit ou de fait (art. 7). Ces derniers doivent en outre être vierges de toute sanction prononcée dans le cadre de procédure de type règlement judiciaire, faillite personnelle ou banqueroute. Enfin, les dirigeants sont obligatoirement français ou ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat avec qui la France a conclu des conventions internationales.

 

            L’exigence de moralité est renforcée pour les agents – vigiles et transporteurs de fonds, à l’exclusion des gardes du corps - que la loi de 1983 autorise à porter des armes[41]. Dans la pratique, les convoyeurs de fonds sont quasiment les seuls agents privés dotés d’armes[42] : pour ce faire, ils doivent être préalablement agréés par le préfet, ce qui suppose une enquête de moralité dépassant la seule vérification du bulletin n°2 du casier judiciaire, et titulaires d’une autorisation de port d’armes.

 

            Pour permettre aux forces publiques d’exercer leur contrôle, les agents privés de sécurité doivent être porteurs d’une carte professionnelle délivrée par leur employeur et mentionnant le numéro d’autorisation de l’entreprise. Cette carte doit être présentée à tout agent de l’autorité publique qui en fait la demande.

 

Si l’autorisation administrative délivrée à une entreprise est valable sans limitation de durée, celle-ci peut être suspendue et retirée. Ainsi, lorsque des poursuites sont engagées à l’encontre du dirigeant d’une entreprise ou d’un service interne de sécurité, le préfet a la faculté, mais non l’obligation, de suspendre l’autorisation. Celle-ci est retirée lorsque le bénéficiaire de l’autorisation cesse de remplir les conditions de moralité (condamnation définitive) ou de nationalité ou lorsque l’entreprise ou le service interne cesse ses activités.

 

L’ensemble des obligations posées par la loi du 12 juillet 1983 sont assorties de sanctions pénales pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement.

 

Les principes de spécialité et de non immixtion dans les conflits du travail et les affaires politiques

 

Marquant sa volonté d’assainissement du secteur de la sécurité privée, le législateur a entendu interdire toute forme de « milice patronale » ou politique, dont l’existence réelle ou supposée a alimenté le débat public au cours des années 1970. L’article 4 de la loi de 1983 dispose ainsi qu’il est interdit aux entreprises de sécurité et à leur personnel « de s’immiscer ou d’intervenir à quelque moment et sous quelque forme que ce soit dans le déroulement d’un conflit du travail ou d’événements s’y rapportant. Il leur est également interdit de se livrer à une surveillance relative aux opinions politiques, religieuses et syndicales et de constituer des fichiers dans ce but ».

 

Une autre innovation de la loi de 1983 est la définition d’une obligation de spécialité, consistant à interdire aux entreprises de sécurité privée de se livrer à d’autres activités que celles couvertes par la loi de 1983. Ce principe traduit un double souci de contrôle du secteur, par son cantonnement, et de professionnalisation. Il ne s’impose toutefois de manière stricte qu’aux activités de garde du corps qui sont exclusives de tout autre prestation. En revanche, une même société peut proposer, à l’instar de la Brink’s ou de Proteg, des services de surveillance / gardiennage et de transport de fonds ainsi que des prestations situées en amont et en aval de ces deux métiers (conseil, installation de matériel, maintenance).

 

Un contrôle des professions de sécurité privée répandu dans les pays de l’Union européenne

 

A l’instar de la France, de nombreux Etats européens ont ressenti la nécessité d’instaurer un contrôle étroit sur des activités professionnelles susceptibles de troubler l’ordre public et de porter atteinte aux libertés publiques.

 

La quasi-totalité des Etats européens s’est ainsi dotée au cours des vingt dernières années de législation spécifiques au secteur privé de la sécurité. En Grande-Bretagne, le gouvernement a publié en mars 1999 un livre blanc qui devrait prochainement déboucher sur une loi mettant fin à l’absence d’encadrement prévalant actuellement.

 

Dans tous les pays du sud de l’Europe, à l’exception de la Grèce, au Bénélux et dans les pays scandinaves, l’exercice d’activités privées de sécurité est soumis à une autorisation administrative préalable, généralement délivrée pour une période de 5 ans. Comme en France, dirigeants et employés doivent obéir à des critères de moralité. De nombreuses législations prévoient également des conditions de nationalité, parfois très strictes : ainsi, l’Italie et l’Espagne réservent l’exercice des activités de sécurité privée à leurs ressortissants, ce qui est contraire au droit communautaire. Pour ce qui est du port d’armes, celui-ci est soit interdit (Danemark, Norvège) soit strictement encadré et conditionné à l’obtention d’une autorisation spécifique.

 

La principale différence entre la législation française et celle de nombreux Etats européens (Belgique, Danemark, Espagne, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Suède) réside dans l’obligation de formation professionnelle que ces Etat imposent aux dirigeants et, plus rarement, aux agents de sécurité privée : il s’agit de prévenir tout dérapage non seulement par la moralisation mais également par la professionnalisation du secteur. 

 

A l’étranger comme en France, la responsabilité de l’application de la loi incombe généralement aux ministères de l’Intérieur et de la Justice. Toutefois, le Royaume-Uni envisage de créer une Autorité indépendante, financée par la profession, spécialement chargée de délivrer les autorisations et de contrôler le respect de la législation. En Norvège, la fédération nationale des sociétés de sécurité privée assure l’autorégulation du secteur.

 

2.2.1.2. Un Etat régulateur dont l’adaptation à l’évolution des technologies est indispensable pour prévenir les atteintes aux libertés

 

Le développement actuel de dispositifs de sécurité fondés sur la vidéo-surveillance ou l’utilisation de badges soulève des interrogations quant à la préservation de la liberté individuelle. Face à l’émergence de cette problématique l’Etat tente de concilier sécurité et liberté, et doit veiller à adapter en permanence le cadre législatif.

 

         Utilisée depuis plusieurs décennies dans les banques et casinos, la vidéosurveillance n’est devenue un thème sensible qu’au cours des années 1990. Ceci résulte d’une part de son implantation croissante dans des lieux publics comme les centres commerciaux ou le métro parisien et, d’autre part, du recours à la technologie numérique qui permet une meilleure définition des images et autorise une grande capacité de stockage et de traitement des informations. Cette double évolution accroît les risques de violation de la vie privée des personnes filmées et de détournement de la finalité des dispositifs.

 

            Dans ce contexte, l’Etat a marqué, à l’article 10 de la loi d’orientation et de programmation du 21 janvier 1995 (dite loi Pasqua), sa double volonté d’une part d’autoriser la vidéo surveillance dans les lieux et établissements ouverts au public[43], en tant qu’elle concourt à la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens et, d’autre part, de subordonner sa mise en oeuvre au respect de conditions protectrices des libertés.

 

La loi, qui exclut la compétence de la CNIL sauf à ce que les enregistrements vidéo soient utilisés aux fins de constitution de fichiers nominatifs, soumet l’installation de dispositifs de vidéosurveillance à un régime d’autorisation préfectorale. Le représentant de l’Etat se prononce après avis d’une commission départementale présidée par un magistrat qui apprécie la conformité du système aux prescriptions posées par la loi : opportunité du dispositif au regard des risques d’agression ou de vol, positionnement des caméras, information du public sur l’existence du système, modalités du droit d’accès des personnes intéressées, délai de conservation des images (1 mois maximum), désignation d’une personne responsable du système. L’autorisation peut être retirée en cas de manquement aux règles posées par le législateur.

 

            La question de la vidéosurveillance n’est pas complètement réglée par la loi de 1995 dans la mesure où sont récemment apparus dans des immeubles collectifs, donc hors du champ couvert par la LOPS, des systèmes de vidéo surveillance interne avec diffusion des images sur les postes de télévision des particuliers. Ces dispositifs dits de « coveillance » sont actuellement mis en oeuvre dans des ensembles HLM à Saint-Pierre du Perray dans l’Essonne ou à Bagnolet en Seine-Saint-Denis. Leur légalité au regard tant de la loi informatique et libertés, qui semble devoir s’appliquer à l’espèce en l’absence de disposition législative contraire, que des articles 9 du code civil[44] et L 226-41 du code pénal[45] apparaît des plus incertaines. La coveillance soulève concrètement deux grands types de problématiques :

-         qui doit être compétent pour décider de la mise en place d’un tel système et en être responsable ?

-         comment déterminer les destinataires légitimes des informations recueillies et faire respecter le droit d’opposition des locataires ?

 

L’Etat doit rapidement prendre position sur ces questions pour éviter que la lutte contre l’insécurité et le sentiment d’insécurité ne se paie d’une atteinte trop importante aux libertés publiques.

 

         L’utilisation des outils informatiques dans une perspective sécuritaire soulève également des difficultés particulières sur le lieu de travail. Au-delà du problème de la vidéo-surveillance des employés, autorisée après information et consultation du comité d’entreprise, se pose aujourd’hui la question de la traçabilité des salariés au moyen des badges électroniques utilisés dans le cadre du contrôle d’accès à l’entrée et dans certains locaux de l’entreprise. En effet ces badges remplissent parfois différentes fonctionnalités comme la mesure du temps de travail ou le paiement des repas au restaurant d’entreprise. Au total, les déplacements du salarié peuvent être aisément suivis dans l’enceinte de l’entreprise.

 

La loi informatique et libertés s’applique en l’espèce dès lors que des traitements automatisés enregistrent les informations fournies par les badges. Ces traitements doivent donc être déclarés à la CNIL qui veille à ce que les droits des salariés (information, droit d’accès et de rectification) soient respectés et les fichiers détruits dans un délai de 3 mois maximum (sauf cas particulier d’annualisation du temps de travail).

 

 

            Pour que le développement de la sécurité privée n’entraîne pas de dérapages, deux conditions doivent être remplies : d’une part, la moralisation et la professionnalisation du secteur de la sécurité humaine, d’autre part le strict encadrement des dispositifs de sécurité technologiques afin d’éviter toute atteinte excessive aux libertés et tout détournement de finalités. La levée de ces hypothèques sur les libertés dépend en large partie de la qualité des règles juridiques posées par l’Etat et de leur bonne application. Or, sur ces deux points, de nombreuses lacunes peuvent être relevées.

 

2.2.2. La moralisation et la professionnalisation du secteur souffrent des lacunes de la législation et des conditions insatisfaisantes de sa mise en oeuvre

 

2.2.2.1. Les exigences législatives de moralité apparaissent insuffisantes

 

            La portée du dispositif de contrôle a priori de la moralité des dirigeants et employés est altérée tant par le faible niveau d’exigence du législateur que par les conditions concrètes de sa mise en oeuvre.

 

Les critères retenus par le législateur pour apprécier la moralité sont trop lâches

 

Actuellement, les préfectures doivent se prononcer sur la capacité d’un individu à exercer un métier de sécurité privée au vu du seul extrait de casier judiciaire B2, sur lequel ne figurent que les condamnations à des peines privatives de liberté. Cet état du droit apparaît insatisfaisant à plusieurs titres.

 

En premier lieu, le B2 ne mentionne que les antécédents judiciaires les plus graves, alors que les conditions d’emploi de nombreux vigiles, au contact avec un public parfois fragile (dans les hôpitaux, par exemple), justifierait un niveau d’exigence accru en matière d’honorabilité. Par ailleurs la commission de faits similaires peut donner lieu à des condamnation soit à des peines de prison soit à des amendes : dans ce deuxième cas, le B2 ne porte aucune trace des infractions commises.

 

En second lieu, l’effet conjugué des lois d’amnistie et des facilités considérables d’effacement des condamnations mentionnées au B2 contribue à vider ce document de la plupart des mentions indispensables pour apprécier la moralité des personnes. Il convient à cet égard de souligner que le souci de réinsertion sociale des condamnés conduit parfois les juges d’application des peines à orienter les individus concernés vers le secteur du gardiennage et conséquemment à effacer les antécédents judiciaires portés au B2.

 

Au total, l’impact des vérifications effectuées par les préfectures apparaît assez limité. Une étude effectuée par Frédéric Ocqueteau sur les quatre premières années d’entrée en vigueur du dispositif d’assainissement (1987-1991)[46] montre qu’à cette époque « les effectifs de rejet des salariés sous contrat variaient de 3 à 8% selon les préfectures, et que les taux de rejet des dirigeants et gérants restaient dans l’ensemble infinitésimal ». S’agissant de la période actuelle, les sondages effectués auprès des préfectures dans le cadre de la présente étude indiquent qu’en province les taux de rejet ne dépassent guère les 5%, tandis que les refus pour incapacité prononcés par la Préfecture de police de Paris seraient nettement supérieurs.

 

·               Une mise en oeuvre défectueuse du contrôle de moralité permet à de nombreux salariés et dirigeants d’y échapper

 

Au-delà des lacunes propres du dispositif législatif d’assainissement liées à la seule prise en compte du B2, il apparaît que les conditions de mise en œuvre du contrôle de moralité altèrent significativement son efficacité.

 

Au moment de l’embauche d’un nouveau salarié, les entreprises doivent adresser une déclaration à la préfecture qui procède ensuite à la vérification du B2. Or, l’accomplissement de cette procédure prend généralement entre deux et quatre mois. Dans l’intervalle, un personnel à la moralité douteuse peut exercer. De fait, le personnel embauché à titre intérimaire ne fait l’objet d’aucun contrôle. Une telle impunité peut déboucher sur des troubles à l’ordre public : ainsi, à l’occasion de la manifestation nautique « Le Havre 99 », une des sociétés de surveillance chargée de la sécurité, qui avait recruté en toute hâte des personnels peu recommandables, causa divers troubles, dont le passage à tabac de marins, le refus d’accès au site à des CRS (sous prétexte qu’ils ne portaient pas le badge adéquat), ou l’entrave aux déplacements du directeur de cabinet du préfet.

 

De plus, la déconcentration des procédures de vérification du B2 et l’absence de fichier central des demandeurs conduisent à ce que des individus ayant des antécédents judiciaires exercent à titre provisoire sur le territoire d’un département, le temps que la préfecture statue, avant de changer de lieu de travail, enclenchant ainsi une nouvelle et longue procédure de vérification. L’absence de coordination entre préfectures peut également déboucher sur des divergences d’interprétation quant à ce que recouvre les termes de condamnation à une peine d’emprisonnement pour « agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ».

 

·                         L’insuffisance du contrôle exercé par l’Etat favorise la pratique des échanges informels de renseignements entre la police et les entreprises privées de sécurité

 

L’insuffisance du dispositif de contrôle de moralité est déploré tant par les entreprises de sécurité que par leurs clients. Les exemples abondent de vigiles au lourd passé ayant soit passé avec succès le filtre des procédures légales soit réussi à les contourner. En 1998, un vol à main armée au centre commercial de Créteil Soleil a été commis par un vigile travaillant pour le compte d’une société de gardiennage dont l’enquête a révélé que tous les salariés avaient des antécédents judiciaires.

 

Pour se prémunir contre les personnes douteuses, les entreprises de sécurité et leurs clients cherchent à obtenir des renseignements figurant sur les fichiers de police et de gendarmerie. Cette pratique répandue est grandement facilitée par la présence d’anciens fonctionnaires des services publics de sécurité au sein des entreprises prestataires ou consommatrices de sécurité privée. Ainsi à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris tous les chefs de sécurité présents dans les établissements de soins sont d’anciens officiers de police judiciaire.

 

Il est probable qu’un relèvement des exigences formulées par l’Etat en matière de moralité des personnels privés de sécurité permettrait de réduire significativement les pratiques informelles, et illégales, d’échanges d’information entre forces publiques et entreprises privées.

 

2.2.2.2. L’insuffisante vigueur du suivi assuré par l’Etat laisse perdurer un secteur informel qui opère principalement dans les « zones grises »

 

            Le contrôle par l’Etat du secteur de la sécurité privée porte essentiellement sur l’examen a priori de la moralité des agents. Or, l’assainissement de ce domaine d’activités requiert également un suivi étroit de l’activité quotidienne des entreprises qui pour l’heure fait défaut.

 

         Le secteur de la sécurité privée ne fait pas l’objet d’un suivi particulier

 

            Sans qu’il soit possible de quantifier le phénomène, il est avéré qu’un nombre significatif d’entreprises et salariés présents sur le marché de la surveillance et du gardiennage exercent en méconnaissance de la loi 1983 et des obligations posées par les  codes du travail et du commerce. Une étude menée dans le département du Nord a permis de recenser ------------.

 

            L’Etat a sa part de responsabilité dans cet état de fait en raison d’une part de sa politique d’achat des prestation de sécurité[47], et, d’autre part, de l’insuffisance des contrôles pratiqués. Sur ce deuxième aspect, il convient de relever que les services de police et de gendarmerie ne sont pas investis d’un rôle particulier en matière de surveillance du secteur privé de la sécurité. Si la loi de 1983 leur reconnaît la possibilité, rarement exercée en pratique, de vérifier la carte professionnelle[48] dont chaque agent privé de sécurité doit être porteur, elle ne leur donne pas compétence, en revanche, pour effectuer des contrôles sur place dans les entreprises de sécurité. [Evoquer éventuellement le rôle des RG]

 

            L’inspection du travail dont l’action contre le travail illégal est de nature à assainir la profession, n’a entrepris aucune action spécifique dans le domaine de la sécurité privée, alors même qu’il existe en son sein des structures spécialisées sur des secteurs sensibles comme les transports. Il est vrai toutefois que la principale source d’illégalité est constituée par une myriade d’entreprises unipersonnelles qui n’entrent pas dans le champ de compétence de l’inspection du travail. [A creuser]

 

            Les URSSAF ont également pour vocation de traquer l’exercice non déclaré des activités de sécurité privée. Il semble néanmoins que leur action s’exerce prioritairement sur les grandes entreprises, qui sont les moins consommatrices de travail illégal. [A argumenter]

 

La tâche de contrôle est rendue difficile par l’extrême précarité des entreprises du secteur qu’accentue la pratique des faillites frauduleuses : certains entrepreneurs entrent sur le marché du gardiennage et pratiquent des tarifs inférieurs à la concurrence grâce aux exonérations de charges sociales dont bénéficient les créateurs d’entreprise. Lorsque cette aide publique prend fin, l’entreprise est mise en faillite et une nouvelle structure créée par l’intermédiaire d’un « homme de paille », afin de contourner les règles de moralité financière posées par la loi de 1983. Ces pratiques illicites pourraient être mieux appréhendées si les entreprises avaient obligation de déclarer leur actionnariat à la préfecture dans le cadre de la procédure d’autorisation administrative.

 

            En matière de vidéosurveillance, les contrôles sur place sont à peu près inexistants. Le régime actuel ne donne en effet aucun pouvoir d’investigation et d’autosaisine à la commission départementale. De fait, un nombre indéterminé, mais qu’il y lieu de croire élevé, d’installations fonctionne en toute illégalité, n’ayant pas été soumises à la procédure d’autorisation administrative. Par ailleurs, pour les systèmes de vidéosurveillance autorisés, il n’y a pas de travail de suivi de la part de l’Etat : ainsi, aucun service ne vérifie que l’implantation des caméras correspond effectivement à ce qui était prévu par l’arrêté d’autorisation ou que la destruction des enregistrements est effective à l’issue du délai maximal d’un mois.

 

         L’inquiétante persistance d’un secteur « hors normes »[49] opérant principalement dans les lieux ouverts au public

 

L’insuffisant contrôle de l’Etat favorise la présence persistante aux marges de la légalité de larges pans du secteur de la surveillance – gardiennage.

 

Ce phénomène est d’autant plus inquiétant que les entreprises les moins fiables employant des personnels sans qualifications opèrent principalement dans les lieux ouverts au public tels que galeries marchandes ou hôpitaux. La politique du moins-disant appliquée par les gestionnaires de ces espaces conduit à privilégier des entreprises dont l’avantage concurrentiel résulte pour une grande partie de la méconnaissance des obligations légales. L’accord tacite entre clients et prestataires sur un service de faible qualité, consistant principalement en la présence d’un vigile au physique athlétique, ne prêterait guère à conséquences si le grand public n’était pas susceptible de pâtir des insuffisantes qualification et moralité des personnels chargés de la surveillance.

 

L’existence d’un important secteur informel extrêmement compétitif au niveau des prix annihile les efforts de la profession en faveur d’une politique de qualité reposant sur la formation des personnels et la définition de normes sous l’égide de l’AFNOR. Dans ce contexte, l’intervention de l’Etat sous la forme d’une obligation légale de qualification pour les personnels au contact du public, sur le modèle de ce qui existe en matière de sécurité incendie, paraît s’imposer. L’impact d’une telle obligation en termes de professionnalisation et d’assainissement du secteur dépendrait toutefois de la détermination de l’Etat à la faire respecter.

 

 

2.3. Le positionnement opérationnel de l’Etat face à la sécurité privée reste ambiguë

2.3.1 L’Etat, acteur de la sécurité privée

2.3.1.1 intervention de la police sur les alarmes

 

·        les problèmes des alarmes intempestives

 

Les forces de police et de gendarmerie sont amenées à intervenir sur les alarmes posées par les professionnels de la sécurité privée et sur demandes des sociétés de télésurveillance. Cette intervention est un argument de vente de la prestation de sécurité pour les entreprises de télésurveillance. Les forces de sécurité y trouvent également un intérêt en augmentant leur efficacité en terme d’intervention sur effraction.

 

En dépit de l’amélioration constatée dans la qualité des alarmes, les cas d’alarmes intempestives sont encore nombreux. Le Groupement de gendarmerie du Bas-Rhin comptabilise ainsi que dans 80% des interventions sur alarmes sont liées au déclenchement d’alarmes intempestives[50]. Les forces de sécurité se trouvent donc encombrées d’interventions inutiles. Il importe donc que la société de télésurveillance exerce elle-même la levée de doute, soit par appel au propriétaire, soit par envoi d’une ronde[51], soit au moyen de procédés technologiques élaborés[52]. Or de nombreuses sociétés de télésurveillance ne possèdent ni les moyens technologiques, ni l’implantation locale pour effectuer cette levée de doute.

 

Par ailleurs, les forces de sécurité ne peuvent intervenir facilement intervenir dans une propriété privée en l’absence de la société de gardiennage. Elles se heurtent à des difficultés pratiques (absence de clés etc.) mais aussi juridiques car elles ne peuvent entrer dans la propriété s’il n’y a pas d’effraction manifeste. La société de télésurveillance se doit donc d’être présente lors de l’intervention de la police ou de la gendarmerie.

 

·        L’absence de base juridique valide de contrôle des excès

 

Le décret n° 91-1206 du 26 novembre 1991 a fixé un certain nombre de principes afin de lutter contre les dérives liées au développement de la télésurveillance :

- attribution d’un numéro téléphonique réservé aux stations de télésurveillance lors de leurs appels à la police contre une contribution forfaitaire et une redevance annuelle[53] ;

- redevance exceptionnelle versée en cas d’appel justifié[54] ;

- droit d’inspection des stations de télésurveillance ouvert à l’administration.

 

La base juridique de la redevance exceptionnelle pour intervention injustifiée a par ailleurs été invalidée par le tribunal administratif de Paris[55] qui a jugé qu’elle ne pouvait avoir un caractère forfaitaire car elle constituait la contrepartie d’une prestation fournie. Cette réglementation n’a pas donné lieu à application au sein du ministère de l’intérieur[56].

 

·        Une disparité des pratiques d’intervention en commun

 

Il n’existe pas de doctrine d’emploi pour les interventions en commun entre la police et les sociétés de télésurveillance. Nos entretiens ont montré des pratiques très différentes selon les territoires visités. Certains interlocuteurs ont des pratiques assez poussées d’intervention en commun avec des entreprises de télésurveillance implantées au niveau local[57]. D’autres[58] au contraire ne connaissent pas les sociétés de télésurveillance. Ces différences s’expliquent souvent par les difficultés de relations personnalisées selon la taille des circonscriptions concernées. Certaines sociétés, comme Proteg, demandent à leurs responsables locaux de prendre contact avec les responsables locaux. Il n’en demeure pas moins un problème important lorsque la société de télésurveillance ne possède pas d’implantation locale ou de moyen technique d’effectuer la levée de doute[59].

 

2.3.1.2Une présence structurante d’anciens fonctionnaires dans la sécurité privée

 

La reconversion d’anciens fonctionnaires des forces de sécurité, police, gendarmerie, autres militaires et pompiers, joue un rôle important dans le secteur.

 

Il est difficile d’évaluer la proportion d’anciens fonctionnaires parmi les salariés de la sécurité privée. Une étude récente réalisée à partir des enquêtes emploi de l’INSEE[60] a montré que la part des anciens policiers, militaires ou pompiers parmi les nouveaux agents des sociétés de sécurité privée est de 17,6%. Il existe néanmoins des réflexions sur la reconversion comme agents de sécurité des militaires dans le cadre de la réforme des armées et des adjoints de sécurité à l’issue du programme emplois-jeunes[61].

 

Le nombre d’anciens fonctionnaires des services de sécurité dans la direction et l’encadrement des entreprises de sécurité ne fait pas l’objet d’un contrôle particulier par les pouvoirs publics. Les acteurs du secteur considèrent que le temps d’une reconversion massive des fonctionnaires à la tête d’entreprises de sécurité est révolu. Une estimation générale chiffre néanmoins à 20% la présence d’anciens fonctionnaires de police dans l’encadrement.

 

Il faut rajouter à ce tableau la présence d’anciens policiers, militaires et pompiers aux poste de directeurs sécurité des grands groupes. Une enquête menée[62] évalue sur 35 grosses entreprises consommatrices[63] de sécurité a ainsi montré que 45% des directeurs sécurité étaient issus de la sécurité publique. Cette professionnalisation renforcée permet de structurer les demandes faites à la profession en imposant notamment des cahiers des charges plus stricts.

 

La présence d’anciens fonctionnaires des forces de sécurité publique au sein de la sécurité privée est perçue comme un apport de compétences dans le secteur. Ils sont notamment plus à même de mettre en place des procédures afin de contrôler que les salariés du secteur se cantonnent à l’application de la loi. Leur présence facilite également les relations opérationnelles avec les forces de police et de gendarmerie lorsqu’elles sont nécessaires.

 

Des dérives sont néanmoins susceptibles d’intervenir dans certains domaines du fait de la transgression de règles déontologiques au sein des forces de sécurité par la communication d’information provenant des fichiers de police. Ces transgressions peuvent survenir dans le domaine du gardiennage, notamment lorsqu’il s’agit de vérifier la moralité de salariés placés dans des sites sensibles au-delà du contrôle administratif courant. Elles sont particulièrement marquées dans le domaine des enquêtes privées où les « fuites » peuvent concerner aussi bien des entreprises externes que des services internes. Certaines affaires ont été fortement médiatisées[64].

 

2.3.2.Les limites de la coproduction dans les zones grises

 

Les zones grises présentent un enjeu essentiel pour le positionnement de l’Etat par rapport à la sécurité privée. Ces territoires sont les lieux où la logique de coproduction de sécurité peut s’inscrire en articulant le rôle préventif de protection des biens des sociétés de sécurité privées et le rôle répressif dévolu à la sécurité publique. L’Etat ne peut également ignorer ses obligations en matière de protection des individus dans des endroits où les sociétés de sécurité privées sont au contact du public.

 

2.3.2.1Une articulation variable entre sécurité publique et sécurité privée

 

Le cadre d’intervention et les responsabilités respectives de la sécurité privée et de la sécurité publique apparaissent plus ou moins définies selon les lieux. Un certain nombre de territoires peuvent être pris en illustration de cette variété.

 

Une coproduction organisée de manière complète : les aéroports

 

L’Etat s’est retiré en 1994 des missions de sécurité dans les aéroports dans le domaine du filtrage des voyageurs et du contrôle des soutes au profit des sociétés de sécurité privée.

 

La répartition des missions et des responsabilités ont été clairement définies par la loi n° 96-151 du 26 février 1996 et le décret n° 97-574 du 30 mai 1997. L’Etat reste responsable de la sûreté dans les aéroports[65]. Les sociétés privées réalisent une série de tâches définies de manière précise[66]. Les sociétés peuvent faire appel à un officier de police judiciaire en cas de refus d’un passager et pour réaliser des inspections manuelles de bagages à mains et de fouilles à corps des passagers.

 

Les conditions d’exercice des sociétés de sécurité privées ont été également été fixées de manière précise. La loi impose un agrément individuel des agents sur décision conjointe du préfet et du procureur. Un cahier des charges rigoureux a été défini par la DGAC imposant des règles strictes de formation et de contrôle de l’activité des entreprises de sécurité[67] mais instaure également un nombre minimum d’agents destiné à effectuer les contrôles.

 

Les acteurs sont globalement satisfaits de l’articulation opérationnelle entre sécurité privée et sécurité publique. Elle est grandement facilitée par la présence sur le site des brigades de police, de gendarmerie et de douanes. Les responsables d’aéroport jugent le système satisfaisant eu égard à l’augmentation significative des prises avec la systématisation des contrôles menés par les entreprises privées de sécurité, plus flexibles et plus facilement contrôlables[68]. Les responsables policiers jugent que l’Etat garde la maîtrise et la responsabilité de la sécurité tout en pouvant s’appuyer sur une force partenaire de première intervention. Les gérants des entreprises privées de sécurité privée apprécient la clarté du cadre d’emploi de leurs salariés.

 

·        Une clarification des missions de la sécurité publique : les stades

 

L’obligation de coproduction de sécurité par les organisateurs de manifestations sportives a été imposée par l’article 23 de la loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995. Elle a été complétée par différents textes réglementaires[69] mais par la signature d’une convention entre l’Etat, la Fédération Française de Football et la Ligue Nationale de Football en octobre 1999 organisant de manière précise[70] le partage des tâches et les charges financières entre l’Etat et les organisateurs.

 

La répartition des tâches s’effectue simplement au regard du territoire :

-         L’organisateur est responsable de la sécurité au sein du périmètre constitué par le stade et les tribune

-         L’Etat est responsable de la sécurité aux abords et du rétablissement de l’ordre public en cas d’incident grave à l’intérieur de l’enceinte[71].

 

La coordination opérationnelle est organisée en amont par la définition lors de chaque rencontre d’un plan de prévention fixant le nombre de stadiers nécessaire[72], leur emplacement et le déploiement. Elle est également organisée au moment de la rencontre par la présence des différents acteurs de la sécurité au sein d’un PC avec une doctrine d’emploi de recours à la force publique lors des cas critiques. Elle a enfin été organisée en aval avec une plus grande sévérité des magistrats envers les fauteurs de trouble facilitée par une législation adaptée[73].

 

Cette collaboration semble efficace au regard de la diminution du nombre d’incidents dans les stades français[74] même si ce résultat résulte également d’autres facteurs (vidéosurveillance, suppression des tribunes « debout », recours aux physionomistes).

 

·        Des missions parallèles : les transports publiques parisiens

 

Les services de sécurité de la SCNF et de la RATP possèdent des pouvoirs de police des chemins de fer en vertu de la loi de 1845. Ils ont donc des pouvoirs réels de police administrative. Leur champs d’action a néanmoins été singulièrement augmenté face à la montée de la délinquance durant les années 1980 et au constat de l’insuffisance de la réponse policière.

 

A COMPLETER…

 

·        La mise en place de partenariats locaux

 

Notre enquête a montré l’existence de différents partenariats locaux au sein des zones grises. Ces partenariats reposent le plus souvent sur une adaptation du travail policier au site jugé important en terme de sécurité publique et de perception du sentiment d’insécurité. Ces partenariats sont rarement formalisés au sein des Contrats Locaux de Sécurité en dépit de la possibilité ouverte par une circulaire du 7 juin 1999 de les élargir à des acteurs privés. (il faut obtenir ici le recensement des fiches actions des CLS concernant des zones grises auprès du ministère de l’intérieur). Les exemples n’incluent pas les sociétés de sécurité privées proprement dites mais plutôt les directeurs des établissement protégés. Cette caractéristique s’explique par différents facteurs:

-         le fort taux de renouvellement des entreprises prestataires travaillant dans ces zones (voir supra) ;

-         la réticence éventuelle de la police de traiter avec des entreprises de sécurité privée ;

-         la nécessité pour la police d’avoir une autorisation du propriétaire pour intervenir (point à vérifier en droit) ;

 

Le supermarché Casino de Boissy a ainsi mis en place un plan d’action concerté avec la préfecture et la justice articulé autour de différents points :

-         changement de la société prestataire de sécurité considérée comme inefficace ;

-         présence d’un local de police au sein du supermarché ;

-         intervention systématique de la police lorsqu’elle est requise, y compris quand le montant du délit est inférieur au montant de la lettre-plainte ;

-         patrouille occasionnelle de la police au sein du supermarché avec l’accord de la direction ;

-         implication du procureur pour mener les procédures judiciaires nécessaires.

Ce plan très complet répondait à une situation très dégradée au sein du supermarché avec des problèmes à répétition avec une bande de jeunes. Nos interlocuteurs évaluent de manière positive ce partenariat.

 

Le métro de Toulouse a également mis en place un partenariat articulé avec la police nationale en distinguant les tâches :

-         équipement en télésurveillance ;

-         présence d’une brigade de 25 policiers spécialisés sur le métro intervenant lorsqu’elle est sollicitée ou sur indication de la vidéosurveillance ;

-         présence d’une société de sécurité privée qui a un rôle de contrôle des billets et de prévention par leur présence ;

-         intervention d’une association « vivre la ville » de médiation sociale.

Le partenariat est jugé satisfaisant par l’ensemble des acteurs. Les rôles sont clairement définies. Le rôle répressif est tenu exclusivement par la police national, ce qui se manifeste jusqu’à le port d’uniformes très différenciés[75]. Cette clarification est rendue possible par la présence de la police et des délais d’intervention courts[76].

 

·        Des territoires d’action dissociés : l’assistance publique de Paris et l’université de Jussieu

 

Ces territoires sont marqués par une longue tradition d’autonomie. L’intervention des forces de police ne peut y être qu’exceptionnel. Les entreprises de sécurité privée sont donc les responsables en premier chef de la sécurité. La Police Nationale reste donc, sauf fait gravissime intéressant l’activité de police judiciaire[77], à l’extérieur de l’établissement. La plupart des interventions liés à la malveillance sont donc réalisées par les services internes ou les sociétés privées de gardiennage. Les responsables des faits sont ensuite remis aux forces de police à l’extérieur de l’enceinte du bâtiment.

 

Cette discontinuité fait peser de fortes obligations de compétences aux services privés de sécurité. Cette exigence est plus ou moins traduite dans les contraintes imposées et dans la définition de leurs tâches par les cahiers des charges.

 

Les risques de confusion des rôles

 

Il est de jurisprudence ancienne que les compétences en matière du pouvoir de police ne peuvent être déléguées à une personne privée[78]. L’exercice du pouvoir de police doit donc rester une prérogative des autorités publiques. Les entreprises de sécurité privée ne peuvent fournir que des prestations de sécurité. Cette ligne de partage ne correspond pas forcément aux pratiques constatées.

 

·        Les insuffisances de l’Etat et la création d’un niveau infra-policier

 

L’intervention de l’Etat dans ses missions de producteur de sécurité n’est pas assurée de manière satisfaisante sur l’ensemble des zones grises. Cette insuffisance peut être due à différentes difficultés :

-         insuffisance des effectifs ;

-         contraintes d’organisation du travail policier, notamment en terme d’horaires de travail ;

-         problème de responsabilité territoriale entre la police et la gendarmerie ;

-         désengagement du territoire par les forces de sécurité publique : elles peuvent juger que la présence d’une entreprise de sécurité privée offre une protection suffisante ou que les contentieux traités ne sont pas d’importance suffisante ;

-         limites de la réponse judiciaire apportée aux délits constatés.

Le prestataire privé de sécurité est alors seule responsable de l’ensemble de la sécurité. Il existe alors un risque réel de voir se développer une régulation s’effectuer hors de l’application du droit commun.

 

L’exemple d’un centre commercial visité à Strasbourg est à cet égard significatif des limites perçues de l’intervention policière :

-         délais d’intervention importants[79] du fait de l’appartenance à la zone police même si la gendarmerie est située à proximité ;

-         absence de déplacement pour des montants inférieurs à ceux fixés par la lettre-plainte du procureur ;[80]

-         difficultés d’intervention après 18 heures alors que cette période correspond au pic de délinquance ;

-         fort taux de classement sans suite de la part de la justice.

Le résultat est le développement d’un traitement des délits au niveau du supermarché, en dehors des procédures classiques. Une étude menée[81] a ainsi montré que 95% des délits dans un certain nombre de centres commerciaux étaient traités hors de la procédure du droit commun et sans intervention de la police ou de la gendarmerie.

 

Ce niveau infra-policier pose un problème évident d’application de la règle de droit. Il peut également créer des tensions dans les relations entre les sociétés de sécurité privée et le public difficile avec des risques réciproques : attaque des vigiles ou atteintes aux libertés publiques.

 

·        Le dépassement par les sociétés privées de leurs attributions

 

Des risques apparaissent en pratique de dépassement par les entreprises de sécurité privée de leur rôle. Elles peuvent dès lors s’arroger des missions qui ne relèvent pas de leurs compétences en empiétant sur le rôle de la sécurité publique. Ces confusions sont justifiées par des préoccupations pragmatiques d’efficacité du contrôle ou aux phénomènes déjà décrits d’absence d’intervention policière. Elles posent néanmoins des problèmes importants sur le plan des principes de protection des libertés individuelles.

 

Ces dépassements peuvent survenir en présence d’un texte pourtant totalement clair. Nous avons ainsi pu constater, de visu, qu’en dépit de la mention expresse de la compétence exclusive contenue dans la loi de l’officier de policier judiciaire pour la fouille des bagages à main dans les aéroports, des agents d’entreprises de sécurité privées procèdent à ce type de contrôle.

 

Les dépassements sont également encouragés par le silence des textes. La pratique des fouilles de sécurité par des agents privés est ainsi largement répandue alors qu’elle relève de la compétence des officiers de policier judiciaire.

 

Ces dépassements peuvent aller jusqu’à s’arroger des compétences indissociables de l’activité policière. Les services de sécurité des transporteurs parisiens font ainsi un certain nombre d’enquêtes. Ils s’appuient pour ce faire sur leurs pouvoirs en matière de police des chemins de fer mais ces missions semblent souvent relever d’activités purement judiciaires.

 

·        Une pluralité d’acteurs problématique pour le citoyen

 

Le citoyen est confronté au sein des zones mixtes à une pluralité d’acteurs de sécurité ne possédant pas les mêmes pouvoirs. Cette multiplication des acteurs s’est encore amplifiée avec les pouvoirs dévolus à la police municipale par la loi du 15 avril 1999. Les policiers municipaux peuvent être amenés à intervenir sur appel des sociétés de sécurité privées en dépit de leur pouvoir en principe réduit par rapport à la police nationale[82].

 

Or, il est souvent incapable de distinguer les compétences appartenant à ces différents acteurs. Cette confusion est encouragée par l’ignorance par le citoyen des frontières juridiques existant entre les pouvoirs des sociétés privées de sécurité, ceux de la police municipale et ceux de la police nationale et de la gendarmerie. Elle est également alimentée par la confusion existant entre les uniformes des forces de sécurité publique et des agents des entreprises privées de sécurité.

 

 

 

 

La sécurité de proximité face à une nouvelle étape du processus de fragmentation des territoires : l’émergence des communautés sécurisées 

 

A)    Parti des Etats-Unis, le phénomène des communautés sécurisées amorce une recomposition du territoire urbain

Depuis la fin des années 80, l’édification de communautés clôturées (gated communities) connaît une croissance rapide aux Etats-Unis. Elle touche la plupart des Etats américains mais se concentre principalement dans les périphéries les plus dynamiques des villes du Sunbelt (californie, Floride, Texas). On compte aujourd’hui plus de 20 000  communautés abritant plus de 8 millions d’américains . Alors que les premières expériences se limitaient à des villages résidentiels pour familles très aisées ou pour riches retraités, aujourd’hui ce type de communautés concerne essentiellement les classes moyennes (1).[83]

 

Les fondements idéologiques des Gated communities reposent sur le « New Urbanism »dont certains éléments ne sont pas sans rappeler des principes du fascisme, à l’instar de la classification des individus en « catégories » « valables » et « moins valables » ou de la définition du bonheur dans une vie communautaire expurgée de tous les « nuisibles ». Dès lors, la stabilité de la communauté (jugée préférable au mélange incontrôlable des villes traditionnelles) s’établit, en premier lieu via la définition des « in groups » et « out groups ». En édictant des critères d’appartenance à la communauté, ses membres créent une identité commune, un « nous » qui les distingue des « autres ». Si les communautés cloturées ne font que représenter la forme la plus extrême d’exclusion par l’habitat, aux yeux du public américain, peu d’arguments peuvent être avancés pour dénoncer cette volonté de se réfugier puisque chacun a le droit d’agir de la sorte. Les habitants de ces villes sécurisées ne veulent pas au fond de choses différentes de ce que demandent les autres citoyens américains : contrôle de leur environnement, sentiment de sécurité, assurance de vivre avec des gens de même opinion : en définitive, l’expression forte d’un sentiment identitaire et communautaire.

 

Le phénomène d’enfermement apparaît alors comme l’expression la plus simple du symptôme d’une Amérique moderne, marquée du sceau d’une désillusion généralisée quant à la qualité de la vie publique. La sur-urbanisation ne se traduit donc pas par une diminution de la ségrégation mais par une redistribution des vieux modèles urbains. Après avoir spécialisé l’espace suivant les fonctions urbaines, on le spécialise en fonction de l’appartenance sociale en marquant physiquement sa distinction sous couvert de protection.

 

Les acquéreurs de logements en zones sécurisées ne mentionnent pas explicitement l’existence de « portes » comme un critère de choix prépondérant ni même explicite de l’achat de ce type de logement. Mais à l’évidence les acquéreurs préfèrent les habitations situées dans de telles zones à celles situées à l’extérieur. Les promoteurs de leur côté mettent rarement en avant la sécurité dans leur publicité , cela fait simplement partie des agréments offerts. Pourtant la plupart des résidents estiment après avoir emménagé que « les portes et les grilles rendent leur vie plus sûre ». Le sentiment d’insécurité est donc bien la principale raison de l’achat d’une maison dans de tels lotissements.

 

 

 

 

Seaside et Celebration Town : deux villes phares du Nouvel Urbanisme américain

 

Les villes de Seaside et de Celebration Town, aux Etats-Unis, font figure de modèles et de précurseurs du New Urbanism. Conçu par les architectes Andres Duany et Elisabeth Palter-Zyber, le plan de Seaside a été développé par Robert Davis. La ville elle-même reprend bon nombre d’idées fondamentales du mouvement  du Nouvel Urbanisme, telles que la primauté de la marche à pied par rapport à la voiture, le sens de l’espace, les relations inter - individus (vie de famille, entraide entre voisins, …).

A l’image des autres ensembles urbains relevant de cette approche, Seaside reprend les idées de la planification néo-traditionnelle et s’inspire du modèle des petites villes du  passé. Elle prétend offrir à ses habitants un lieu de vie qui favorise des relations positives entre les individus ainsi qu’entre les individus et la communauté, l’environnement, ce dans le respect des individualismes de chacun. Enfin, Seaside impose également un code de construction très strict ainsi qu’un usage des rues et des espaces publics novateur par rapport à la conception traditionnelle de tels espaces aux Etats-Unis et, plus généralement, en Amérique du Nord.

Celebration Town, autre ville phare du Nouvel Urbanisme, se situe en Floride, dans le comté d’Orlando, à quelques kilomètres de Disney World. Il s’agit là de la première communauté développée par The Walt Disney Company.

Elle se présente comme une ville moderne utilisant les nouvelles technologies de communication (télésurveillance, fibres optiques , …), mais dotée d’un centre « à l’ancienne », et comme un ensemble urbain d’intégration sociale, dans une conception renouvelée de la ville – modèle des villes futures. Elle se veut un produit dérivé du concept « Main Street » des parcs récréatifs Disney, une évocation des villes de la fin du XIXe siècle, mais dotée des dernières nouveautés technologiques. Véritable ville avec son centre, Celebration a ses écoles, son centre médical, ses commerces, ses banques, son golf. Elle offre des habitations individuelles, des maisons de ville et des appartements, à la vente comme à la location .

Walt Disney la présentait ainsi : « Celebration regroupe le meilleur de la substance de nos petites villes du passé, allié à une vision du futur. Tous les avantages et les technologies du monde moderne sont intégrés dans une architecture sans âge. Cela donne un sens à la communauté, renforce le centre ville, le complète (d’équipements). Tout ceci fait de Celebration Town un lieu de sociabilité au sein duquel les habitants vivent à proximité de commerces accessibles à pied.

De plus, la ville a un campus de santé doté d’un centre de remise en forme et d’un centre de soins intégré (ainsi Maman peut-elle aller nager et faire contrôler son niveau de stress tandis que Fiston va chez le dentiste ».

Les architectes proposent ainsi aux gens financièrement aisés de retrouver un monde  quasi idyllique. Selon eux, les habitants de cette ville ont tous le même désir de vivre dans des structures communautaires agréables, avec l’idée d’entraide entre voisins, dans un environnement sûr et bien entretenu où les enfants peuvent jouer dans les rues sans courir le risque de se faire écraser par une voiture ou de se faire vendre des stupéfiants.

Les premiers habitants ont emménagé à Celebration Town durant l’été 1996. La ville compte aujourd’hui environ 20 000 âmes, occupant près de 8 000 logements, le tout sur une surface de 2 000 hectares séparée du reste du pays par une étendue d’environ la même surface. Le prix des habitations, à l’achat, s’échelonne de 125 000 à 750 000 $ (2), et celui des locations de 575 à 1200  $ pour un studio (3). 

 

(2) Soit de 750 000 à 4 500 000 francs français.

(3) Soit de 3450 à 7200 francs français.

 

B)    Un processus émergent en Europe dont il est encore prématuré d’évaluer les conséquences en terme de territorialisation de la coproduction de sécurité

 

B1) Le phénomène touche l’Europe avec une décennie de retard sur les Etats-Unis

 

En Belgique, sur la mer du Nord, un projet conduit par les urbanistes qui ont conçu la ville de Seaside aux USA devrait bientôt voir le jour. Un autre programme est en cours de réalisation en Allemagne (en ex-RDA) reposant sur un concept de lotissements haut de gamme à haute protection pour riches particuliers soucieux à la fois de protéger leurs biens et leur appartenance à une élite financière. D’autres projets seraient envisagés en Italie et dans divers pays européens.

En France, le concept de « communauté sécurisée » a commencé à se réaliser matériellement à Toulouse pour des raisons essentiellement socioéconomiques . Son plan d’occupation des sols ne fixe aucune règle en matière de clôturage et ses révisions successives ont ouvert à l’urbanisation les zones périphériques où le foncier est abondant et à des prix encore abordables. L’aire urbaine toulousaine connaît une des plus forte croissances démographiques de France avec un afflux de salariés de classes moyennes et moyennes-supérieures. Cette population plutôt jeune, active et cultivée, avec enfants et revenus aisés est particulièrement demandeuse d’une formule qui allie sécurité et standing paysager. Après Toulouse, Bordeaux, Montpellier, Aix-en-Provence,Nantes et les abords de Paris constituent les territoires porteurs des promoteurs de communautés sécurisées. Ils ont besoin pour déployer leurs projets de grandes zones d’aménagement que l’on trouve en périphérie des grandes villes. Or c’est également dans le peri-urbain que le nombre de policiers-gendarmes par habitant est le plus faible. La conjonction d’une forte demande sociale de sécurité en provenance des ménages des classes moyennes et aisées conjuguée à la faiblesse de l’offre publique de sécurité (voire à sa quasi-inexistance à proximité des zones pavillonnaires péri-urbaines) crée un contexte favorable pour un fort développement potentiel de l’immobilier sécurisé.

 

B2) Des conséquences difficiles à évaluer en terme de territorialisation de la coproduction de la sécurité

 

Les enseignements tirés de « l’exemple américain » montrent que l’impact sur la délinquance effective est ambigü. A Miami où portes et barrières sont devenues la normes, certaines formes de délinquance comme le vol de voitures ont diminué. A l’opposé, la présence de ces portes et barrières n’a changé qu’à la marge le taux de criminalité- tous crimes confondus. Néanmoins les résidents disent moins ressentir la peur de l’agression. Cette réduction du « facteur crainte » est importante en soi dans la mesure où elle peut conduire à une augmentation des relations de voisinage, facteur à terme d’un recul de la criminalité. Il est vrai qu’à y regarder de plus près, les communautés protégées ne sont pas des havres de sécurité. Elles n’offrent généralement pas de protection complémentaire contre la criminalité. La majorité de la petite délinquance est le fait d’adolescents inoccupés qui vivent autant à l’intérieur de ces lotissements qu’à l’extérieur. Il est vrai que la plupart de ces « cages dorées » n’ont rien à voir avec les logements à très haute sécurité qui ont vu le jour à Moscou ou à Caracas où la nouvelle bourgeoisie vit cachée et protégée derrière de hauts murs sous la protection de gardes armés. Dans la plupart des gated communities, les portes ne sont pas gardées mais ont simplement des barres de protections télécommandées ou d'autres systèmes de protection aisément contournables. Quand il y a des vigiles à l’entrée, une bonne présentation (costume / cravate et belle voiture) sont souvent des laissez-passer suffisants.

 

Il serait vain d’analyser le phénomène des communautés sécurisées indépendamment du contexte culturel des différents pays. En Europe et en France en particulier, la prégnance du pacte social républicain concevant la ville comme la matrice du lien social, la disqualification culturelle de l’autodéfense et l’attachement aux services publics sont autant de facteurs qui rendent peu probables la généralisation de véritables « villes privées ».

 

Deux modèles de « communautés sécurisées » semblent néanmoins voir le jour en France. Le premier modèle à l’initiative de Kaufman & Broad France refuse « les murs » et se contente de proposer des villages de maisons dont les alarmes sont reliées à une société de télésurveillance. Il n’y a donc pas de « privatisation » de cet espace public  que constitue les rues. Le second modèle, à l’image des « Demeures du golf » construites par le groupe Windsor à. Saint Germain-les-Corbeil (Essonne) comprend un grillage d’enceinte, une loge de gardien, une barrière à digicode à l’entrée et des patrouilles de surveillance la nuit. On est ici beaucoup plus proche du « ghetto pour riches » à l’américaine qui correspond à une privatisation de l’espace public.

 

Dans les deux cas, la fonction de police de proximité se trouve interpellée de façon dialectique. Le développement des résidences sécurisées en réaction au sentiment d’insécurité croissant des habitants risque d’éloigner encore plus la police de proximité qui sera tentée de concentrer ses forces sur les zones plus vulnérables (banlieues, centres-ville…), renforçant le sentiment de perte de confiance des résidents dans les institutions publiques.

 

 


 

3. propositions

 

3.1. Le cadre des réformes

 

 

3.1.1. Les acteurs

 

Aucune réforme efficace et durable ne pourra avoir lieu sans les efforts conjugués des trois acteurs exerçant un rôle sur le marché de la sécurité privée : l'Etat, la profession et les entreprises clientes.

 

i.                     L'Etat régulateur

 

L'Etat régulateur se doit d'assumer à la fois un rôle de normalisation et d'impulsion.

 

Pour ce faire, une doctrine de coproduction doit être élaborée a priori pour éviter d’avaliser des situation de fait, qu’elles résultent de désengagement ou de développement de pratiques non conformes à la loi. (cf Quinqueton)

 

En tant qu'autorité normative, il appartient à l'Etat de définir, en amont, des règles claires de coordination des forces en cas d'intervention conjointe. Ce sont donc les modalités pratiques de la coproduction de sécurité qui ont besoin d'être précisées par voie réglementaire ou conventionnelle. Par ailleurs, l'Etat doit renforcer le caractère préventif de la législation en vigueur en durcissant les conditions d'accès à la profession et en encadrant strictement les modalités d'action des agents privés. Ce faisant, il doit prendre garde à ne pas stigmatiser une profession qui s'est déjà en voie de moralisation, et à ne pas paralyser ses moyens d'action. Enfin, en aval, l'Etat doit renforcer ses moyens de contrôle, afin de les rendre plus effectifs et aggraver les sanctions encourues en cas de violation de la loi.

 

Parallèlement, l'Etat doit jouer un rôle d'impulsion afin d'encourager le secteur de la sécurité privée à achever de se structurer et de soutenir les efforts menés par la profession sur le plan de la formation notamment. 

 

 

ii.                   La profession

 

La profession présente aujourd'hui une unité dont il est possible de tirer partie. Sa  maturité relative lui permet de s'engager sur la voie de la certification, garante de la qualité et de l'homogénéité des prestations fournies, et de la définition de règles déontologiques revêtant une véritable portée pratique. Même si elles peuvent être accompagnées par l'Etat, ces démarches doivent avant tout résulter d'initiatives propres à la profession.

 

 

iii.                  L'entreprise cliente

 

L'entreprise cliente, utilisatrice de sécurité, bénéficiera de l'effort conjoint de l'Etat et de la profession puisqu'elle fera face à une offre mieux structurée, provenant d'entreprises présentant toutes les garanties d'efficacité et de sérieux. L'entreprise cliente doit, à ce titre, être associée à la réflexion et être responsabilisée en tant que consommatrice de sécurité par le biais de mécanismes de "coresponsabilité". Elle devra, par ailleurs, mieux intégrer la sécurité dans son activité quotidienne et accepter que l'amélioration du service rendu puisse se traduire par un surcoût financier.

 

 

3.1.2.La méthode

 

3.1.2.1. Une approche discriminante selon les territoires

 

Dans l'appréhension du secteur complexe qu'est la sécurité privée, l'Etat devra apporter des réponses circonstanciées et adaptées aux réalités du terrain. C'est pourquoi il pourra être utile de distinguer, au sein des réformes qui seront mises en place, celles devant s'appliquer à l'ensemble de la profession de celles s'imposant aux seules entreprises (généralement de sécurité humaine) intervenant sur des zones à risque pour les libertés publiques; ces "zones grises" (espaces publics et espaces privés ouverts au public). De la sorte, les exigences renforcées que l'on se propose de définir en matière d'agrément, de formation ou de port d'armes ne viendront pas inutilement contraindre les entreprises n'intervenant que sur des espaces strictement privés et ne présentant, de ce fait, aucune menace directe pour la sécurité ou les libertés des citoyens. De plus, en définissant certaines règles spécifiques aux "zones grises", l'Etat limite, de fait, le nombre d'agents concernés par ces normes (entre 10 et 15 % des effectifs de la sécurité humaine) et facilite l'exercice de contrôles effectifs par la suite.

 

 

3.1.2.2. Une approche à la fois réglementaire et contractuelle

 

Lorsque la régulation sera nécessaire, l'Etat devra apporter des réponses adaptées à l'objet recherché. Cela signifie que son intervention pourra revêtir la forme d'un acte unilatéral (loi ou acte réglementaire) à chaque fois que l'on touchera à une fonction régalienne (régime de l'armement, des contrôles et des sanctions) mais qu'il devra, au contraire, privilégier une approche contractuelle lorsque certaines modalités d'intervention sur le terrain devront être précisées entre les forces de l'ordre et des agents privés.

 

 

3.1.2.3. Une réponse institutionnelle

 

Même si la question institutionnelle n'est pas centrale en l'espèce, l'Etat ne peut faire l'économie d'une réflexion en la matière. Les réformes envisageables sont d'ailleurs d'envergure modeste. Aujourd'hui, à l'exception du 7ème bureau de la sous-direction des affaires juridiques de la DLPAJ (qui a bien d'autres compétences par ailleurs), il n'existe aucune structure d'administration centrale s'occupant véritablement des questions relatives à la sécurité privée en France. Aussi, sans aller jusqu'à proposer une structure indépendante sur le modèle de la "British Security Industry Association"(organisme privé qui émet des directives obligatoires pour les organisations affiliées et procède à des contrôles et sanctions), il pourrait être utile de disposer d'une structure clairement identifiée et exclusivement dédiée à la sécurité privée.

 

A l'instar du "Conseil de Sécurité Privée" portugais, la structure à mettre en place devrait être placée auprès du Ministre de l'Intérieur, même si sa vocation est clairement interministérielle. Comprenant des membres des ministères de l'Intérieur, de la Justice, de la Défense, du Travail et des Transports, cette structure serait constituée sous la forme d'une "Délégation interministérielle d'observation et de surveillance de la sécurité privée" dont le secrétariat serait assuré par le Ministère de l'Intérieur.

 

La Délégation se verrait confier cinq fonctions principales :

 

- proposer  une doctrine en matière de coproduction  ayant vocation à s’appliquer à l’ensembles des services de l’Etat sur le territoire national ;

 

- synthétiser les informations relatives au secteur (et transmettre un rapport annuel au Parlement) ;

 

- proposer des adaptations à la réglementation en vigueur ;

 

- être une force d'impulsion auprès de la profession ;

 

- définir une politique de contrôle et de sanction (sans préjudice des compétences de l'ordre judiciaire).

 

Cette structure constituerait, ainsi, un lieu de communication entre les responsables des différentes phases administratives que sont l'autorisation, le contrôle et la sanction. Elle permettrait, par conséquent, de faciliter et d'homogénéiser sur le territoire français les conditions d'intervention des autorités administratives et judiciaires sur le terrain.

 

 

3.1.3 Les contraintes juridiques

 

S'agissant de modifier des normes de valeur législative et réglementaire, les éléments de réforme envisagés devront respecter à la fois le cadre normatif constitutionnel et communautaire.

 

Pour ce qui est du droit constitutionnel, les propositions formulées devront intégrer la jurisprudence du Conseil constitutionnel et notamment celle relative aux garanties qui doivent entourer les "visites" dans les locaux professionnels (DC 19 janvier 1988), à la proportionnalité de la sanction administrative (DC 20 juillet 1993) ou encore au respect de la vie privée comme élément de la liberté individuelle (DC 18 janvier 1995, à propos de la vidéosurveillance) + DC 1992 impossibilité de déléguer un pouvoir de police + DC ? sur la liberté du commerce et de l’industrie.

 

En ce qui concerne le droit communautaire, le problème est probablement plus délicat, compte tenu des positions exprimées par la Commission européenne en matière de règles relatives à l'ordre public et à la sécurité publique. Pour la Commission, en effet, les entreprises de sécurité privée sont, avant tout, des prestataires de service et relèvent, de ce fait, du premier pilier. La notion de coproduction de sécurité définie dans la LOPS de 1995 ne permet plus de se prévaloir du caractère d'ordre public de la réglementation des professions de sécurité privée. Dès lors, l'Etat peut réglementer ce secteur économique à condition de respecter les grands principes posés par le Traité de Rome que sont la liberté d'établissement (article52),  la libre prestation de service (article 59) et la libre circulation des travailleurs (article 48).

 

S'il est vrai que des dérogations à ces trois principes sont possibles, elles sont aujourd'hui strictement encadrées par la Cour de Justice. Par exemple, les questions d'ordre public visées à l'article 56 du Traité, et pouvant justifier des restrictions au principe de libre circulation des services, sont définies très strictement. Il en résulte que seule une menace imminente, actuelle et réelle peut justifier des mesures ponctuellement dérogatoires au droit commun, sans pouvoir jamais légitimer une réglementation intégralement dérogatoire.

 

 

3.2.   Renforcer et affiner les modalités de régulation de l’Etat

 

3.2.1. Garantir l’effectivité des libertés publiques dans les zones grises

 

3.2.1.1 Mettre en place une procédure d'agrément spécifique aux ESP désirant travailler sur des zones grises

 

 

Proposition 1: Instaurer un agrément individuel pour chaque salarié opérant sur une zone grise

 

Objectif: s'assurer que chaque individu devant exercer une mission de terrain au contact du public présente bien toutes les garanties de moralité et de formation nécessaires. Aujourd'hui, il n'existe aucun agrément individuel des agents mais simplement un mécanisme d'autorisation délivrée à l'entreprise, après une simple vérification de la moralité des dirigeants et employés. La France a, en la matière, des exigences inférieures à celles de plusieurs de ses partenaires européens. Par exemple, au Danemark, il revient au Ministère de la Justice de délivrer une autorisation aux employés des entreprises de sécurité, alors qu'en Finlande, un comité rattaché au Ministère de l'Intérieur va jusqu'à faire passer des tests de recrutement aux agents de sécurité.

 

Modalités:

·        L'agrément sera délivré conjointement par le Préfet et le Procureur de la République après instruction du dossier individuel sous la responsabilité de la préfecture, service coordonnateur.

·        Cet agrément sera propre à chaque travailleur et sera indépendant de l'agrément des dirigeants de l'entreprise à laquelle il appartient, ainsi que de l'autorisation d'exercer délivrée à l'entreprise elle-même. Par conséquent, en cas de changement d'employeur, le salarié conservera son "agrément zone grise" qu'il pourra faire valoir auprès d'une autre entreprise.

·        Cet agrément sera délivré pour une durée de cinq ans et sera renouvelable, après réexamen du dossier.

 

Conséquences pratiques:

·        La mise en place d'un "agrément zone grise" alourdira quelque peu la charge de travail des préfectures mais, ne concernant que 10 à 15 % de la profession de la sécurité humaine (moins de 10 000 personnes), la contrainte sera réduite au strict minimum.

·        La définition de ce nouvel agrément nécessitera la modification de l'article 6 de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds, ainsi que celle du décret du 26 septembre 1986 relatif à l'autorisation administrative et au recrutement des personnels des entreprises de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds et de protection des personnes.

 

 

Proposition 2: s'assurer de la moralité des dirigeants et des salariés des ESP exerçant leur activité sur des zones grises sur la base d'une information élargie

 

 

Objectif: l'obligation de moralité des dirigeants et salariés des ESP fait aujourd'hui l'objet d'un examen assez superficiel puisque la principale source d'information des services instructeurs est le bulletin n° 2 du casier judiciaire des individus concernés. Or, ce bulletin ne mentionne pas tous les éléments pertinents sur le sujet puisqu'il ne recense que les condamnations définitives à des peines correctionnelles ou criminelles. Par ailleurs, il peut être vidé de son contenu à intervalles réguliers par la "procédure en exclusion de B2". Dans ces conditions, l'idée serait d'autoriser les services instructeurs à avoir accès à une information à la fois plus large et plus précise.

 

Modalités : il conviendrait d'autoriser les services instructeurs à avoir accès aux informations pertinentes mentionnées dans les traitements autorisés de données personnelles, gérés par les autorités de police. Concrètement, ne seraient transmises aux services concernés que les informations révélant des agissements contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes mœurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique et à la sûreté de l'Etat.

 

Conséquences pratiques : outre une parfaite coordination entre les services préfectoraux et la police nationale, un tel projet requiert l'intervention d'une loi dans la mesure où il touche à l'utilisation de données personnelles et à la liberté du travail. Ceci pourrait se traduire par une simple insertion dans les articles 5 et 6 de la loi du 12 juillet 1983 de la possibilité de consulter les fichiers gérés par la police nationale et par la gendarmerie nationale.

 

 

 

Proposition 3: interdire à des agents de sécurité l'exercice de missions impliquant un contact avec le public avant l'obtention de leur agrément individuel

 

 

Objectif: éviter que des agents assurent des missions opérationnelles sans agrément (même de façon temporaire) et qu'ils encourent le risque de se voir licencier au bout de quelques mois d'activité en raison d'incompatibilités révélées à l'occasion de l'examen de leur dossier.

 

Modalités:

·        Il conviendrait de poser une claire interdiction pour les salariés n'ayant pas encore obtenu leur agrément individuel d'exercer une mission au contact du public, c'est-à-dire sur des zones grises.

·        Compte tenu des délais incompressibles d'obtention de l'agrément individuel (probablement entre 2 et 5 mois), les ESP pourraient mettre à profit ce délai pour dispenser une formation de qualité ou utiliser l'agent pour des missions ne présentant pas de risques particuliers pour la sécurité ou les libertés des citoyens.

 

Conséquences pratiques:

·        Cette proposition pourrait être mise en œuvre par une modification de l'article 6 de la loi du 12 juillet 1983, ainsi que part la modification du décret du 26 septembre 1986.

·        Un tel dispositif renchérira probablement le coût de formation / recrutement des salariés des ESP opérant sur des zones grises, ce qui devra représenter pour les préfectures une incitation à réduire au minimum leurs délais de traitement des dossiers.

 

3.2.1.2. Définir des conditions et des modalités d'armement restrictives

 

 

Proposition 1: interdire, sauf exception, les armes à feu

 

 

Objectif: il s'agit d'interdire aux agents exerçant leur mission dans des zones fréquentées par le public, le port d'armes, par hypothèse dangereuses, et dont l'utilisation s'avère, en tout état de cause, difficile sur le terrain. Même s’il est vrai qu’en pratique les autorisations préfectorales de détention et de port accordées aux agents de sécurité privés sont rares, il est important qu’un principe d’interdiction soit clairement affiché afin de marquer les différences fondamentales de prérogatives entre les forces publiques et les services privés de sécurité. Il est, d'ailleurs, significatif qu'un certain nombre de pays européens aient adopté cette ligne de conduite. Par exemple, la Grande-Bretagne exclue tout armement pour les agents autres que les convoyeurs et le Danemark pose une interdiction totale.

 

En France, conformément à l'article 10 de la loi du 12 juillet 1983, les gardiens et les convoyeurs de fond peuvent être armés dans les conditions réglementaires en vigueur, à l'exclusion des seuls personnels des entreprises de protection des personnes. Plus précisément, les gardiens "peuvent" être armés d'armes de la 1ère et de la 4ème catégorie, alors que les convoyeurs sont "tenus" d'être armés pour le transport sur la voie publique de sommes supérieures ou égales à 200 000 F.

 

Modalités:

·        Il conviendrait d'opérer une distinction entre les convoyeurs, d'une part, et les autres agents, d'autres part (c'est-à-dire les agents privés de gardiennage et les agents publics de la SUGE et du GPSR). Pour les gardiens et agents de la SUGE et du GPSR, il faudrait poser une stricte interdiction de détention et port d'arme des 1ère et 4ème catégories qui représentent, au terme du décret du 6 mai 1995 (relatif à l'application du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions), des armes d'une dangerosité excessive (canons, armes automatiques, armes de poing semi automatique, etc…).

·        Pour les convoyeurs, il serait utile de maintenir une "faculté" d'armement et non une "obligation", tant il est vrai que les progrès techniques permettent aujourd'hui d'envisager, à court terme, l'utilisation de dispositifs de destruction ou de neutralisation des fonds en cas d'agression (mallettes "axitrans", par exemple). En tout état de cause, ces armements devraient être limités à certains éléments de la 4ème catégorie (à titre indicatif: armes de poing, armes d'épaule semi automatiques, armes dont le projectile est propulsé par des gaz).

 

Conséquences pratiques: la mise en place de cette proposition impliquerait la modification de l'article 10 de la loi du 12 juillet 1983 et de l'article 7 du décret du 10 octobre 1986 (relatif à l'utilisation des matériels, documents, uniformes et insignes des entreprises de surveillance et de gardiennage, transport de fonds et protection des personnes). Par ailleurs, il faudrait modifier l'article 4 du décret du 13 juillet 1979 relatif à la protection des transports de fonds.

Cette réforme impliquera nécessairement la récupération des armes désormais interdites et le contrôles des stocks des différentes entreprises.

 

 

Proposition 2: prévoir explicitement la possibilité, pour les entreprises de sécurité, de porter certaines armes blanches de la 6ème catégorie

 

 

Objectif: il s'agit à la fois de mettre le droit en accord avec la pratique et de réglementer plus strictement les conditions de port de ces armes.

A l'heure actuelle, la détention de toutes les armes de la 6ème catégorie est libre et seul leur port est soumis à autorisation administrative. Pourtant, la loi du 12 juillet 1983 ne prévoit pas la possibilité pour les agents privés de porter ces armes qui sont, dans la pratique, très répandues dans la mesure où elles sont efficaces en milieu clos et ne présentent pas de caractère particulièrement dangereux.

 

Modalités: dans un premier temps, il faudra prévoir explicitement la possibilité pour les agents de surveillance de porter des armes de la 6ème catégorie dans le corps même de la loi (et ce d'autant plus que les armes de la 1ère et de la 4ème catégorie seront désormais prohibées). Dans un second temps, il conviendra, compte tenu du caractère très hétéroclite de la 6ème catégorie, désigner précisément les armements qui seront concernées par cette autorisation. Celle-ci pourrait, par exemple, se limiter aux matraques et aux générateurs d'aérosols incapacitants ou lacrymogènes et exclure les poignards, étoiles de jet et autres arbalètes qui ne présentent pas les qualités requises pour être des armes de neutralisation. Dans cet esprit, il pourrait, en revanche, être utile d'introduire le tonfa, efficace et souple d'usage, dans la 6ème catégorie d'armes.

 

Conséquences pratiques: il conviendra de modifier l' article 7 du décret du 10 octobre 1986, ainsi que le chapitre II du décret du 6 mai 1995. Par ailleurs des contrôles sur place seront probablement nécessaires, dans un premier temps, pour s'assurer de la bonne application de ces dispositions.

 

Il est à noter que ce dispositif restrictif en terme d'armement constituera une forte incitation à une formation renforcée des agents dans la mesure où les armes blanches autorisées ne seront efficaces qu'au terme d'un apprentissage assidu.

 

 

3.2.2 Assurer les moyens d’un véritable contrôle de l’ensemble des entreprises du secteur

 

Proposition 1 : instaurer un contrôle effectif sur pièces et sur place des entreprises de sécurité

 

Objectif

L’existence d’entreprises privées de sécurité fonctionnant aux marges de la légalité, (travail dissimulé, sous-traitance illégale, absence de déclaration des employés) appelle une vigilance particulière des services de police et de gendarmerie. Il conviendrait de leur accorder le droit d’accéder aux locaux professionnels des entreprises de sécurité, et la faculté de demander tous renseignements et justifications nécessaires, sans préjudice des compétences des inspecteurs et contrôleurs du travail.

Les services de police et de gendarmerie ne pourront pas accéder aux locaux qui servent de domicile aux professionnels qu’ils contrôlent, conformément aux principes posés par le Conseil constitutionnel en matière de protection de la vie privée.

Le contrôle effectif des agents privés de sécurité exerçant dans des lieux ouverts au public sera également facilité par la mise en place d’une carte professionnelle standardisée et obligatoire (cf. supra).

 

Modalités

·      permettre aux officiers et commissaires de police, ainsi qu’aux sous-officiers et officiers de la gendarmerie, l’accès aux locaux dans lesquels les entreprises de sécurité privée exercent leur activité, en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant.

·      permettre aux officiers et commissaires de police, ainsi qu’aux sous-officiers et officiers de la gendarmerie, de demander la communication du registre du personnel et de tous autres registres, livres et documents visés à l’article L611-9 du code du travail, et recueillir, sur place ou par convocation, tous les renseignements et justifications nécessaires.

 

Conséquences pratiques : compléter la loi du 12 juillet 1983.

 

 

Proposition 2 : élargir les possibilités de sanctions administratives

 

Objectif

Les modalités de retrait de l’autorisation préfectorale d’exercer une activité privée de sécurité, prévues par la loi de 1983 en son article 12, se sont révélées insuffisantes et difficiles à mettre en œuvre, notamment à l’égard d’entreprises corses de convoyage de fonds. Le retrait d’autorisation n’est en effet possible qu’après condamnation judiciaire du gérant de droit ou de fait de la société en cause, une procédure judiciaire à son encontre ne pouvant justifier qu’une suspension provisoire d’activité. Il s’agit donc de donner à l’autorité administrative, des moyens élargis de retirer ou de suspendre, à titre de sanction administrative, l’autorisation de fonctionner, tout en assurant les garanties d’une procédure contradictoire et le droit d’information de l’intéressé.

Ces possibilités de retrait seront de fait élargies puisque l’obligation de moralité incombant aux dirigeants d’entreprise et aux salariés exerçant leur activité dans des lieux ouverts au public, sera examinée au regard d’une information élargie au delà du B2 (cf.supra).

D’autres cas de suspension ou de retrait doivent pouvoir être prévus, notamment lorsqu’il est démontré que la société est financée par des capitaux d’origine douteuse ou lorsqu’elle contrevient au droit du travail (travail dissimulé ou clandestin, sous-traitance illégale notamment). 

 

Modalités :

·      élargir les possibilités de retrait ou de suspension de l’autorisation administrative de fonctionner aux situations suivantes :

- non respect de l’obligation de moralité nécessaire à l’obtention de l’agrément individuel,

- participation d’auteurs de crimes ou de délits dans la constitution du capital,

- infractions au droit du travail,

- infractions à la législation sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers.

·        prévoir que le retrait n’entre en vigueur qu’après une mise en demeure restée sans effet.

 

Conséquences pratiques : modification de l’article 12 de la loi du 12 juillet 1983

 

 

Proposition 3 : adapter le niveau des sanctions pénales aux manquements constatés

 

Objectif :

Les articles 13 à 16 de la loi du 12 juillet 1983 doivent être adaptés, afin que les sanctions pénales qui y sont prévues à l’encontre des dirigeants de société privée soient précisées et renforcées en fonction des infractions en cause et conformément au principe de proportionnalité des délits et des peines. Par ailleurs, il faut prévoir l’existence d’un délit propre aux salariés des entreprises de sécurité exerçant sans l’agrément individuel nécessaire. Enfin, la loi de 1983 étant antérieure à l’adoption du nouveau code de procédure pénale instituant la responsabilité pénale des personnes morales, il faut prévoir un délit spécifique aux personnes morales.

 

Modalités

·      réviser la loi du 12 juillet 1983 en précisant et graduant les délits imputables aux dirigeants des entreprises de sécurité (sous-traitance illégale, non respect des obligations de moralité...)

·      instituer la responsabilité pénale des employés exerçant leur activité en dehors de l’autorisation préfectorale ;

·      instituer la responsabilité pénale des sociétés (personnes morales) pour les infractions imputables aux dirigeants de ces sociétés.

 

 

Proposition 4 : améliorer le contrôle des systèmes de vidéosurveillance dans les lieux ouverts au public

 

Objectif :

Le dispositif d’autorisation préfectorale des installations de vidéosurveillance mis en œuvre par l’article 10 de la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, s’est révélé à la fois lourd à gérer et peu efficace.

 

Il semble tout d’abord que les utilisateurs de systèmes de vidéosurveillance montrent peu d’empressement à se conformer à la loi. Un bilan effectué à l’été 1998 par le Ministère de l’intérieur fait état de 29 284 systèmes déclarés en préfecture au 24 août 1998[84], contre une estimation initiale de 120 000 systèmes réellement installés à l’entrée en vigueur de la loi. Les professionnels reconnaissent par ailleurs un rythme de croissance annuelle de 25 à 30 000 systèmes. Ce décalage entre la réalité et la portée du contrôle est encore corroboré par les disparités du nombre de systèmes déclarés entre départements pourtant similaires en termes de nombre d’habitants, d’urbanisation, et de développement des activités économiques.

 

Par ailleurs, des difficultés de fonctionnement des commissions de vidéosurveillance ont été relevées (absentéisme des membres de la commission, divergences d’appréciation entre départements, degrés d’exigence divers notamment à l’égard des banques).

 

Modalités

·      instaurer une double obligation de déclaration, incombant à la fois à l’installateur et à l’utilisateur d’un système de vidéosurveillance installé sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public particulièrement exposé à des risques d’agression et de vol.

·      permettre à la commission départementale de s’auto-saisir lorsqu’elle constate l’existence d’un système de vidéosurveillance non déclaré ou dont les modalités d’information du public ne sont pas suffisantes.

·      instaurer des procédures d’instruction communes et simplifiées pour la surveillance vidéo des centres commerciaux, ou des entreprises à établissement multiples.

·      permettre à la commission de fonctionner si deux de ses membres au moins sont présents (et non trois comme l’exige le quorum) dont le magistrat de l’ordre judiciaire qui la préside.

 

Conséquences pratiques :

L’obligation de déclaration des installateurs de vidéosurveillance doit faire l’objet d’une disposition législative. Il faudra intégrer les autres propositions en modifiant le décret n°96-926 du 17 octobre 1996 relatif à l’application de l’article 10 de la LOPS, ainsi que la circulaire du 22 octobre 1996.

 

 

Proposition 5 : soumettre les systèmes de vidéosurveillance installés dans les parties communes des immeubles d’habitation aux obligations de la LOPS

 

 

Objectif :

La portée de la loi du 21 janvier 1995 ne s’étend qu’aux systèmes de vidéosurveillance installés sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public particulièrement exposé à des risques d’agression et de vol. Or, la CNIL fait état du développement récent de systèmes de vidéosurveillance dans des lieux privés : les parties communes d’immeubles collectifs (parkings, halls d’entrée...). Ces systèmes s’accompagnent de la diffusion d’images sur les postes de télévision des habitants. Ce procédé, dit de « co-surveillance » se développe hors de tout cadre légal alors même qu’il est susceptible de porter atteinte au respect de la vie privée, protégé par les articles 9 du Code Civil et 226-41 du Code Pénal. L’identification d’un responsable du traitement des images est particulièrement problématique : relève-t-il de la responsabilité juridique du propriétaire de l’immeuble, de la copropriété ou du syndic agissant en son nom ? Quid du droit d’opposition des locataires ?

 

Modalités

·      soumettre, par la loi, ces systèmes particuliers à l’autorisation préfectorale et donc à l’avis préalable de la commission départementale de vidéosurveillance. Il en résultera l’obligation de respecter les conditions prévues par la LOPS (identification du responsable, durée limitée de conservation des images...).

·      l’obligation de déclaration des installateurs prévue précédemment s’applique dans le cas des systèmes installés dans les parties communes d’immeubles d’habitations.

·      interdire la diffusion d’images au domicile des habitants, en instaurant une obligation de maintenance externe du système (avec l’intervention d’un prestataire extérieur qui a seul accès aux images et assure une fonction de surveillance).

 

 

3.3.3 Donner une traduction opérationnelle à la notion de coproduction

 

 

Proposition 1 : lors de la négociation et du suivi des CLS, associer les propriétaires de lieux ouverts au public particulièrement exposés à la délinquance, et les entreprises prestataires de surveillance et de gardiennage sur ces mêmes lieux.

 

 

Objectif : s’assurer d’une complémentarité réelle et efficace entre l’action des agents privés de sécurité et les forces de police et de gendarmerie dans les lieux où leur activité est conjointe.

 

Aujourd’hui, la coopération entre les forces publiques de sécurité et les entreprises n’est organisée que dans certaines enceintes : les aéroports et les stades, pour lesquels le législateur est intervenu, précisant les conditions dans lesquelles des entreprises privées exercent, sous le contrôle de la police, des missions relevant auparavant de ses attributions. La nécessité d’une organisation opérationnelle et précise de la coproduction s’est fait ressentir plus particulièrement dans ces lieux car ils sont exposés à des atteintes à la sécurité des personnes et à l’ordre public.

 

En revanche, l’obligation de gardiennage et de surveillance imposée par la LOPS à certains acteurs économiques (bailleurs sociaux, centres commerciaux, grandes surfaces...) n’a pas trouvé de traduction concrète s’agissant de son articulation avec les services de police ou de gendarmerie. Ces lieux sont autant exposés à des risques d’atteinte aux biens, que d’atteinte aux personnes. Dans ces zones « grises », il s’agit d’éviter le risque de voir se développer des situations de fait, s’apparentant à un partage implicite, hostile ou indifférent, des territoires et du marché de l’insécurité entre sécurité publique et sécurité privée, au détriment des citoyens.

 

Plutôt qu’une répartition territoriale des compétences, incertaine eu égard au caractère complexe des lieux privés ouverts au public, l’Etat doit proposer une démarche de coopération fonctionnelle organisée, et néanmoins flexible selon les risques d’exposition à la délinquance de certains lieux particuliers. Les avantages d’une telle coopération sont multiples : les services de sécurité publique, par leur présence et leur collaboration, contribuent à la diffusion de bonnes pratiques, et s’assurent de la fiabilité des conditions d’intervention des agents privés de surveillance sur le terrain.

 

 

Modalités

Pour organiser cette coopération, la voie conventionnelle, laissée à l’initiative locale, apparaît plus adaptée et plus souple que la voie réglementaire : en effet, elle pourra s’exercer pour des lieux particuliers (centres commerciaux, hôpitaux, zones d’habitat social par exemple ) seulement si les risques de délinquance l’exigent.

Il n’apparaît donc pas nécessaire d’imposer par la loi des conventions systématiques de coordination, sur le modèle de celles prévues par la loi sur les polices municipales 99-291 du 15 avril 1999.

 

Pratiquement, il s’agit d’associer à la négociation et au suivi des contrats locaux de sécurité, à la fois les propriétaires d’un lieu ouvert au public particulièrement exposé à la délinquance, et les prestataires de surveillance-gardiennage dans ces mêmes lieux, bien souvent inconnus des services de police.

Sans qu’ils soient signataires du CLS, ces entreprises peuvent apporter une contribution essentielle à l’analyse du sentiment d’insécurité, exposer leurs méthodes de travail, se faire connaître. Les services de sécurité publique peuvent leur rappeler à cette occasion les limites de leurs droits intervention et de vérification, et contrôler le respect de la réglementation les concernant.

Une fiche d’action pourrait être insérée dans le CLS, précisant les responsabilités et les engagements respectifs de chaque acteur. Ainsi les entreprises « donneur d’ordre » pourraient s’engager à contracter avec des prestataires respectueux de la réglementation, notamment en termes de formation, et à disposer d’un effectif de vigiles suffisant. Les services de sécurité publique pourraient quant à eux s’engager sur des délais d’intervention.

 

 

Proposition 2 : Donner toute sa portée aux obligations incombant aux bailleurs sociaux en matière de sécurité.

 

 

Décret d’application de l’article 11 de la LOPS sur les études préalables de sécurité concernant les opérations d’aménagement, de construction et de réhabilitation.

Décret d’application de l’article 12 de la LOPS sur les obligations des propriétaires d’immeubles à usage d’habitation.

 

 

3.3. Favoriser la professionnalisation et responsabiliser les acteurs

 

Parvenir à une plus grande efficacité des prestations de sécurité privée, créer les conditions d'une véritable coproduction et mieux garantir le respect des libertés publiques est possible également en incitant clients et fournisseurs à adopter des comportements appropriés. Au-delà des dispositions légales et réglementaires nouvelles qu'il semble opportun de prendre, il s'agit de créer des incitations.

 

 

3-3-1. Instaurer une co-responsabilité du donneur d'ordre et du prestataire et encadrer le recours à la sous-traitance

 

Proposition 1 : instaurer un principe de co-responsabilté entre l’entreprise cliente et les prestataires de sécurité

 

Moraliser le secteur de la sécurité privée ne peut être le seul fait des entreprises prestataires. Outre le contrôle que les pouvoirs publics doivent mener et les sanctions administratives ou pénales qui doivent pouvoir être prononcées, il paraît nécessaire d'introduire la responsabilité du client sous certaines hypothèses.

 

Le code du travail prévoit déjà une coresponsabilité des donneurs d’ordre en matière de travail illégal et d’accidents du travail. En outre, des dispositions législatives particulières sont intervenues dans les années récentes pour instaurer une coresponsabilité propre à certains secteurs : d’une part en matière de sécurité dans les bâtiments et travaux publics eu égard à la dangerosité des chantiers et d’autre part dans les transports routiers de marchandises eu égard aux risques pour la sécurité routière.

 

Lorsqu'il impose directement ou indirectement à son fournisseur le non-respect des dispositions de la loi de 1983, et notamment l’absence d’agrément, le port d’arme illicite, le donneur d'ordre devrait voir sa responsabilité pénale engagée.

 

Ainsi, le client serait amené à s'assurer qu'il a choisi un fournisseur compétent et à exercer un contrôle sur la qualité de la prestation fournie. Il serait incité à prendre des garanties en amont de son contrat, notamment en exigeant une certification, et à vérifier les conditions d'exécution du contrat.

 

Cette voie a été choisie pour moraliser le transport routier de marchandises. Le décret n° 92-699 du 23 juillet 1992, dit de co-responsabilité pénale a prévu de punir d'une amende de 5ème classe les donneurs d'ordre qui aura donné des instructions incompatibles avec le respect des dispositions relatives aux temps de conduite, à la durée du travail, à la limitation de vitesse, aux limites de poids.

 

Ces nouvelles dispositions législatives concerneraient tous agents de surveillance, les enquêteurs privés, les convoyeurs de fonds, les gardes du corps. Elles auraient certainement une portée dissuasive, mais ne peuvent constituer qu'un élément par mi d'autres pour améliorer les conditions d'exercice de la profession

 

Proposition 2 : Encadrer la sous-traitance

 

faire plus court et vérif le droit de la concurrence ; 2 options : mini/maxi

 

La sous-traitance est un mode de production normal. Cependant, elle peut être la source de dérives inquiétantes lorsqu'elle conduit à rendre impossible le respect de la législation, notamment le droit du travail ou de la concurrence. Ici encore, la comparaison avec le secteur du transport routier éclaire la situation de la sécurité privée. Il existe un déséquilibre entre des clients plus puissants, mieux organisés et des prestataires, peu qualifiés, très nombreux, de petite taille, sauf exception, et mal organisés. En l'absence d'une tarification minimum obligatoire, d'ordre public, le rapport de force conduit aux même pratiques dans les deux secteurs : sous-traitance en cascade, avec pour corollaire le non-respect de la réglementation et des prix de vente parfois très inférieurs au prix de revient.

 

Une solution pour remédier à cette situation peut consister à interdire le recours la sous-traitance sans l'accord préalable et express du client, c'est dire son accord sur le nom du sous-traitant, les tâches sous traitées, la durée et le prix.

 

Outre, les freins aux abus que de telles dispositions sont susceptibles d'offrir, elles conduiraient également les donneurs d'ordre à ne plus pouvoir ignorer, ou ne plus vouloir ignorer les conditions dans lesquelles s'effectuent les prestations qu'ils ont commandées. Il ne semble cependant pas nécessaire d'introduire des dispositions comparables à celles existant dans le domaine du transport routier. L'article 3 de la loi n° 92-1445 du 31 décembre 1992 modifiée relative aux relations de sous-traitance dans le domaine du transport routier de marchandises dispose qu'est puni d'une amende de 600 000 francs le fait pour le donneur d'ordre de rémunérer les contrats de transport par un prix qui ne permet pas de couvrir l'ensemble des frais et charges engagés pour assurer la prestation (y compris l'amortissement des véhicules). Le danger que représentent pour la sécurité routière des conducteurs contraints de ne pas respecter le code de la route ou du travail est tel que le législateur a pu imposer de telles règles. Il n'existe pas de risque de nature comparable en matière de sécurité privée.

 

En revanche, les dispositions de son article deux imposant à chacun des contractants d'être en mesure de produire un document justifiant du prix conclu pour l'exécution des prestations pourraient être appliquées à la sécurité privée, ainsi que les dispositions de l'article n 13 de la loi n° 98-69 du   qui prévoit que lors des contrôles effectués en entreprise, les contrôleurs sont habilités à se faire communiquer tout document leur permettant de constater les prix pratiqués, ainsi que le volume d'activité traitée ou sous-traitée.

 

Introduire dans la loi de telles obligations, doit s'accompagner d'un contrôle effectif des pouvoirs publics.

 

Il convient de souligner que la norme NF service prévention et sécurité limite le recours à la sous-traitance à 5%. Il est trop tôt pour dresser un bilan des conditions d'application de cette disposition, mais il est à craindre qu'elle n'introduise une trop forte rigidité.

 

 

3-3-2. Promouvoir la transparence et le respect de règles déontologiques

 

Les professionnels de la sécurité déplorent souvent l'image peu flatteuse qui est la leur. Cette image est fondée en partie sur l'impact qu'ont eues certaines bavures, en partie sur la réalité de  ce secteur économique où respect du droit et moralité n'ont pas toujours été les vertus les plus répandue, mais aussi sur un déficit de lisibilité, de communication.

Proposition 1 : améliorer la transparence

 

Pour des raisons liées au respect des libertés publiques, mais aussi pour garantir la protection des intérêts nationaux, il est nécessaire que la loi impose aux entreprises de sécurité privée de fournir à l'administration, lors de sa constitution, mais aussi périodiquement, des informations relatives aux différents établissements de l'entreprise, à la répartition du capital entre les actionnaires, à ses dirigeants, à ses salariés (vérif loi de 1983). Par ailleurs, la loi pourrait rendre obligatoire la transmission chaque année d'un compte-rendu d'activité simplifié indiquant le chiffre d'affaires, les cinq clients principaux et la liste des salariés embauchés. La Belgique prévoit une telle obligation.

 

Ce contrôle sur pièces, a priori et a posteriori, doit se conjuguer avec un contrôle sur place dans des conditions particulières, permettant notamment d'accéder aux locaux de l'entreprise à tout moment.*

 

Au-delà de la transparence imposée, les professionnels de la sécurité trouveraient un réel intérêt à favoriser la transparence. Ils ont déjà entrepris des actions dans ce sens. Ainsi, le SNES publie-t-il des informations sur le prix de revient moyen d'un agent de sécurité décomposé en douze postes. Il s'établissait entre 92,49 et 97,49 francs hors taxes au 1er janvier 1999.

 

Promouvoir la transparence nécessite un minimum d'organisation des entreprises du secteur. Il n'est véritablement structuré que récemment autour de l'UFISS, et du SNES. Le temps de la lutte laisse désormais place à celui de la construction. La promotion de la certification est présentée par l'UFISS comme un des moyens pour améliorer la transparence.

 

Proposition 2 : favoriser la déontologie

 

 

Le souci de voir les professionnels de la sécurité privée encadrés par des règles déontologiques est en premier lieu une préoccupation de l'Etat. En effet, le projet de loi portant création d'un Conseil supérieur de la déontologie de la sécurité donne pour mission à cette autorité administrative indépendante "de veiller au respect de la déontologie dans les services et organismes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République" Il sera compétent "à l'égard de toutes personnes physiques ou morales de droit privé assurant, pour autrui, à titre permanent ou occasionnel, des activités de sécurité ou de protection prévues par les dispositions en vigueur".

 

Il faut souligner que ce projet de loi exclut de son champ les services de sécurité en compte propre, pourtant soumis à la loi de 1983.

 

La question de l'embauche d'anciens policiers et gendarmes dans les métiers de la sécurité doit être posée. Deux conceptions s'opposent. Il est possible de considérer que la présence d'anciens militaires et policiers dans des entreprises ou des services de sécurité est un gage de professionnalisme, d'efficacité. Il serait donc contre-productif, du point de vue de l'intérêt national d'interdire à ces anciens fonctionnaires, même pendant une période, d'embrasser ces carrières. C'est la conception anglaise.

 

Une autre souhaite limiter la porosité entre le secteur de la sécurité publique et privée au motif que cela peut conduire à faire de l'une l'auxiliaire de l'autre et tend à engendrer des conflits d'intérêt ou encore crée une concurrence déloyale entre les les sociétés qui bénéficient des services d'anciens fonctionnaires et de leur réseau, notamment dans les activités de recherche et les autres.

 

Il n'est pas possible de conditionner l'accès des anciens militaires et policiers aux métiers de la sécurité privée autres que ceux de recherches. Il parait certains qu'ils trouvent dans ce secteur des activités qui leur permettent de valoriser leurs compétences. La professionnalisation des armées conduisant à réduire la durée moyenne des carrières, le recrutement de plus de 15 000 ADS à la recherche d'un emploi à l'issue de leur contrat, plaident en faveur de passerelles faciles à emprunter entre la sécurité publique et privée.

 

En revanche, en matière de recherche, le respect d'une concurrence loyale et la préservation des intérêts économiques nationaux conduit à préconiser un délai entre le départ de la fonction publique et le recrutement dans le secteur privé. Cette mesure doit concerner l'ensemble des agents publics et pas uniquement les policiers et gendarmes. Les agents publics travaillant dans le domaine du renseignement, de l'intelligence économique doivent être soumis à cette contrainte. Ce délai pourrait être de cinq ans. Il pourrait être combiné avec une autorisation écrite de leur ministre, ce que la réglementation en vigueur (laquelle?) ne prévoit actuellement que pour les anciens policiers.

 

Afin d'éviter toute confusion, de prévenir toute tentation, la loi devrait prévoir que tous les anciens agents publics exerçant dans la sécurité privée ne peuvent faire état de leurs anciens titres ou fonctions.

 

Les professionnels de la sécurité ont décidé de porter une attention particulière à cette question. Ainsi, le SNES a-t-il créé un comité d'éthique, composé de trois membres. Au plan pratique, l'UFISS collabore avec la Délégation Interministérielle à la Lutte contre le Travail Illégal (DILTI) , qui a trouvé une première concrétisation avec la signature d'une convention départementale entre la préfecture du Nord et l'UFISS le 19 janvier 1999. Une convention cadre nationale est en préparation.

 

L'UFISS s'est également rapprochée de la Commission Centrale des Marchés à propos des prix anormalement bas.

 

L'Etat a un intérêt à favoriser ces initiatives qui ont pour effet d'instaurer ou d'amplifier des collaborations entre ses services et les prestataires de sécurité, mais aussi, à moyen terme de renforcer le respect du droit et de modifier les comportements des clients et des fournisseurs de sécurité privée.

 

 

3-3-3. Développer la formation initiale et continue.

 

Le secteur de la sécurité privée est caractérisé par une carence de formation initiale et continue des salariés et des dirigeants et par une offre de formation insuffisante et inadaptée. Améliorer la qualité des prestations vendues, généraliser une démarche de certification, parvenir à imposer des comportements inspirés du respect de la déontologie et enfin accéder à une forme de reconnaissance fondée sur le sérieux et l'honorabilité par les clients et les pouvoirs publics impose un puissant effort de formation dans ce secteur.

 

Il n'existe pas de données sur la part de salariés ou de dirigeants ayant reçu une formation à la sécurité privée. Mais le constat dressé par les professionnels du secteur [85] que par les experts [86] indique clairement les lacunes en la matière. Les réponses à apporter sont de deux types.

 

Tout d'abord, il apparaît indispensable de subordonner l'exercice de la qualité de dirigeant d'une entreprise de sécurité privée ou de salarié à un niveau de qualification minimal. Les 32 heures imposées par la loi de 1983 (exact ?) aux salariés ne parviennent pas à convaincre, 20 heures étant réservées à des enseignements généraux comparables à ceux dispensés au collège.

 

En matière de formation initiale, l'obligation de justifier d'une aptitude professionnelle pour les dirigeants existe en Belgique, aux Pays-Bas, dans le canton de Genève, en Suède, et pour les salariés au Portugal, en Finlande, en Belgique (en Espagne la formation de 200 heures, non obligatoire est financée par les pouvoirs publics).

 

Pour les dirigeants, leur aptitude serait reconnue par une attestation de capacité professionnelle délivrée par l'Etat [87]. Cette formation doit être suffisamment large pour en faire des professionnels de la sécurité, mais aussi des managers. Le droit commercial, civil, pénal, du travail, la gestion, le marketing, la communication doivent y trouver leur place. A chaque type d'activité (gardiennage, transport de fonds, protection des personnes, recherche) doit correspondre une obligation d'aptitude professionnelle. Certains diplômes pourraient dispenser leur titulaire de l'attestation de capacité professionnelle.

 

Pour les salariés, le principe d'une obligation de formation doit être également adapté à chaque type de métier. Les personnels habituellement en contact avec le public verraient la délivrance de leur carte professionnelle subordonnée à la reconnaissance de leur aptitude professionnelle. Un minimum de 200 heures de formation semble nécessaire.

 

Pour les activités d'agent de recherche, il convient de prévoir des dispositions particulières, tant cette activité est de plus en plus tournée vers la collecte d'informations économiques. Elle est exercée par des agences de détectives, mais aussi par des organismes publics (chambres de commerce, établissements publics nationaux, services de l'Etat) et de grands cabinets de conseil aux entreprises. Il paraît difficile d'imposer une formation en droit à un ingénieur hautement spécialisé, dont le métier consiste en de la veille technologique, de l'analyse, de l'expertise. Plus important est de s'assurer qu'il ne présente pas de risque pour la sécurité économique nationale. En revanche, pour les dirigeants, rien n'empêche de leur imposer les dispositions ci-dessus présentées.

 

Au-delà de la formation initiale, il paraît nécessaire d'imposer une obligation de formation continue, pour les salariés et les dirigeants. Il n'est pas utile de formuler des propositions précises, pour les uns comme pour les autres. Cependant, deux points méritent d'être soulignés. Premièrement, la formation continue devrait être organisée fréquemment, tous les ans, au maximum tous les deux ans. Deuxièmement, elle ne devrait être dispensée que par des organismes agréés par l'Etat. Pour les titulaires de la carte professionnelle, le renouvellement serait subordonné d'une part à une formation continue annuelle et à une cession plus lourde au moment du renouvellement.

 

Se pose la question des dirigeants et salariés en activité et ne possédant pas de titre établissant leur qualification professionnelle. Ils sont les plus nombreux. Les soumettre à l'obligation d'attester d'une qualification professionnelle peut prendre deux voies. La première conduirait à les inciter à suivre une formation. La seconde à valider leur expérience et leur compétence en confiant le soin à une commission régionale ou départementale d'apprécier leur qualification et de leur délivrer un certificat professionnel. Ceux ne parvenant pas à satisfaire à cette obligation par l'un ou l'autre moyen dans le délai prévu se verraient contraints de renoncer à leur activité. Suffisamment souple, ce dispositif permettrait d'atteindre l'objectif recherché, sans contrainte excessive, mais en apportant la garantie d'un professionnalisme accru dans un délai bref, évitant ainsi de maintenir en activité des personnes ne parvenant pas à répondre aux critères de qualification requis.

 

L'offre, comme la demande de formation est aujourd'hui insuffisante. Il est de la responsabilité de l'ensemble des acteurs de la sécurité privée de mettre en place des programmes de formation qualifiante (contrats de qualification [88], certificats de qualification professionnelle institués par l'ordonnance n° du 16 juillet 1986 du ministre du Travail et par le décret n° du 16 février 1988). Il existe deux diplômes de niveau V, un CAP d'agent de prévention et de sécurité (arrêtés du ministre du    du 19 septembre 1989 et du 26 avril 1995) et un BEP d'agent technique de prévention et de sécurité (arrêtés du ministre du   du 8 avril 1980 et du 25 juillet 1980). Mais, d’après le SNES, très peu des salariés du secteur sont titulaires de ces diplômes. En revanche, les qualifications d'ERP (Etablissements Recevant du Public), 1, 2 ou 3 sont davantage recherchées, notamment celle d'ERP 1 qui ne nécessite qu'une semaine de formation. Il s'agit de titres homologués (pour plus de détails, attendre lundi).

 

L 'Etat pourrait demander, conjointement avec les conseils régionaux, à l'AFPA de proposer une offre ou inciter les syndicats professionnels et les principaux prestataires et clients (dont les collectivités) à développer un organisme de formation  le SNOFOPS : Syndicat National des Organismes de FOrmation en Prévention Sécurité, n'est qu'un syndicat, et non un grand organisme de formation)

 

Les policiers, les gendarmes, les magistrats pourraient naturellement intervenir dans ces formations, pour délivrer un enseignement de qualité, mais aussi pour montrer aux futurs salariés et dirigeants que l'Etat connaît, contrôle et porte un intérêt à la sécurité privée.

 

Il appartient au législateur de poser les principes de l'obligation de formation et au pouvoir réglementaire d'en définir les modalités.

 

 

3-3-4. Favoriser la qualité

 

Parvenir à un degré minimum et standard de qualité est une double obligation pour les entreprises de sécurité. Elles doivent faire des efforts importants pour augmenter le niveau de qualité, à travers la formation, l'organisation, mais aussi montrer à leurs clients qu'elles sont devenues des sociétés de service fiables, responsables.

 

La démarche qualité est nouvelle, mais réelle dans le secteur de la sécurité. La norme AFNOR NF X 50-777 (NF prévention et sécurité) a été homologuée le 20 mai 1998 pour les services de surveillance par agents en poste, par agents itinérants et d'intervention sur alarme (par qui ? j'appelle au 01 42 91 55 90). A la fin de l'année 1999,  entreprises étaient certifiées.

 

Plutôt que les normes ISO, la profession a privilégié la norme AFNOR parce qu'elle est définie en partenariat entre les prestataires, les clients, des organismes techniques et les pouvoirs publics. Mais, il sera bien sûr possible d'être certifié ISO 9002 et NF. Il convient de souligner qu'une certification ISO est plus lourde et plus coûteuse.

 

Le SNES fait de la promotion de la norme NF un axe important de son action vers ses adhérents. Il a conçu, avec l'UFISS, un programme de formation de cinq jours.

 

Il appartient aux autres acteurs de la sécurité privée, clients, pouvoirs publics, de favoriser la certification. Une des voies les plus efficaces conduirait à imposer à terme aux collectivités publiques et à leurs établissements publics de ne recourir qu'à des prestataires certifiés. Cette obligation pourrait être progressive, en fonction des collectivités et du montant des marchés). De telles dispositions ont vocation à être insérées dans le code des marchés publics.

 

L'amélioration de la qualité peut emprunter de nombreuses voies. Le SNES qui en a fait un axe stratégique a par exemple élaboré un guide d'achat pour les acheteurs publics et a établi une charte professionnelle de la sécurité privée en dix points.

 

En matière d'intelligence économique, pour le volet protection de l'information de l'entreprise (le seul concerné par le sujet), renforcer la qualité impose que l'Etat définisse une stratégie, ce qu'il n'a réussi à faire qu'épisodiquement et qu'il soit plus présent aux côtés des entreprises. Il manque un pôle intelligence économique au sein de l'Etat, au sein du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, auprès du Premier ministre, ou au sein d'une DGSE rénovée, susceptible de sensibiliser, d'informer, d'accompagner les entreprises, de recenser les menaces et d'en informer les entreprises. Aujourd'hui, il n'est guère possible de parler d'une coproduction entre les services de l'Etat et entre l'Etat et les entreprises. La partie intelligence économique devant figurer dans les contrats de plan entre l'Etat et les régions s'avère assez décevante.

 

 

3-3-5. Partager la charge de la pénalité en matière d'alarme intempestive

 

Le régime juridique de la télésurveillance est insatisfaisant dans la mesure où il prévoit trois "redevances" dont la légalité n'est pas clairement établie et où la redevance exceptionnelle pour appel injustifiée repose sur le télésurveilleur et non sur l'utilisateur de l'alarme.

 

Est-il utile ici de reprendre les propositions de la fiche de Quastana ? Si vous dites oui, j'obtempèrerai

 

Cette disposition engendre un aléa moral certain, dans la mesure où il n'incite pas les vendeurs, les installateurs (malgré les normes existantes) et les utilisateurs à faire le meilleur usage des systèmes de télésurveillance.

 

Si le principe d'une pénalité continuait à être retenu, il conviendrait d'en partager la charge entre le télésurveilleur et l'utilisateur de l'alarme à l'origine de l'appel intempestif.

 

Cela doit conduire les fabricants de matériels, les installateurs, les télésurveilleurs à proposer des équipements, plus fiables, les installateurs à mieux les adapter à chaque situation, les télésurveilleurs à mieux conseiller leurs clients et les utilisateurs à être plus attentifs.

 

Cela peut-il conduire à limiter le marché de la télésurveillance ? Améliorer la qualité des matériels, des procédures a un coût. Mais il pourrait être compensé par une réduction du nombre de pénalités infligées. Les banques se sont équipées de matériels à haute performance, associés à des procédures de lever de doute efficaces, ce qui à réduit drastiquement le taux d'alarmes intempestives et leur a permis de réduire le montant de leurs primes d'assurance.

 

Pour modifier le dispositif actuel, donc abroger le décret n°91-1206 du 26 novembre 1991, l'arrêté n°95-641 du 3 novembre 1995 et la circulaire n° 95 du 30 mai 1997 du ministre de l'Intérieur, il serait nécessaire que la loi prévoie que les appels injustifiés font l'objet d'une sanction administrative pécuniaire.

 

 

3-3-6. Mettre le droit et les pratiques en cohérence et faire respecter le droit

 

L'Etat est un acteur important de la sécurité privée : régulateur, il est aussi client. Il n'est pas le meilleur client. Régule-t-il de manière satisfaisante ce secteur. Il est possible d'en douter.

 

Quand les pratiques des prestataires de sécurité privée sont hors la loi, il convient de les sanctionner. Mais quand l'illégalité est le forme d'intervention habituelle, que l'Etat ne l'ignore pas ou l'encourage, il est défaillant. Il parait particulièrement nécessaire, dans ce domaine d'activité, que les pratiques et le droit soient en parfaite cohérence et que l'Etat fasse respecter le droit avec une attention particulière.

 

Quatre exemples illustrent ce décalage inquiétant entre la règle de droit et la réalité des interventions de la sécurité privée.

 

En 1994, la police décide de ne plus assurer le contrôle des passagers et de leurs bagages à mains dans les aéroports d'Orly et de Roissy. Des entreprises privées en ont été chargées. Or il a fallu attendre la loi n° 96-151 du 26 février 1996, modifiant le code de l'aviation civile (article L. 282-8) pour que l'intervention de prestataires privés soit autorisée.

 

Un rapport conjoint de l'inspection générale des services judiciaires, de l'inspection générale de l'administration et du conseil général des ponts et chaussées sur les services de surveillance de la SNCF et de la RATP a été remis aux ministres de la Justice, de l'Intérieur et des Transports en mai 1999. Il dresse un bilan très satisfaisant sur l'activité de la SUGE et du GPSR, mais indique qu'elle ne s'exerce pas toujours dans le respect du droit, essentiellement parce que le droit n'a pas été adapté aux missions, mais aussi parce que l'administration laisse se développer des pratiques hors la loi.

 

Ainsi, les agents de la SUGE ou du GPSR remplissent parfois des missions de police administrative, voire de police judiciaire, ce qu'aucun texte ne les autorise à faire. Ainsi, ces agents portent-ils illégalement des armes de 6ème catégorie, pourtant mieux adaptées à leurs fonctions que celles de 1ère catégorie qu'ils ont le droit de porter. Le premier point appelle une réaction vigoureuse de l'Etat, soit qu'il maintienne l'interdiction des missions de police administrative et judiciaire et se donne les moyens de faire respecter cette interdiction, soit qu'il décide de leur donner de telles prérogatives. Mais le maintien de l'hypocrisie actuelle, qui consiste à tolérer des pratiques, qu'au nom de certains principes l'Etat ne souhaite pas inscrire dans la loi est peu compatible avec un état de droit et ne favorise pas la moralisation, la transparence des métiers de la sécurité privée. Le second point appelle simplement une révision des catégories et types d'armes compatibles avec l'exercice avec les missions des agents.

 

Dans certains aéroports, c'est le cas à Roissy, la police a décidé de ne plus s'occuper du stationnement devant les aérogares. Des sociétés privées en sont désormais chargées. Un pouvoir de police semble ainsi avoir été délégué sans texte et en violation d'un principe probablement de valeur constitutionnelle, car le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision 307 DC du 25 février 1992 que la loi ne pouvait conférer à des personnes privées "un pouvoir de police aux lieux et place de la puissance publique". Le Conseil d'Etat sanctionne toute forme de délégation du pouvoir de police [89] La situation devient inquiétante, lorsque, comme ce fut le cas dans un aéroport de province, la police avait confié un carnet à souche à un agent privé pour qu'il puisse verbaliser les automobilistes. C'est donné à la notion de coproduction un sens nouveau. Cette situation n'a pris fin qu'à la demande expresse de l'exploitant de l'aéroport.

 

Dans les aéroports, les agents privés affectés aux postes d'inspection-filtrage ne peuvent procéder à la fouille des bagages à main, mais se limiter à une "inspection visuelle des bagages à main consistant à demander au passager d'ouvrir ses bagages afin d'en rendre visible le contenu" (article R. 282-7 du code de l'aviation civile). Le fouille, des bagages à main ou des personnes est réservée aux officiers de police judiciaires ou aux agents publics placés sous son autorité. La pratique est toute différente. A Roissy, la présence d'un commandant de police en uniforme, du superviseur et du formateur de la société privée, et de trois élèves de l'ENA, n'a pas incité les agents de la société privée à modifier ce qui apparaît nettement comme une habitude, la fouille des bagages à main. L'intervention du formateur auprès des personnels pour les inviter à s'abstenir le temps de notre visite a d'ailleurs provoqué un étonnement des salariés manifestement habitués à de telles pratiques.

 

Dans les trois derniers exemples, l'attitude de l'Etat est difficilement acceptable. Le développement de la sécurité privée conduira peut être un jour à une révision de la constitution. Dans cette attente, il parait indispensable de s'abstenir de tout dérive, telle que celle consistant à confier des pouvoirs de police à des personnes privées. En revanche, dans les autres domaines, la seule voie possible consiste à mettre le droit en cohérence avec les pratiques ou à sanctionner les pratiques non respectueuses de la norme de droit. Est-il plus choquant que la loi permettre aux agents de sécurité des aéroports d'effectuer la fouille des bagages à main, ou que la police les laisse le faire en violation de la loi ?

 



[1] Les données relatives aux chiffres d’affaires des entreprises de sécurité privée sont issues de l’atlas européen « En toute sécurité ». Cette source d’origine journalistique constitue, dans ce secteur, l’instrument de mesure statistique le plus fiable et le plus précis. Les entreprises ne sont certes pas obligées de répondre aux sollicitations de ses auteurs, mais la plupart d’entre elles et notamment les plus importantes le font depuis qu’elles se sont convaincues de l’intérêt qu’elles ont à communiquer pour améliorer l’image dégradée de leur secteur d’activité.

[2] SHERING/STENNING, 1983

[3] Rapport Hallcrest II : « Private Security Trends 1970-2000 », CUNNINGHAM et al., 1990

[4] Sur ce total, 52 milliards de dollars correspondent à des prestations effectuées par des sociétés spécialisées dans la sécurité privée et 13 au financement des services internes de sécurité des entreprises.

[5] Sans être considérable, cette croissance annuelle moyenne de 2% reste néanmoins supérieure à l’évolution annuelle moyenne de l’emploi salarié en France qui, sur la période 1982-1998 a été de X,X% (NDLR : à vérifier mais le chiffre est proche de 0)

[6] Les données présentées pour l’année 1998 ne constituent qu’une évaluation dans la mesure où elles sont obtenue en procédant à une extrapolation des séries statistiques des années antérieures.

[7] Durant la même période, et à titre de comparaison, le PIB français a augmenté d’environ 14%.

[8] 4,2% des agents privés de sécurité sont d’anciens policiers, 7,1% d’anciens militaires et 6,3% d’anciens pompiers.

[9] 26 semaines à la SNCF, 13 semaines à la RATP

[10] Les développements relatifs à ces théories sont renvoyées en Annexe.

[11] Ne sont pas comptés dans le total les agents de sécurité des collectivités territoriales autres que de police municipale (essentiellement les sapeurs pompiers).

[12] Selon les termes de Sébastien ROCHE, Insécurité et libertés, Seuil, 1994.

[13] Le taux d'élucidation correspond au nombre d’affaires résolues par rapport au nombre d’affaires portées à la connaissance de la police.

[14] La croissance des effectifs des entreprises de sécurité privée est toutefois contrebalancée - en partie seulement - par la décroissance des effectifs de sécurité internalisés par les entreprises extérieures au secteur de la sécurité. Ces évolutions sont résumées en annexe.

[15] Sur une meilleure répartition des effectifs de la police et de la gendarmerie pour une meilleure sécurité publique, rapport au Premier ministre, Roland CARRAZ et Jean-Jacques HYEST, avril 1998

[16] Rapport précité, p. 25.

[17], Ce que fait la police, sociologie de la force publique, Dominique Monjardet, Paris, La découverte, 1996 ; et Réinventer la police urbaine, les cahiers de la sécurité intérieure, 37, 3ème trimestre 1999.

[18] Qui, comme le rappelle Dominique MONJARDET, est nécessairement une construction ad hoc, à partir d’une « multiplicité de demandes partielles, concurrentes et contradictoires » (Professionnalisation et médiation de l’action policière, Les Cahiers de la sécurité intérieure, 33, 3ème trimestre 1998).

[19], Pré-rapport sur les réformes de la police, Jean-Marie BELORGEY, Paris, ministère de l’Intérieur, 1982.

[20] Les agents de police municipale exécutent les tâches que leur confie le maire en matière de "prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques" aux termes de l'article L. 2212-5, al. 1er du CGCT. La loi du 15 avril 1999 étend le pouvoir de verbalisation des agents de police municipale en matière d'infraction au Code de la route ; elle leur confère le pouvoir de relever l'identité des contrevenants.

[21] Atlas européen de la sécurité 2000, Patrick HAAS, En toute sécurité technopresse, 1999 (9ème édition).

[22] Il s’agit de la lutte contre la démarque inconnue, de la protection de l’homme au travail, de la sécurité incendie, de la sécurité industrielle, de la sécurité informatique, du traitement des valeurs et de la logistique bancaire.

[23] Il s’agit des activités de fabrication d’équipements de transport de fonds, de télésurveillance, de vidéosurveillance, de téléassistance, d’alarmes, d’équipements blindés et de serrurerie.

[24] Cf Les défis de la sécurité privée, Protection et surveillance dans la France d’aujourd’hui, Frédéric OCQUETEAU, L’Harmattan, Logiques sociales, 1997 ; et du même auteur : La sécurité privée en France, état des lieux et questions pour l'avenir, Les cahiers de la sécurité intérieure, 33, 3ème trimestre 1998.

[25], Les défis de la sécurité privée, Protection et surveillance dans la France d’aujourd’hui, ouvrage précité.

[26] Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité n°95-73 du 21 janvier 1995, art. 12 ; et décrets d'application n°97-46 et n° 97-47 du 15 janvier 1997.

[27] Loi n°83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds et loi du 23 décembre 1980 sur les détectives privés en particulier.

[28] Ainsi, l’Assemblée pléinière des sociétés d’assurance dommage s’est vu reconnaître, par l’entremise des expertises du Centre nationale de prévention et protection (CNPP), le pouvoir de prescrire des normes de certification pour les produits d’équipement de sécurité testés par le CNPP. Elle s’est aussi vu reconnaître par l’Etat le pouvoir de prescrire des normes de qualification d’installateurs d’alarmes et de centrales de télésurveillance (marque A2P, puis NF-A2P).

[29] Rappelons que la seule région parisienne rassemble la 1/2 des entreprises de sécurité privée localisées en France.

[30] circulaire N° 83-257 du 17 novembre 1983 relative à la participation de sociétés de surveillance à l’exercice de la police municipale.

[31] il en est ainsi à la préfecture de Rouen, où l'accès principal est surveillé par un policier alors qu'une entrée secondaire est confiée à un agent d'une société de sécurité privée.

[32] in Observatoire de la sûreté- analyses 1998, Direction de la sûreté, SNCF.

[33] L'article autorise également la visite des bagages de soute par des agents privés sous la responsabilité des agents de douanes.

[34] Les agents de sécurité privé récupèrent ainsi 10 fois plus d'objets interdits lors des contrôles que la police avant 1994.

[35] dans les magasins à vocation alimentaire la démarque inconnue liée aux vols, du fait de clients ou du personnel, atteint couramment 1% du chiffre d’affaires, et peut atteindre dans certains magasins ou rayons spécialisés 5 à 7 % du CA.

[36] Auparavant, la loi de 1892 avait réglementé le statut des gardes particuliers, celle du 10 janvier 1936 la constitution des groupes de combat et les milices privées et celle de 1942 ,  modifiée en 1980, la profession d’enquêteur privé.

[37] F. Oqueteau in Les défis de la sécurité privée

[38] En 1999, des entreprises étrangères contrôlent en France 77% des interventions sur alarmes, 63% de la sécurité industrielle, 60% de la télésurveillance, 51% de la vidéosurveillance et 21% de la sécurité informatique. Ces parts de marché devraient évoluer à la hausse dans les prochaines années.

[39] IGA, rapport …….du…..

[40] Le secteur des agences privées de recherche, quantitativement marginal et non visé par la loi du 12 juillet 1983, faisait toutefois l’objet d’une réglementation spécifique ancienne (loi du 28 septembre 1942, modifiée par la loi du 23 décembre 1980) établissant un régime de déclaration préalable et posant des conditions de moralité pour les dirigeants et employés (absence de condamnation).

[41] Seules les armes de 1ère et 4ème catégories sont autorisées.

[42] Les agents de surveillance ne peuvent porter d’armes que si l’entreprise qu’ils ont mission de protéger en fait la demande à l’autorité préfectorale, laquelle agrée les personnels en cause. Les armes sont acquises et conservées par la société utilisatrice de vigiles. L’armement de personnels de surveillance est rare, même s’il perdure dans certaines structures (cas du service interne du Commissariat à l’énergie atomique).

[43] La loi autorise également la vidéosurveillance de la voie publique par les autorités publiques compétentes.

[44] Cet article dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée ».

[45] Cet article incrimine le fait de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, notamment en « fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».

[46] Cité in Les défis de la sécurité privée, Frédéric Ocqueteau, L’Harmattan, 1997.

[47] Les responsables patronaux du secteur se plaisent à souligner qu’un marché de gardiennage passé par l’Hôtel Matignon s’est négocié à environ 67francs l’heure de vigile, alors que le prix de revient d’une entreprise respectant la législation est proche de 80 francs. 

[48] Cette carte délivrée par l’entreprise doit notamment mentionner le numéro de l’autorisation préfectorale.

[49] L’expression est de Patrick COUTAND, P-DG de Securitas

[50] Statistique portant sur 750 appels reçus au COG du 1/1/99 au 15/10/99.

[51] on voit ainsi se développer le segment de l’intervention sur alarmes avec envoi de véhicules sur appel du centre de télésurveillance

[52] La société Proteg a ainsi développé pour le compte d’une chaîne de surgelés la possibilité de déclencher une levée de doute par caméra déclenchée par le PC de télésurveillance et ainsi d’enregistrer les images d’un malfaiteur ayant forcé la caisse de deux magasins.

[53] Coût de 13.000 F pour le premier raccordement, de 10.000F par raccordement du 2ème au 10ème puis de 6.000F au-delà, coût de la redevance de 1.500F (fixés par l’arrêté du 3 novembre 1995 (JO du 11/11/95 p.16615))

[54] 3.000F par appel injustifié (arrêté du 3 novembre 1995)

[55] TA Paris, 14 avril 1999, Société Ardial Sécurité.

[56] les redevances prévues n’ont pas été perçues et aucun titre de perception n’a été émis.

[57] Cas de la brigade de gendarmerie de Strasbourg.

[58] Cas de Levallois et de Toulouse.

[59] L’exemple de la société CIPE nous a été donné à plusieurs reprises pour illustrer la stratégie consistant à vendre des produits de télésurveillance sans assurer les moyens de la levée de doute.

[60] recherche de Pierre Simula à paraître.

[61] La société Proteg est ainsi en contact avec le ministère de l’intérieur au niveau national pour la reconversion des ADS. Le syndicat professionnel SNES a également été sollicité au niveau local dans le même cadre.

[62] Journal En Toute Sécurité.

[63] Comme Air-France, Rhône-Poulenc, Renault etc.

[64] La Canard Enchaîné du 8 décembre 1999 a ainsi révélé l’utilisation par certains inspecteurs d’un service interne d’une entreprise de leurs anciennes relations professionnelles avec la DST et la DGSE.

[65] De manière schématique, la Police de l’Air et des Frontières est responsable de la sûreté dans les aérogares, les Douanes contrôlent les bagages des vols internationaux, la Gendarmerie du Transport Aérien est compétente pour les bagages des vols nationaux et des zones hors aérogare.

[66] Analyse des informations données par les appareils de contrôle, visite manuelle des bagages en soute et des colis, vérification de l’autorisation du contrôle d’accès, inspection visuelle des bagages en main.

[67] Les services de police vérifient l’activité par des passage de bagages « piégés ». Une première erreur entraîne une formation pour l’agent, une seconde son licenciement.

[68] Aéroport de Paris a ainsi constaté une multiplication par 10 du nombre de prises par rapport à la situation avant 1994.

[69] 2 décrets du 5 mars 1997 permettant le remboursement de certaines dépenses supportées par les forces de police, décret du 31 mars 1997 relatif à la mise en place des services d’ordre par les organisateurs de manifestations sportives.

[70] Cette convention compte en effet 12 pages et 22 articles.

[71] Il convient néanmoins de constater que les implications juridiques du partage de responsabilité entre l’Etat et l’organisateur ne sont pas définies en l’absence de jurisprudence dans ce domaine.

[72] Les études du ministère de l’intérieur évaluent les besoins à 1 stadier pour 100 spectateurs.

[73] La loi Alliot-Marie de 1993 définit clairement les infractions dans les stades.

[74] 4 à 5 incidents par an à l’intérieur des stades.

[75] Les sociétés de sécurité privées sont habillées en costume cravate.

[76] De l’ordre de 5 minutes, selon l’exploitant du métro.

[77] Comme les besoins d’une enquête sur une attaque à main armée dans la cafétaria de l’hôpital du Kremin Bicêtre ou le démantèlement d’une filière de trafic de stupéfiants au sein de l’enceinte de l’université de Jussieu.

[78] CE, 1943, Leneuveu

[79] Le délai moyen mentionné est de 30 à 45 minutes.

[80] fixée à 750 francs.

[81] Frédéric Ocqueteau et Marie-Claire Bellot, 1993.

[82] La Police municipale de Levallois pratique ainsi un îlotage autour du centre commercial protégé par une société privée de sécurité et peut être amenée à intervenir avant la Police Nationale.

[83] (1) « Fortress America : Gated Communities in the United States », Edouard J. Blakely & Marie Gail Snyder, Brooking Institution Press / Lincoln Institute of Land Policy 1997

[84] Cf. circulaire NOR/INT/D/98/00191/C du ministre de l’intérieur, en date du 24 août 1998.

[85] Lors des entretiens réalisés, notamment auprès de Monsieur   président du SNES.

[86] Constat dressé par MM. Patrick Haas, directeur de En Toute Sécurité ou Frédéric Oqueteau

[87] Une procédure de ce type existe pour les dirigeants d'entreprise de transport (arrêté du ministre chargé des transports du 2 septembre 1986).

[88]En 1997, l'entreprise Pro Systèmes(15 millions de francs de chiffre d'affaire) installée en Auvergne a sollicité l'aide de la Direction Régionale du Travail, de l'Emploi et la de la Formation Professionnelle pour mettre en place un contrat de qualification pour des agents devant acquérir la formation ERP 1 et le CAP APS).

[89] CE, assemblée, 17 juin 1932, ville de Castelnaudary ; 1er avril 1994, commune de Menton ; 29 décembre 1997, commune d'Ostricourt.