VERSION BETA DU 15/12
1.1 Le secteur de la sécurité privée est actuellement
caractérisé par un double mouvement de croissance et de structuration qui sont
largement surestimés.
1.1.1 Le concept de sécurité privé fait l’objet de définitions
diverses qui rendent ses contours incertains.
1.1.1 Le secteur de la sécurité privé semble être, depuis le début des années 80, caractérisé par une croissance apparemment forte mais qui est en réalité inégale et surestimée.
1.1.1.1 L’augmentation du chiffre d’affaire et des effectifs salariés
qui touche apparemment le secteur de la sécurité privée en France semble
s’inscrire dans un mouvement plus global qui touche l’ensemble des Etats
occidentaux
·
Considéré
globalement et dans son acception la plus large, le secteur de la sécurité
privée a apparemment connu, en France, depuis le début des années 80, une
croissance nettement à celle des autres branches de l’économie nationale qui se
serait traduit dans les faits par une forte augmentation de ses effectifs
salariés et de son chiffre d’affaire.
Selon les statistiques de
l’UNEDIC, qui centralise les déclarations annuelles d’effectifs par
établissement, les effectifs salariés dans les entreprises dites d’enquêtes et
de sécurité sont en effet passés de 10 200 en 1981 à 54 100 en 1991 pour
finalement atteindre près de 79 000 en 1995. En 15 ans, le nombre d’agents
travaillant dans une entreprise de sécurité privée a donc été multiplié par
près de 8, ce qui traduit un rythme d’augmentation annuel moyen de près de 15%.
Le nombre d’établissements ayant pour activité principale la sécurité privée
s’est également accru de manière très sensible. Selon l’UNEDIC, le nombre de
structures exerçant une activité dans ce domaine a en effet été multiplié par
quatre entre 1981 et 1995 (606 établissements en 1981 ; 2568 en 1995). Les
statistiques relatives à l’évolution annuelle des chiffres d’affaires de
l’industrie et des services de sécurité, qui sont pour l’essentiel d’origine
journalistique[1], traduisent,
elles aussi, une tendance comparable. Entre 1991 et 1998, le chiffre d’affaire
global généré par le secteur de la sécurité privée en France s’est en effet
accru de manière très sensible passant de 47,7 à 64,9 milliards de francs, soit
une augmentation de 36% en 8 ans.
·
Or
ce mouvement de forte croissance semble s’inscrire dans un mouvement plus
global qui touche, à des degrés divers, l’ensemble des Etats occidentaux.
Ce phénomène est tout
particulièrement marqué aux Etats-Unis. Depuis 1980, le nombre de salariés du secteur
de la sécurité privé a y en effet dépassé celui de l’ensemble des effectifs de
police[2]
et depuis 20 ans, ce développement des activités privées de sécurité n’a cessé
de se confirmer. Le rapport quantitatif entre les forces de sécurité publique
et les agents des différents secteurs de la sécurité privée était en 1990, sur
l’ensemble du territoire américain, de 1 pour 2,4 et il avoisinerait
aujourd’hui le ratio de 1 pour 4. D’un point de vue économique et financier, le
rapport Hallcrest II[3],
qui est considéré comme l’étude la plus approfondie sur l’évolution actuelle du
marché américain de la sécurité, estimait à 65 milliards de dollars le montant
total des dépenses engagées annuellement au titre des prestations des
prestations et biens de sécurité privés[4],
soit un montant plus de deux fois supérieur aux budgets fédéraux et locaux de
la police.
En
Europe, les activités de sécurité privée ont apparemment connu un développement
très sensible et semble-t-il comparable à la situation qui prévaut en France.
Ainsi, en Allemagne, ce secteur génère un chiffre d’affaire de 5,2 milliards de
DM et concerne plus de 125 000 emplois. De même, en Espagne, 75 000 personnes
exercent une activité professionnelle liée à la sécurité privée. Au
Royaume-Uni, l’emprise du secteur privé dans le domaine sécurité serait encore
plus importante. Les 8 000 sociétés de sécurité privées, qui emploient près de
250 000 personnes et qui réalisent un chiffre d’affaire annuel de plus de 2
milliards de livres sterling, ont en effet des missions encore plus larges que
dans les autres Etats européens. Elles peuvent ainsi assurer le convoyage des
détenus ou réaliser la garde statique des bâtiments officiels, y compris ceux
de la police. A l’exception du Royaume-Uni qui compte un agent de sécurité
privée pour environ 230 habitants, la plupart des autres Etats européens (y
compris la France) semblent donc se trouver, dans ce domaine, dans une
situation comparable (1 agent de sécurité privée pour 620 habitants en
Allemagne, 1 pour 520 en Espagne,…).
1.1.2.2.La
croissance apparemment forte du secteur de la sécurité privée doit être
analysée avec prudence car elle est à la fois inégale et surestimée.
L’assertion selon laquelle
les activités de sécurité privée connaîtraient actuellement en France un
développement important semble donc correspondre à une réalité commune à
l’ensemble des Etats européens. Elle doit néanmoins être analysée avec
prudence : l’accroissement du nombre de salariés employés dans le secteur
de la sécurité privée doit en effet être relativisé ; quant au dynamisme
global du secteur, il cache en fait de très fortes disparités
intrasectorielles.
·
L’accroissement du nombre de
salariés employés dans le secteur de la sécurité privée est réel mais doit être
relativisé.
En ce qui concerne
l’évolution des effectifs salariés, l’analyse du secteur repose en France sur
trois sources principales : les recensements et les enquêtes annuelles
d’entreprise gérés par l’INSEE, les statistiques de l’UNEDIC qui prennent appui
sur les déclarations annuelles d’effectif par établissement et le recensement
des sociétés de surveillance effectué par les préfectures qui sont, en la
matière, compétentes pour délivrer l’agrément nécessaire au fonctionnement de
l’entreprise. Or le croisement de ces trois sources statistiques qui
correspondent à des besoins de connaissance et à des modes de construction
différents permet de mettre en évidence le fait que le développement des
activités de sécurité privée en France au cours de ces 20 dernières années a
été largement surestimé.
Contrairement aux données de
l’UNEDIC qui permettent d’estimer le nombre de salariés travaillant pour le
compte d’une entreprise de sécurité privée, les statistiques de l’INSEE
prennent en compte « l’ensemble des agents qui, sans appartenir à l’armée,
à la police ou à l’administration pénitentiaire, sont chargés pour le compte de
leur employeur de la protection de biens déterminés contre les accidents et les
actes de malveillance. » L’INSEE comptabilise donc dans ses données à la
fois les salariés travaillant pour le compte d’une entreprise de sécurité
privée et ceux qui, employés par une société traditionnelle, exercent au sein
de celle-ci des fonctions de sécurité. Or selon l’INSEE, le nombre total
d’agents de sécurité privée, qui s’élevait à 93 000 en 1982 et à 115 000 en
1992, serait à l’heure actuelle d’environ 140 000. En 15 ans, le nombre total
d’agents de sécurité ne s’est donc accru qu’à un rythme de progression annuel
légèrement inférieur à 3%[5]
L’augmentation
extrêmement rapide du nombre de salariés exerçant une activité dans une
entreprise de sécurité privée (+15% par an au cours de ces 20 dernières années
selon l’UNEDIC) résulte donc, pour l’essentiel, d’une illusion statistique. La
croissance des effectifs de ces sociétés est en effet, très majoritairement,
due à un fort et rapide mouvement d’externalisation des activités de sécurité
par un grand nombre d’entreprises privée qui, jusque là, assuraient elles-mêmes
leur propre sécurité et qui, désormais, pour des raisons de minimisation des
coûts, souhaitent avoir recours à des prestataires extérieurs. En d’autres
termes, la croissance du secteur de la sécurité privée correspond plus à un
transfert qu’à un réel développement, comme tend à le montrer le tableau
relatif à l’évolution du nombre total d’agents de sécurité privée présenté
ci-dessous :
Tableau relatif à
l’évolution du nombre total d’agents de sécurité privée en France entre 1982 et
1998
Année |
Nombre de salariés travaillant dans une
entreprise de sécurité privée (en millier) |
Nombre d’agents de sécurité travaillant
dans une entreprise privée n’appartenant pas au secteur de la sécurité privée
(en millier) |
Nombre total d’agents de sécurité privée
(en millier) |
1982 |
11,5 |
81,5 |
93,0 |
1992 |
59,5 |
55,4 |
114,9 |
1995 |
78,8 |
49,2 |
128,0 |
1998[6] |
(98,1) |
(43,0) |
(141,1) |
Variation 1982/1995 (en valeur absolue) |
+67,3 |
-32,3 |
+35,0 |
Variation 1982/1995 (en poucentage) |
+585,2% |
-39,6% |
+37,6% |
·
Le dynamisme
global du secteur de la sécurité privée en France ne doit pas cacher de fortes
disparités intrasectorielles.
L’évolution du chiffre d’affaire du secteur de la sécurité privée doit, tout comme l’évolution des effectifs, être appréhendée avec précaution. Entre 1991 et 1998, celui-ci s’est certes accru de manière globale de 36% en 8 ans[7], ce qui correspond à un rythme de croissance annuelle de 4%. Cette croissance globale relativement forte cache toutefois de forte disparités intrasectorielles et repose avant tout sur un important développement des secteurs à forte composante technologique.
Croissance recouvre des réalités très diverses et montre à quel point
le secteur de la sécurité privée est composé de branches très
hétérogènes : d’où une double distinction : sécurité internalisée/
sécurité externalisée ; sécurité privée traditionnelle/sécurité privée
technologique.
-
Croissance résulte d’un
mouvement d’externalisation qui n’est pas encore achevé
-
Dynamisme résulte de la très
forte croissance des secteurs à fortes composante technologique
(vidéosurveillance, télésurveillance, sécurité informatique)
-
à l’inverse, les secteurs
traditionnels de la sécurité privée (transports de fond, détectives privés,…)
sont plutôt dans une période de stagnation voire de récession de leur activité.
1.1.1
Le
marché de la sécurité privée tente actuellement de se structurer mais doit
encore faire face à des pratiques insatisfaisantes ou illégales qui tendent à
remettre en cause la qualité moyenne des prestations.
1.1.3.1. Le
marché de la sécurité tente actuellement de se structurer, de s’autoréguler et
de se professionnaliser.
·
Longtemps atomisé, le marché
de la sécurité privée s’ordonne de plus en plus autour de quelques grandes
sociétés multinationales.
-
Historiquement, nombreuses
petites entreprises. Aujourd’hui, le marché est caractérisé par la coexistence
de petites et de grandes entités. Toutefois la tendance est à la concentration
et à l’internationalisation
-
Concentration :
exception des détectives privés, exemples les plus marquants : Proteg et
cartel des transporteurs de fonds.
-
Internationalisation :
description du phénomène dominé par les EU, la GB et la Suède. Firmes
françaises de petites tailles. Problèmes en termes d’indépendance nationale
(protection des sites sensibles)
·
Les principaux acteurs du
marché de la sécurité privée sont désormais regroupés au sein d’une organisation
patronale fédérale unique : l’UFISS.
-
Unité longue à obtenir (cf.
description d’Ocqueteau).
-
Organisation actuelle avec
l’UFISS et les 6 syndicats (PROSUCUR, SNES, SNET, SYNIAL, UNIVAL et SNOFOPS)
-
Appartenance au MEDEF, au
CoESS, convention collective,…
·
Les plus grandes entreprises
de sécurité privée se sont lancées dans un processus de certification et de
normalisation permettant de mettre en valeur le professionnalisme et la
qualification de leurs salariés.
-
Objectif des grandes
entreprises de sécurité : mettre en valeur leur professionnalisme et leurs
qualifications.
-
Moyens : ISO 9000,
AFNOR
1.1.4.En dépit de réelles avancées, le marché de la sécurité privée
doit encore faire face à des pratiques insatisfaisantes ou illégales qui
tendent à remettre en cause la qualité moyenne des prestations.
1.1.4.1Le
recours à la sous-traitance n’est pas véritablement encadré.
-
les travaux de
sous-traitance représentent 9% du chiffre d’affaire de la profession.
Logique : même les plus grandes sociétés ne peuvent assurer un maillage de
tout le territoire. Danger : avoir recours à des sociétés ne respectant
pas le droit du travail (surtout dans le domaine de la surveillance
gardiennage). Les cocontractants publics en favorisant toujours le moins-disant
y concourent largement. (cf. en dessous de 65 70 francs l’heure de gardiennage,
il est fort probable que la société ait recours à des sous-traitants peu
respectueux du droit du travail).
-
Il n’existe aucune
législation ou réglementation spécifique (cf. la convention applicable au
secteur du BTP) ; seule quelques grandes entreprises prennent des
engagements contractuels : cf. Proteg avec un plafond de 5% du CA qui peut
être sous-traité.
·
Le niveau de qualification
des agents de sécurité privée demeure globalement peu élevé, et ce pour deux
raisons :
- Lors du recrutement
initial, les employeurs n’ont, en termes de compétences, que des exigences limitées.
Le CAP d’agent de surveillance, qui a été créé en 1986 grâce à la collaboration
des entreprises du secteur et du ministère de l’Education nationale et qui
comporte près de 600 heures de formation professionnelle, n’est en effet en
aucun cas obligatoire pour accéder à un emploi dans une entreprise de
prévention et de sécurité. Ces entreprises ne privilégient par ailleurs pas
véritablement, lors de leurs recrutements, les demandeurs d’emplois issus des
corps chargés du maintien de l’ordre, de la sécurité nationale ou de la
sécurité civile tels que les policiers, les gendarmes, les militaires ou les
pompiers. En effet même si les compétences qu’ils ont acquises antérieurement
dans le secteur de la sécurité publique ou parapublique sont reconnues et appréciées,
ceux-ci ne représentent que 17,6% des effectifs des agents privés de sécurité[8].
- En outre, les effets
d’apprentissage qui résultent d’une longue expérience de terrain et qui
pourraient compenser ce manque de qualification initiale sont, dans le domaine
de la sécurité privée, très peu importants. Le taux de rotation du personnel
dans ce secteur est en effet particulièrement élevé. 32% des salariés ont ainsi
une ancienneté dans l’entreprise inférieure à un an et 73% une ancienneté
inférieure à 4 ans. Ce niveau très élevé de turn over, qui a en termes de
qualification des conséquences très négatives, résulte pour l’essentiel de la
structure même du secteur. Les agents d’exploitation représentent en effet plus
de 90% des effectifs salariés de la branche ; la perspective d’une
promotion en tant que cadre ou agent de maîtrise est donc dans ces conditions
relativement limitée.
·
En dépit d’efforts récents
et d’exceptions ponctuelles, la formation des agents de sécurité privée reste
insuffisante.
Pour compenser le manque de
qualification de ses agents, les entreprises de sécurité privée et notamment
les plus grandes d’entre elles ont, depuis le début des années 90, réalisé un
effort non négligeable dans le domaine de la formation.
Juridiquement, la signature
le 23 avril 1991 de deux avenants à la convention collective nationale propre
aux entreprises de prévention et de sécurité a ainsi permis de définir les
seuils minimaux de formations auxquelles chaque salarié a droit. Ceux-ci
peuvent donc théoriquement bénéficier de trois types de formation : une
formation initiale de 6 à 8 semaines, une formation spécifique définie en
liaison avec le client et une formation continue de 2 à 4 heures par mois. Pour
cela, leur entreprise peut s’appuyer sur des organismes spécialisés qui, pour
l’essentiel, rassemblées au sein du syndicat national des organismes de
formation en prévention et sécurité, le SNOFOPS.
Financièrement, les grandes
entreprises du secteur acceptent de consacrer une part croissante de leur
chiffre d’affaire à la formation de leurs salariés. En 1997, 97 millions de
francs, soit 1,5% de la masse salariale, ont ainsi été dépensés à ce titre dans
le secteur de la surveillance humaine et ont permis de faire bénéficier 37% des
salariés d’actions de formation.
Concrètement, les grandes
entreprises ou les grands évènements ont permis de mettre l’accent sur la
nécessaire amélioration du dispositif de formation des agents de sécurité
privée. La société Proteg, leader du marché français dans le domaine de la
surveillance humaine, consacre ainsi 2,3% de sa masse salariale à la formation
continue. De même, à l’occasion de l’organisation de la coupe du monde de
football en 1998, une attention toute particulière a été donnée à la formation
des personnels de droit privé chargé de la sécurité dans les stades. Les
stadiers ont donc ainsi pu bénéficier d’un programme piloté conjointement par
le comité d’organisation et la direction générale de la police nationale.
Toutefois, et en dépit d’une
réelle prise de conscience de ses principaux dirigeants, les efforts de
formation menées par les entreprise de sécurité privée demeurent encore
nettement insuffisants. Deux séries de comparaisons, avec les autres Etats
occidentaux et avec les secteurs publics et parapublics, permettent de mettre
en évidence les lacunes françaises dans ce domaine :
- dans un nombre non
négligeables d’Etats occidentaux, le dispositif législatif est, au regard de la
formation, beaucoup plus strict qu’en France. La loi suisse prévoit ainsi
l’obligation, pour tout dirigeant d’entreprise, de justifier, par
l’intermédiaire d’une formation qualifiante ou diplômante, de sa connaissance
de la législation relative à l’exercice de la profession d’agent de sécurité
privée. En ce qui concerne les salariés, la loi espagnole prévoit une formation
initiale de 200 heures ;
- la comparaison avec les
formations dispensées dans le domaine de la sécurité dans les secteurs public
et para publics est tout aussi significative, les cas de la SNCF et de la RATP
étant à cet égard tout à fait révélateurs. Ces deux entreprises ont en effet eu
le souci d’imprégner leurs formations initiale et continue d’une réelle
dimension déontologique qui s’est traduite dans des programmes approfondis
ainsi que dans une organisation et une pédagogie fortement structurée. Après
avoir bénéficié d’une formation préalable à la prise de poste de plusieurs mois[9],
les agents sont en effet suivis, en permanence et de manière individualisée.
Ils peuvent en outre bénéficier de deux sessions de recyclage par an à la RATP
et d’une formation continue d’une durée minimum de quatre heures par mois à la
SNCF.
·
Le niveau moyen de
rémunération des salariés du secteur de la sécurité privée demeure peu élevé:
salaire moyen
dans le secteur est légèrement supérieur à 7 000 francs (dirigeants compris).
En dépit d’accords salariaux, le salaire, c’est le SMIC (cf. PIF et
protestation des agents de Blagnac) Conséquence : risque de démotivation
1.1.4.3. Les
pratiques contrevenant au droit du commerce ou au droit du travail restent
encore nombreuses (NDLR : j’ai très pu
d’éléments statistiques réellement tangibles sur le sujet)
-
Atteintes au droit du
commerce : cf. non respect de la réglementation de la loi sur les
faillites, prête noms,…
-
Atteintes au droit du
travail : durée du temps de travail,…
1.2.
La croissance de l’offre de sécurité privée ne paraît pas imputable à une
défaillance de la puissance publique.
Cet essor de l’offre de
sécurité à caractère commercial est souvent expliqué par une demande non
satisfaite. Entreprises et particuliers aisés se tourneraient vers le marché
parce que le retrait de l’Etat les y inciterait. La puissance publique,
consciente notamment de ses contraintes budgétaires, se replierait sur sa
fonction de régulation et de réglementation de la sécurité aux dépens de sa
fonction d’acteur de la sécurité.
Les carences relatives de la
puissance publique éclaireraient ainsi l’essor de l’offre de sécurité privée.
Cette thèse répandue doit être prise avec réserve, les entreprises de sécurité
privée semblant moins répondre à de telles défaillaces que tirer parti du
perfectionnement du marché de la gestion des risques.
1.2.1.
La thèse du désengagement de la puissance publique doit être nuancée
Au plan quantitatif, la gendarmerie
et la police nationales, outre qu’elles demeurent majoritaires au sein des
agents de sécurité (62% du effectifs totaux en 1998[11]),
continuent de croître vigoureusement. Depuis le milieu des années 70, les
effectifs policiers augmentent régulièrement de l'ordre de 1350 par an, de
sorte que la police nationale compte plus de 10 000 emplois supplémentaires
pour les seules années 90. La gendarmerie nationale, même si elle croît moins
depuis 1983, connaît une progression également substantielle (ses effectifs
budgétaires passent de 84 000 en 1982 à 94 500 en 1992 et 97 000 en 1998).
Globalement, ce sont près de 20 000 emplois budgétaires supplémentaires qui ont
été créés au cours des 10 dernières années au sein de la police et de la
gendarmerie, auxquels il convient d'ajouter un nombre non négligeable de
créations d'emplois d'agents de police municipale (de l'ordre de 3 000).
De façon plus générale, il est avéré que les gouvernements
successifs ont su traduire en termes d’effectifs leur souci d’accorder la
priorité à la protection de la sécurité du citoyen. Alors que les
ministères de la Justice, de l'Intérieur et la Gendarmerie ont gagné 33 000
postes budgétaires entre 1986 et 1996, la croissance des effectifs budgétaires
du ministère de l'Education nationale et de l'enseignement supérieur est
presque deux fois plus lente (en pourcentage des effectifs, elle est de 6,5%
contre 11,5%) ; et les ministère de la Défense (hors gendarmerie), de
l'Economie et des finances, des Affaires étrangères et les ministères sociaux
ont perdu 75 000 postes budgétaires au cours de la même période.
1.2.2.
La thèse du désajustement entre offre de sécurité publique et demande de
sécurité apparaît plus pertinente.
Le décalage
entre offre publique et demande est d'abord perceptible au plan global et
quantitatif.
L'essor de la délinquance paraît sans commune mesure avec la croissance des
effectifs de police et de gendarmerie rappelée plus haut. Les délits recensés
par la police sont en moyenne quatre fois plus nombreux dans les années 90 que
dans les années 60, et près de 3 fois plus nombreux dans les années 90 qu’au
début des années 80, ce qui laisse penser qu’une accélération s’est produite au
cours des quinze dernières années alors même que l’augmentation des effectifs
de la gendarmerie et de la police nationales tendait plutôt à décélérer. La
croissance semble particulièrement forte pour la délinquance caractérisée par
le recours à la violence (coups et blessures volontaires et vols avec violence
notamment) au cours des années 80-90. Les incivilités, de leur côté, semblent
s’être multipliées de façon préoccupante, même si leur mesure, récente et
délicate, demeure sujette à caution.
Ce décalage a pu donner l’impression d’une
« baisse de rendement de l’appareil pénal »[12]
et pourrait être, de fait, l'une des causes du déclin des taux d’élucidation
policiers[13] depuis les
années 60 , voire de la – le nombre
d’affaires résolues par rapport au nombre d’affaires portées à la connaissance
de la police – ont constamment décliné depuis les années 60 ; et la
proportion des affaires classées sans suite par le Parquet tend, elle aussi, à
s’accroître.
La flexibilité du secteur de la sécurité privée, sa
capacité à suivre l'évolution de la demande de sécurité paraît, de ce point de
vue, bien supérieure. Les effectifs des entreprises de la sécurité privée
croissent, en effet, 2 fois plus vite que ceux - cumulés - de la police et de
la gendarmerie nationale et 1,5 fois plus vite que ceux - cumulés - de la
police nationale, de la gendarmerie nationale et de la police municipale depuis
le début des années 80[14].
A ce décalage
global, s'ajoute une inadéquation quantitative grandissante au plan
géographique,
que le rapport CARRAZ-HYEST[15]
a mis en exergue. Les difficultés du redéploiement interne des effectifs de la
police et de la gendarmerie nationales et la diversité des missions assignées à
celles-ci conduisent en effet, selon les auteurs du rapport, à une large
déconnexion entre les dotations en effectifs de gendarmerie et de police et
l'ampleur de la délinquance de voie publique, principale source du sentiment
d'insécurité (et donc d'une demande potentielle de protection). Il s’ensuivrait
une situation paradoxale où "la répartition géographique des effectifs des
fonctionnaires assurant la sécurité des Français est inversement
proportionnelle aux besoins"[16].
Le rapport observe, en outre, que ces "inégalités de répartition ne se
sont guère réduites ces dernières années", maints département à faible
taux de criminalité de voie publique voyant leurs effectifs de police et de
gendarmerie s'accroître fortement, tandis que d'autres - comme l'Isère ou les
Alpes maritimes - connaissent une décrue de leurs effectifs en dépit d'une
forte hausse de leur criminalité.
Enfin, certains
spécialistes de la police urbaine comme MONJARDET insistent sur la difficulté
d'adaptation qualitative de la police nationale à sa mission de police de
proximité, en dépit de la priorité
que constitue cette dernière tant dans l'opinion que pour le gouvernement[17].
Cette difficulté s'enracinerait dans l'histoire. L'étatisation de la police en
1941 aurait contribué, selon cet auteur, en rompant le lien qui prévalait
auparavant entre la police et la ville, à éloigner les forces de sécurité
publique des préoccupations exprimées au plan local. En outre, la culture
professionnelle de la police nationale ne la prédisposerait pas à privilégier
les tâches d'îlotage sur celles de police judiciaire ou d'ordre public jugées
plus prestigieuses et gratifiantes. En dernier lieu, le mode de gestion de la police
nationale ne la préparerait pas à renoncer au monopole de la détermination de
ses tâches et à se laisser imposer une distinction trop nette entre gestion de
la délinquance et gestion des incivilités.
En tout état de cause, ces réflexions éclairent l’ampleur
des défis auxquels sont confrontées les forces de l’ordre (en France comme à
l’étranger) si elles veulent s’acquitter pleinement de leur mission de
police de proximité. Il s’agit de réintroduire la « demande sociale de
sécurité »[18] dans la
logique d’action des forces publiques de sécurité, sans pour autant soumettre
ces dernières aux fluctuations, voire aux incohérences, de l’opinion locale (ou
de ses représentants les plus influents). Il s’agit aussi de développer des
obligations de résultat, sans pour autant rompre avec la stricte observance des
obligations de moyens que le respect des textes et le souci des libertés
individuelles requiert. Une telle évolution, pour nécessaire qu’elle soit du
point de vue de l’adaptation à la « demande » de sécurité, suppose
des arbitrages et des compromis très délicats en pratique.
1.2.3. Il ne semble pas, cependant, que ce
désajustement entre offre publique de sécurité et demande de sécurité suffise à
éclairer l’essor de la sécurité privée.
L’offre de sécurité privée demeure, en effet, très différente, par
nature et par vocation, de l’offre de sécurité publique, qu’elle ne saurait
donc prétendre concurrencer ou suppléer.
D’une part, les textes législatifs et réglementaires
ont strictement encadré les compétences des sociétés et des agents de sécurité
privée. Le droit actuel continue de se conformer, à cet égard, à l'esprit
du pré-rapport BELORGEY[19].
Les services de sécurité privée ne sont
nullement autorisés à se constituer en « polices auxiliaires ».
Ils sont cantonnés à une fonction de surveillance ou de gardiennage de biens
meubles ou immeubles privés, et, accessoirement seulement et à titre de
conséquence, à la protection des personnes qui s'y trouvent. Ils ne peuvent pas
même prétendre concurrencer les agents de police municipale qui jouissent d'un
pouvoir de police administrative, peuvent exercer des missions d'îlotage et
peuvent être, dans certains cas, armés[20].
D’autre part, le secteur privé ne semble pas se développer prioritairement dans les activités susceptibles de concurrencer les forces de sécurité publique. Globalement, la surveillance humaine, principal domaine de chevauchement potentiel, apparaît comme une activité faiblement rentable et aux perspectives de croissance modestes pour le marché privé.
Ainsi, les activités de gardiennage, de protection des convoyeurs de fonds et de protection rapprochée, qui se rapprochent le plus des missions qui incombent à la police, à la gendarmerie, voire à la police municipale, demeurent marginales, en termes de chiffres d’affaires (à peine 14% du CA total de la sécurité privée en 1998, selon l’Atlas européen de sécurité[21]) et progressent à peine au cours des années 90. La croissance du CA du gardiennage et de la surveillance humaine est inférieure à 5% entre 1991 et 1999 - contre +46,5% pour l’ensemble de la sécurité privée - et elle provient essentiellement de l'externalisation de l'activité de sécurité par les entreprises et non d'un surcroît de demande de sécurité. De façon analogue, l’activité de protection des personnes privées n’occupe qu’une place marginale et stagnante depuis les années 80 au sein des effectifs de la sécurité privée (à peine plus de 7% en 1998), alors qu’elle constitue une tâche majeure des forces de sécurité publique.
A contrario, ce sont les activités qui n’ont pas pour objet la protection ou la
prévention d’agressions[22]
qui croissent le plus vigoureusement au cours des années 90 (+61% de
croissance du CA), atteignant 40% du CA total de la sécurité privée en
1998 ; et les activités à caractère purement technologique[23]
prennent une place de plus en plus considérable dans le CA total de la sécurité
privée, alors qu’elles peuvent servir indifféremment à la sécurité publique ou
à la sécurité privée, et ne peuvent, par définition, que seconder la police et
la gendarmerie et non se substituer à elles. C’est pourquoi il serait
imprudent, voire peu pertinent, de comparer directement les effectifs ou les
dépenses rattachés aux secteurs de la sécurité privée à ceux relatifs à la
sécurité publique : l’on compare ainsi des réalités profondément
hétérogènes.
1.2.4. Un mode de développement « semi-autonome » [24]
de l'offre de sécurité privée par rapport à l’Etat
Il semble donc que l’essor de la sécurité privée ne soit pas lié
directement à une éventuelle crise d’efficacité de l’Etat. D’autres facteurs sont à
l’œuvre, qui entretiennent des relations plus ou moins directes avec l’action
de la puissance publique en matière de sécurité.
D’une part, la « privatisation » de la
sécurité publique semble moins probante que, pour reprendre les termes
d’OCQUETEAU, la « publicisation » des ressources de protection
offertes par sécurité privée[25].
Si les compétences de la puissance publique ont été, pour l'essentiel,
préservées, l’Etat a, en revanche, reconnu et réglementé le secteur de la
sécurité privée, de façon à assurer la convergence des intérêts privés avec
l'intérêt général et à prévenir toute dérive en matière de libertés
individuelles.
Cette « publicisation », voulue et organisée par l'Etat, mais
souvent sollicitée par les entreprises visées, a, en tout état de cause,
concouru à stimuler, à assainir et à solvabiliser les services de sécurité
privée. En
créant une obligation de gardiennage et de surveillance, le législateur a
consolidé, voire suscité, un marché pour les entrepreneurs concernés[26]
; en instaurant un régime d'autorisation préalable dans certaines branches de
la sécurité marchande[27],
il a mis en place des barrières à l'entrée de nature à améliorer la rentabilité
des entreprises ainsi autorisées à fonctionner.
D’autre part, il existe des facteurs autonomes de développement du
secteur privé de sécurité, qui sont sans rapport avec les éventuels
dysfonctionnements de l’Etat en matière de protection des biens et des
personnes. Ainsi, l’externalisation des activités de sécurité par un
certain nombre d’administrations ou d’entreprises semble résulter d’un simple
calcul de minimisation des coûts. Le recours aux sociétés de sécurité vient
aussi, dans certains cas, de l’évolution du mode d’organisation de certains branches
d’activité. Par exemple, le mode de fonctionnement propre aux grandes surfaces
commerciales (remplissage de nuit, libre-service) entraîne des risques accrus
de vols auxquels celles-ci remédient en recourant aux services de sécurité. De
façon plus évidente encore, l’essor des branches de la sécurité incendie, de la
sécurité industrielle et informatique ou de la protection de l’homme au
travail, est sans rapport avec la problématique de la protection contre les
vols ou les agressions.
Enfin, l’essor de l’industrie des équipements de sécurité semble résulter
d’une logique mixte. Il dérive bien sûr de l’essor général des activités de
sécurité privée, mais il est aussi le fruit d’un calcul économique de
rentabilité qui ne paraît nullement propre au secteur de la sécurité. Il n'est,
dans une large mesure, que le sous-produit de l'expansion des industries de
l'électronique, de l'informatique ou de la machinerie industrielle que l'on
observe par ailleurs. Et l’on pourrait aussi y déceler le refus du secteur
privé de s’engager dans des activités « à risque », comme le
gardiennage et la surveillance humaine, au profit d’activités plus
traditionnelles et, somme toutes, plus proches d’activités industrielles
banalisées.
1.2.5. De façon plus générale, la croissance de la sécurité privée ne paraît relever qu’indirectement
de la demande de protection des citoyens.
Ce sont, on l’a vu, les entreprises, et non les ménages, qui, jusqu’à
présent, ont « tiré» la demande de sécurité privée. Or, ces entreprises
agissent principalement sous l’impulsion, d’une part des textes susmentionnés
qui peuvent les obliger à recourir au marché privé de la sécurité, et, d’autre
part et surtout, des sociétés d’assurance. L’influence de ces dernières n’a, au
reste, cessé de croître au cours des années 90, tant en matière d’obligations
de protection, que de prescriptions de normes de certification[28],
voire de prise de contrôle d’une partie des entreprises privées de sécurité
(installations et fabrications d’équipements de sécurité).
Paradoxalement, le simple citoyen n’est que rarement à
l’origine directe de la demande de
sécurité privée. L'insécurité ne semble pas l'avoir conduit à contester le
monopole étatique de la sécurité, mais bien plutôt à souhaiter un renforcement
de la protection fournie par les forces publiques. Au surplus, son désir de
protection n’est, pour l’essentiel, pris en compte que pour autant qu’il
coïncide avec la stratégie de l’Etat en la matière et avec les calculs
économiques de rentabilité et de risque des entreprises marchandes (sous
l’influence du secteur assurantiel). C'est pourquoi la carte de l'implantation
des services de sécurité privée ne correspond guère, en règle générale, à celle
de la délinquance, mais bien plutôt à celle de la richesse marchande et productive,
les lieux de localisation des entreprises les plus nombreuses et les plus
prospères attirant tout naturellement les services de sécurité privée[29].
Au total, l'essor des entreprises de sécurité privée semble moins
résulter, en France, d'une crise de légitimité de l'Etat ou d'une montée du
sentiment d'insécurité des citoyens que du perfectionnement et de
l'externalisation des techniques privées de gestion du risque et parfois à la
demande de la puissance publique. Le marché français de la sécurité ne se résume
pas, en ce sens, au "marché de la peur". Et il ne menace pas encore
le "monopole de la violence légitime" exercé par la puissance
publique.
Les agents de sécurité privée ne peuvent exercer leurs missions sur la
voir publique.
Seuls certains d'entre eux,
en raison de la spécificité de leurs missions sont amenés à intervenir
ponctuellement sur la voie publique, comme
les transporteurs de fonds ou les agents de recherche. Les sociétés de
sécurité à caractère privée interviennent ainsi, hors de la voie publique, dans des lieux dépendant juridiquement soit
d’acteurs privés, soit d’acteurs publics. Ils peuvent dans certains cas
exceptionnels disposer de pouvoir de pouvoirs de police spéciale (police
ferroviaire ou gardes assermentés par exemple). Les agents peuvent, sur
certains territoires, soit être largement confrontés au public dans des espaces
comme les centres commerciaux ou dans certains établissements ou
administrations publiques, soit circonscrits dans des lieux où leurs contacts
se réduisent pour l’essentiel aux salariés de l’établissement.
De façon générale, des
missions de police tant administratives que judiciaires ne peuvent être
déléguée à des agents privés (CE 1932, ville de Castelnaudary). Ce principe a
été confirmé dans la circulaire de 1983[30],
mais aussi par la décision du Conseil Constitutionnel du 25/2/1992.
Toutefois, le recours à des
agents privés pour effectuer d'autres missions de sécurité dans le secteur
public que ce soit pour le compte de l’Etat, de collectivités locales ou
d’établissements publics s’est amplifié ces dernières années. La sphère
publique représente près de 25 % ( ? ? ?) de l’activité du
secteur du gardiennage. On retrouve généralement les mêmes motivations que dans
stratégies d'externalisation des entreprises du secteur privée : centrage
sur les métiers de base des administrations, recherche d’amélioration de coûts
par le recours au marché, utilisation des avantages comparatifs des tiers.
Si la voie publique leur est
interdite, ces agents peuvent toutefois intervenir sur le domaine public, dans
les immeubles appartenant à l’administration ou à des collectivités publiques,
que ceux-ci reçoivent ou non du public. Ces sociétés peuvent ainsi être amenées
à exercer des missions de sécurité dans des ministères, des mairies, des gares,
des écoles, ou dans des bâtiments à vocation industrielle (le cas particulier
des transports publics sera étudié plus loin). La politique de recours à des
acteurs privés ne paraît pas aujourd’hui faire l’objet d’une véritable
politique tant au niveau de l’Etat qu’au niveau des acteurs locaux. Certaines
préfectures sont ainsi partiellement surveillées par des sociétés privées[31],
alors que d’autres excluent cette solution pour réserver cette mission aux
forces de police. Les difficultés sociales que poserait le réemploi des agents
de ces administrations affectés à ces missions de surveillance est entre autre
une des raisons qui conduisent à des approches différenciées. Toutefois aucune
véritable doctrine d’emploi des agents privés ne semble avoir été mise en place
et ceux-ci ne disposent pas de pouvoirs spécifiques en raison de leurs lieu d’emploi.
Les transports publics, notamment ferrés et aériens, ont fait
l'objet de mesures particulières.
En matière de transports ferrés, la loi du 15 juillet 1845 complétée par le décret
n° 730 du 22 mars 1942, a conféré aux agents de surveillance dûment
assermentés, le pouvoir de constater par procès-verbal des infractions à la loi
et à la réglementation des chemins de fer. Les agents de la SUGE pour la SNCF
ou du GPSR pour la RATP dont les missions étaient à l'origine centrées sur la
protection du patrimoine de ces entreprises, ont progressivement été réorientés
vers des missions de sécurisation des usagers et des personnels de ces
entreprises en raison de la progression de la délinquance (en 1998, les
atteintes aux voyageurs ont augmenté de 28% à la SNCF, et celles contre les
agents de 65%[32]), du
préjudice commercial et économique subi et du risque de responsabilisation au
moins au plan civil. Si en la matière, un transporteur ne peut être tenu pour
responsable d'une agression commise par des tiers, sa responsabilité civile
pourrait être engagée s'il n'avait pas mis en place un minimum de moyens de
sécurité.
Ces agents, qui sont agents
publics et assermentés, (près de 800
pour le GPSR et 1500 pour la SUGE) ne peuvent, outre leurs pouvoirs de police
spéciale, qu'intervenir dans le cadre de l'article 73 du CPP pour appréhender l'auteur d'un crime ou
délit flagrant et le conduire devant l'officier de police le plus proche. L'autorisation de port d'armes dont
bénéficient ces agents, les prédispose à mener ces missions de sécurisation,
même s'il ne devrait pas y avoir de confusion avec les missions des forces de
l'ordre. Plus discutable au plan juridique, car elles ne s'inscrivent plus dans
le cadre de l'article 73 du CPP, peut être la pratique de certaines opérations
menées en civil par les agents de la SUGE et du GPSR, pour "faire du
flagrant délit", même si face à certaines formes de délinquance seule une
action en civil peut être menée (lutte contre le vol à la tire par exemple). Un
contrôle direct des parquets sur ces missions pourrait être judicieux alors
qu'aujourd'hui il n'est qu'indirect, les personnes appréhendées étant remises
soit à la Brigade des Chemins de Fer ou aux forces de police ou de gendarmerie
territorialement compétentes.
Les forces de sécurité
publique, malgré certaines réticences quand au caractère licite de certaines
opérations, reconnaissent toutefois le grand professionnalisme de ces services
et la qualité de la formation initiale et continue des agents. Le nombre de
plaintes enregistrées ou de "bavures" rapportées par les médias sur
des actions de ces services paraissent limitées au regard du nombre
d'interventions effectuées.
Bien que théoriquement
concernés par la loi de 1983 (art 1er), ces sociétés refusent pour ces agents
une assimilation à des agents de sécurité privé.
A côté de ces agents
assermentés, ces sociétés emploient également des sociétés de sécurité privé
pour des missions de nature différente comme la protection d'entrepôts. Si dans
les lieux non accessibles au public, cette dichotomie ne pose pas de
difficultés majeures, certains de ces agents de sécurité privé non assermentés
sont également employés dans des lieux accessibles au public comme les galeries
commerciales de certaines gares, ce qui peut créer la confusion dans les yeux
du public. Sur un même territoire cohabitent ainsi des forces de sécurité
publique, mais qui ne peuvent pas sanctionner des infractions spécifiques à la
police des chemins de fer, des agents assermentés de la SNCF ou de la RATP,
dont les modes d'action ressemblent parfois à s'y méprendre à des actions de police traditionnelles, et des agents
de sécurité privé sans pouvoirs spécifiques.
En matière de transport aériens, la sécurité était traditionnellement assurée par
les forces de police (PAF devenue la DICILEC dans les aérogares, et la
gendarmerie du transport aérien pour les pistes). La loi du 10 juillet 1989 a
permis le recours à des agents privés pour effectuer certaines mesures de
contrôle sous la responsabilité des forces de police. C'est l'article L.282-8
du code de l'aviation civile qui a consacré le recours à des agents privés
(ressortissant de l'Union européenne) pour effectuer, sous la responsabilité
des officiers de police judiciaire, la
visite des personnes des personnes, des bagages, du fret, des colis postaux.[33]
L'arrêté du 29 décembre 1997 a fixé les modalités d'intervention de ces agents
de sûreté qui sont limités à la mise en œuvre des dispositifs de contrôle , à
l'exclusion des fouilles à corps et de la visite manuelle des bagages à main.
Ces opérations de fouille sont théoriquement réservées aux OPJ, mais dans la
pratique force est de constater que, pour éviter des attentes trop longues (et
les réclamations éventuelles des compagnies aériennes) ces agents effectuent
régulièrement la fouille des bagages à main ou effectuent des palpations de
sécurité.
Aéroport de Paris, mais
aussi les aéroports de province, ont mis en place cette nouvelle politique
d'emploi des agents de sûreté, avec des résultats qui paraissent satisfaisant
dans la mesure où les contrôles actuels semblent plus efficaces que ceux menés
autrefois par la police, qui effectue des sondages pour vérifier la qualité du
contrôle[34]. Huit
entreprises privées, avec un effectif global de 600 agents effectuent ainsi ces
contrôles sur les sites de Roissy et d'Orly.
Dans les autres transports
publics, il n'existe pas de véritable régime dérogatoire. Toutefois, l'article
XXXX de la loi sur les polices municipales, prévoit que les agents de contrôle
de ces compagnies pourront après accord d'un OPJ, relever l'identité d'un
contrevenant.
On assiste bien dans le secteur des transports publics, en particulier
ferrés et aériens, à une véritable logique de coproduction. Des conventions sont signées
entre l'Etat et les Etablissements publics, précisant notamment les moyens mis
à disposition et les modalités pratiques de coopération.
L’essentiel de l’activité
des sociétés de sécurité privées s’exerce sur le domaine privé et pour le
compte de personnes privées : entreprises industrielles ou commerciales,
domicile des particuliers. Dans ces sphères, il paraît essentiel de distinguer
entre des lieux largement ouverts au public comme les centres commerciaux, les
lieux de spectacles ou des espaces non ouverts au public, domicile des
particuliers ou établissements industriels ou commerciaux où le public n’est
généralement pas admis.
Bien que ceux-ci ne
représentent qu’une faible partie de l’activité de la profession (env. 10% du
CA) ces zones ouvertes au public concentrent les risques en raison, d’une part
des phénomènes liés à la foule (un hypermarché peut facilement accueillir
20.000 personnes un samedi, certains grands magasins parisiens atteignant le
chiffre de 100.000 personnes sur des journées exceptionnelles), et d’autre part
des risques liés à la délinquance que peuvent susciter des articles présentés
en libre-service sans véritable surveillance.
Les distributeurs qui
disposaient autrefois de service de sécurité internes (qu’on qualifiait
autrefois d’inspecteurs) ont le plus souvent externalisé ces missions de
surveillance. Ces agents ont deux missions principales : une mission de
sécurité générale et la lutte contre la démarque inconnue. La loi de 1995 est
venue encadrer la présence de ces agents sur leur mission de sécurité générale
notamment incendie, en exigeant la présence d'agents de sécurité dans les
établissements recevant du public (ERP) et en dissociant cette fonction de la
lutte contre la démarque inconnue. La loi confortait ainsi la position de la
jurisprudence qui avait rendue civilement responsable un grand magasin au motif
qu'il n'avait pas mis en place des mesures de sécurité alors qu'il avait fait
l'objet de menaces terroristes (Cass 85-11.449 du xxxxx).
Ces agents de sécurité,
chargés principalement de la lutte contre la démarque inconnue qu’ils soient
internes à l’entreprise ou dépendant d’une société de sécurité privée ne
disposent que des mêmes pouvoirs que tout citoyen, c’est-à-dire ceux prévus par
l’article 73 du code de procédure pénale. Ces agents de sécurité sont toutefois
confrontés à une délinquance permanente en raisons des vols commis dans les
grandes surfaces[35]. Chargés
d’appréhender les personnes suspectées de vol à l’étalage, leurs interventions
peuvent parfois être « musclées ». Si certaines personnes
appréhendées reconnaissent facilement « l’oubli » de paiement,
l’intervention des agents se réduit alors soit à l’encaissement du prix soit à
la restitution de l’objet avec pour des montants de faible valeur l’envoi d’une
lettre plainte au procureur de la République. D’autres interventions se
révèlent plus sensibles. Leur action peut conduire à l’interpellation de
personnes n’ayant commis aucun larcin, ou dans certains cas nécessiter l’appel
des forces de police. Ils utilisent dans ce cas les possibilités de rétention
offertes par l’article 73 du CPP, ce qui peut conduire à des dérives notamment
quand les délais d’intervention de la police peuvent être élevés.
Leur action peut également
être compliquée par la présence de véritables bandes organisées.
Certains phénomènes
conduisent à s’interroger sur le professionnalisme de certains
intervenants : les sociétés leaders du marché de la sécurité, refusent le plus
souvent à intervenir sur ce secteur d’activité au motif que les prix sont
« trop tirés » vers le bas par les distributeurs. On y retrouve donc
principalement des petites sociétés dont le taux d'encadrement est faible et un
fort turnover du personnel, ce qui interdit le plus souvent un formation
efficace de ces agents, alors que ceux-ci sont confrontés sans cesse à des
situations conflictuelles. En outre la pratique des primes liées aux
arrestations pratiquées par certains distributeurs peut inciter les agents à
certaines dérives.
Certains distributeurs
tiennent toutefois à conserver en interne la surveillance de leurs points de
vente en mettant également l'accent sur leur fonction d'accueil. On constate
toutefois, dans ces sociétés le recours à de la sous-traitance
"d'ajustement".
La loi de 1997 (????) a
également contraint les organisateurs de manifestations sportives, récréatives
ou culturelles à mettre en place une structure de sécurité en coordination avec
les forces de police. Les "stadiers" ont ainsi remplacé les forces de
police à l'intérieur des stades, celles-ci exerçant leur mission de sécurité
sur la voie publique à l'extérieur du stade et peuvent être amenées à
intervenir en cas de trouble dans l'enceinte sportive.
Ces stadiers, parfois
bénévoles, sont aussi dans certaines circonstances sous-traités à des sociétés
de sécurité privé et peuvent se trouver confronter à des phénomènes de
violence, pour lesquels leur formation à la gestion de mouvements de foule
paraît dérisoire. Cette organisation, mise à l'épreuve du feu pendant la coupe
du monde de football, semble avoir bien fonctionné jusqu'à présent, tout en
notant, que des responsables des forces de police étaient présentes dans les PC
sécurité des stades pour gérer en direct les événements et qu'ils le sont
encore aujourd'hui pour les rencontres jugées "sensibles".
La demande de sécurité est
principalement tirée par les entreprises qui se prémunissent contre des risques
industriels et commerciaux. Certaines mesures sont en outre imposées soit par
la réglementation, quand il existe des risques industriels spécifiques (usines
chimiques, raffineries, centrales nucléaires par exemple) soit par l'Etat dans
des domaines jugés sensibles en matière de défense ( industries de l'armement
par exemple). L'action des agents est strictement limitée à l'intérieur de
l'entreprise et leur mission est principalement tournée vers la sécurité générale allant de l'extinction
de cafetières électriques, à la surveillance de salles informatiques ou à la
surveillance d'entrepôts. En matière de libertés publiques, les salariés plus
que les tiers peuvent être les principales victimes de comportements déviants
mais qui semblent être plus le fruit de l'entreprise utilisatrice que des
sociétés de surveillance. "L'oubli" d'informer le comité d'entreprise
lors de la mise en place de nouvelles organisations ou de nouvelles
technologies, l'information des salariés de la mise en œuvre de systèmes de
contrôle, relèvent en effet de la responsabilité du chef d'entreprise et non de
celle d'un sous-traitant éventuel. Les dérives relevées ponctuellement par la
presse ou les tribunaux ont le plus souvent comme origine la mise en œuvre de
nouvelles technologies : vidéosurveillance, contrôle informatisé des accès,
logiciels de communications, logiciels de traitement permettant d'intégrer des
données autrefois éparses (pointage, restaurant d'entreprise, paye, téléphone…)
qui sont dans la plupart des cas mises en place par les entreprises sans le
concours de sociétés de sécurité. Les menaces en matière de libertés publiques
vis-à-vis des salariés des entreprises, résultent ainsi plus de décisions des
entreprises, plus que de la présence d'agents de sécurité, qu'ils soient
internes ou sous-traités.
Les phénomènes de
"gatted cities", forme d'habitat collectif, où les résidents
choisissent librement une restriction à leurs libertés, sont encore un
phénomène marginal en France en comparaison d'autres pays (USA, Afrique du Sud
par exemple).
Dans l'habitat collectif, le
recours aux sociétés de sécurité privées est faible. Les bailleurs sociaux
refusent généralement de tels dispositifs, arguant que la sécurité est
l'affaire de l'Etat et que le coût de cette surveillance ne pourrait être
répercuté sur les locataires. Les grandes sociétés de sécurité sont peu
présentent sur ce marché qui leur paraît peu solvable.
Dans l'habitat individuel,
ce sont les dispositifs de télésurveillance qui se développent en raison de la
baisse des coûts. Des contrats de "location de matériels couplés à une
télésurveillance" sont aujourd'hui disponibles à des coûts mensuels
inférieurs à 150 F. De nouveaux "package" marketing apparaissent sur
le marché et vont sans doute pousser la demande des consommateurs. Si la
fiabilité des équipements tend à s'améliorer, ces alarmes sont une source de
tensions entre les centres de télésurveillance et les PC des forces de sécurité
en raison du nombre d'appel pour des alarmes intempestives qu'ils génèrent. Au
COG de Strasbourg, 80% des appels suite à alarme télésurveillées sont en fait
des appels indus. Ce phénomène est à la fois source de tensions et de
démotivations des forces de l'ordre.
On
considérait au milieu des années 90 que les 4/5 èmes des fraudes informatiques
trouvaient leur origine à l’intérieur des entreprises et concernaient
essentiellement le piratage de logiciels. Le développement des réseaux au
premier rang desquels INTERNET entraîne un rééquilibrage au profit d’une menace
externe de plus en plus visible avec l’apparition d’un nouveau type de
délinquant : le hacker. Ce dernier , le plus souvent étranger à
l’entreprise dont il pénètre de façon illicite les systèmes d’information peut
avoir des motivations économiques (détourner de l’argent), ludique (montrer sa
supériorité) ou stratégiques (guerre de l’information). La « nouvelle
économie » voit ainsi surgir de nouveaux acteurs que l’information
intéresse en tant que telle. Ceux-ci sont à la fois privés (des concurrents) et
publics (services secrets de type FBI, CIA, DGSE, DST, MI5, MI6 …) dont le
renseignement technologique et économico-stratégique devient la grande
priorité. Il faut ajouter un troisième type d’organisation de type mafia dont
il est difficile d’estimer l’impact en ce domaine. Une étude publiée par le
Cabinet ERNST & YOUNG en décembre 1994 portant sur 1271 entreprises a
montré que 60 % de celles-ci avaient été attaquées par des virus informatiques
avec des risques croissant au moins au rythme du développement de
l’informatisation. La moitié des entreprises interrogées ont subi des pertes
dont certaines de plus d’un million de dollars. Un tiers des entreprises ayant
subi des préjudices n’ont jamais pu en évaluer le montant. On ne dispose pas en
France d’études équivalentes mais il n’ y a aucune raison de penser que la
situation y est différente de celle connue du monde anglo-saxon.
L’information warfare (ou
guerre de l’information) concerne trois niveaux différents : l’information
sur les individus, celle des entreprises, enfin le patrimoine national. La
guerre de l’information se définit donc par trois éléments : obtenir et
utiliser l’information détenue par un ennemi, modifier ou détruire ses données
et protéger ses propres systèmes d’information. Le « cyberspace » –
type même de l’espace non territorialisé – engendre donc sa propre criminalité.
2. L’émergence
d’une logique de coproduction de sécurité n’a pas encore permis d’aboutir à une
régulation efficace
2.1. La recherche d’une coproduction dans le respect des libertés publiques
2.1.1. Une
intervention de l’Etat nécessaire pour sauvegarder les libertés publiques
L’intervention du législateur dans le domaine de la
sécurité privée a historiquement répondu au souci de protéger les libertés
publiques. Cette exigence perdure à mesure que se développent le domaine de la
sécurité privée, les moyens techniques qu’elle peut utiliser et que s’affirme
la volonté de mettre en oeuvre une véritable coproduction en la matière. Elle
répond en outre à une demande de la profession.
2.1.1.1. La
sauvegarde des libertés publiques a motivé l’intervention de l’Etat
L’intervention de l’Etat
pour la sauvegarde des libertés publiques trouve son fondement dans l’article
34 de la Constitution qui dispose : « la loi fixe les règles
concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice
des libertés publiques ». Plus récemment, la loi du 21 janvier 1995
d’orientation et de programmation relative à la sécurité a apporté une
justification supplémentaire à cette intervention en indiquant dans son article
1 : « la sécurité est l’une des conditions de l’exercice des
libertés individuelles et collectives ».
Dans le passé, plusieurs
libertés publiques sont apparues menacées par le développement des initiatives
de sécurité privée. Des libertés de la personne comme le respect de la vie
privée et la liberté individuelle, mais également des libertés collectives
comme le droit de grêve.
Les débats parlementaires
qui ont précédés l’adoption de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les
activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds, qui
fut la première loi règlementant de façon globale le secteur[36],
attestent de la volonté de réagir par rapport à des dérives et des bavures qui
avaient choqué l’opinion publique (assassinat d’un clochard au forum des Halles
par les vigiles d’une société de gardiennage en décembre 1981, expulsion des
employés d’une entreprise d’Isigny par près de 200 vigiles appartenant à une
société de gardiennage recruté par le patron pour briser la grêve).
Il est apparu indispensable
au législateur de réglementer l’activité d’entreprises qui jusqu’à lors étaient
considérées comme des sociétés commerciales de droit commun pour lesquelles aucune
condition n’était requise lors de leur création et aucun contrôle exercé sur
l’activité et le personnel.
En outre, un des objectifs
recherché consistait à interdire les activités anti-grêve et anti-syndicales.
L’une des propositions de loi ayant donné lieu à la loi de 1983 avait pour
objet la dissolution des milices patronales dont on craignait qu’elles
n’agissent comme des polices
parallèles.
Les textes législatifs et
réglementaires intervenus antérieurement pour réglementer certaines activités privées
ont procédé des mêmes motivations et ont été élaborées dans le même
esprit.
La loi du 10 janvier 1936
sur les groupes de combat et les milices privées est intervenue à une époque où
les ligues menaçaient l’existence de la République. Ce texte trouvera à nouveau
à s’appliquer, dans un contexte certes différent, lors de la dissolution du
service d’action civique (SAC) au début des années 80.
La loi de 1942 sur les
agences privées de recherche a eu pour objet d’encadrer des agences de
détectives privés qui s’étaient beaucoup développées dans les années 20 et
étaient alors « stigmatisées par les pouvoirs publics comme des polices
privées parallèles menaçant les intérets d’une police publique »[37].
2.1.1.2.
L’extension du champ de la sécurité privée et des nouveaux moyens techniques
mis en œuvre posent de façon renouvelée l’exigence de protection des libertés
publiques
La croissance du secteur de
la sécurité privée et la concentration actuelle qu’elle connait, que le rachat
récent de la société Proteg par le groupe Sécuritas vient d’illustrer,
suscitent de nouvelles interrogations au regard des libertés publiques.
La caractéristique du marché
de la sécurité privée en France est d’être dominé par de grandes entreprises
étrangères[38] ce qui
engendre des inquiétudes en matière d’intérêt économique national. Certaines
centrales nucléaires sont ainsi gardées par ces grandes entreprises. Plusieurs
interlocuteurs rencontrés ont abordé cette question, qui constitue d’ailleurs
une des motivations du projet de loi en préparation.
Le développement de
nouvelles technologies, si il fait progressivement l’objet d’un encadrement
législatif et réglementaire, à
l’exemple du décret du 17 octobre 1996 relatif à la vidéo-surveillance,
confronte régulièrement le législateur à de nouvelles questions. Ainsi,
l’installation de systéme de vidéo-surveillance pose le problème de l’éventuel
implantation des centres de contrôle à l’étranger et du déclenchement de
l’intervention des forces de police depuis un pays tiers.
2.1.1.3. La
volonté de mettre en oeuvre une coproduction de sécurité constitue un motif
d’intervention de l’Etat.
L’Etat, en validant la notion de coproduction de
sécurité s’est imposé deux exigences. Il lui revient de définir les domaines
dans lesquels peut s’exercer la sécurité privée et ceux qui demeurent de la
compétence de la puissance publique. Il lui incombe également de s’assurer que
les personnes et les entreprises participant à la coproduction de sécurité
présentent bien toutes les garanties de sérieux et de moralité nécessaires.
2.1.1.4.
L’intervention du législateur rencontre les intérets d’une partie de la
profession.
Les obligations réglementaires auquelles sont
confrontées les professions de la sécurité privée sont inégales. Si le
convoyage de fonds est très encadré, ce qui s’explique par la présence d’un
armement et l’importance de la mission de cette profession pour la vie
économique du pays, les fonctions de gardiennage le sont beaucoup moins.
En outre, la nécessité de réglementer se pose avec
plus ou moins d’accuité selon que les professions de sécurité concernées
interviennent ou pas dans des lieux ouverts au public.
Les professionnels de la sécurité privée, et plus
spécifiquement les grandes sociétés de gardiennage, souhaitent l’intervention
du législateur afin qu’il moralise leurs professions et les organise. A travers
un encadrement règlementaire, ils espèrent améliorer l’image d’un secteur
d’activité qui souffre encore d’une mauvaise réputation acquise dans les années
1970 et entretenue par des pratiques actuelles contestables.
La sous-traitance utilisée de façon sauvage
constitue la première d’entre elles. Elle est très fortement utilisée dans
certaines branches d’activité comme le gardiennage, au mépris le plus souvent
du droit du travail. Elle créée en
outre une concurrence déloyale à l’encontre de ceux qui respectent la
réglementation.
S’agissant
de la sous-traitance, la demande à l’égard des pouvoirs publics est
double : d’une part qu’il en
encadre l’utilisation mais également qu’il donne l’exemple à l’occasion
des marchés qu’il passe. Plusieurs intervenants ayant fait remarquer que la
modicité des prix de certaines sociétés retenus lors d’appels d’offre publics
indiquaient clairement qu’il ne pouvait y avoir que recours à la sous traitance
et absence de respect du droit du travail.
Le souci de transparence
constitue également une des préoccupations de la profession. Plusieurs
interlocuteurs ont indiqués au cours des entretiens qu’il était courant que des
individus relevant du grand banditisme possèdent des sociétés de gardiennage
leur servant au blanchiement de fonds. Lorsque ces sociétés sont identifiées
par les services de police, il leur est très facile, compte tenu des règles
actuellement en vigueur de les faire disparaître et d’en créer de nouvelles.
Pour autant, ces revendications, ne sont pas
forcément sans arrière pensée car elles
présentent aussi l’avantage pour les entreprises déjà installées, si elles sont
satisfaites, de rendre plus difficile l’accès au marché de la sécurité pour de
nouvelles sociétés. Elles ont donc des conséquences en matière d’emploi que le
législateur se doit d’envisager.
Il faut préciser que ces demandes des professionnels
ne sont pas spécifiques à la France. Ainsi, au Royaume Uni, le projet de loi en
cours de préparation répond largement à une demande de la profession animée des
mêmes soucis s’agissant de son image de marque.
Les demandes de réglementation de la part des
acteurs de la sécurité privée se
justifient également par le fait qu’ils considèrent que leur secteur
d’activité représente un enjeu en matière d’emploi pour autant que les
professions soient organisées, notamment en matière de formation. Ainsi, la
profession d’agent privé de recherches apparaît très peu encadrée et organisée
au regard des enjeux dont elle a à connaître (concurrence déloyale, ..)
2.1.2. Une
reconnaissance du rôle de la sécurité privée dans la coproduction de sécurité
La sécurité privée a longtemps jouit d’une mauvaise
image auprès des pouvoirs publics, mais la loi du 21 janvier 1995 traduit une
évolution en la matière. Ce début de reconnaissance coincide avec la
réorientation de l’Etat dans ses missions et à la mise en place d’une véritable
coproduction sur certains territoires.
2.1.2.1. Un
secteur d’activité considéré avec méfiance
Les textes législatifs et réglementaires intervenus
avant la loi de 1995 attestent de la volonté d’ encadrer le domaine de la sécurité privée afin
d’éviter que des pratiques douteuses y aient cours. Ils manifestent également la
volonté de bien marquer la limite entre ce qui relève de la compétence de la
puissance publique et ce qui ressort de la sécurité privée.
La loi de 1983 est à cet égard révélatrice puisqu’à
coté de dispositions visant à encadrer le secteur elle manifeste le souci d’« éviter toute confusion avec un
service public » (article 3). Ainsi, la dénomination des entreprises doit
faire mention de leur caractère privé et les gardiens ne peuvent exercer sur la
voie publique.
Dans le même souci, une circulaire de Ministre de
l’Intérieur du 17 novembre 1983 a précisé que « tout acte administratif
ayant pour objet de faire participer, même partiellement ou temporairement des
entreprises ou des personnes priv ées à l’exercice de la police municipale
était illégal ».
De façon symptomatique, le programme commun de
gouvernement de la gauche de 1981 prévoyait d’ailleurs de faire disparaître les
forces de sécurité privées, perçues comme une émanation du patronat.(à
vérifier)
2.1.2.2. La
sécurité privée bénéficie depuis peu d’une certaine reconnaissance
Ce secteur n’a fait l’objet d’une certaine
reconnaissance que récemment, par la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de
programmation relative à la sécurité (LOPS), encore que cette reconnaissance ne
manque pas d’être ambiguë. En effet, aucun titre ou chapitre de cette loi ne
concerne la sécurité privée qui ne figure pas non plus dans les orientations
principales de la politique de sécurité.
Le domaine de la sécurité privée apparaît à l’article 10, qui traite de la vidéo
surveillance, et les activités privées de sécurité ne sont envisagées de façon
globale que dans le troisième paragraphe de l’annexe 1 dans lequel il est
indiqué que ces activités « concourent ainsi à la sécurité
générale ».
En outre, le secteur de la sécurité privée est conçu
par le législateur de façon large. Il impose en effet à des acteurs qui n’ont
pas pour mission de base la sécurité de s’en préoccuper. Ainsi, l’article 11
fait obligation aux aménageurs dans le cadre de leurs projets de réaliser une
étude préalable de sécurité. De la même façon, les propriètaires d’immeubles à
usage d’habitation se voient imposer une obligation de gardiennage à l’article
12.
La coproduction de sécurité telle qu’elle est
entendue par les pouvoirs publics consiste ainsi à faire intégrer la
préoccupation de sécurité par tous les acteurs privés qui peuvent y contribuer
au dela des seuls acteurs de la sécurité privée. Il se situe alors dans le
domaine de la prévention situationnelle.
Pour autant, la coproduction de sécurité apparaît
d’avantage comme un concept affirmé comme ce fut le cas lors du colloque de
Villepinte des 24 et25 octobre 1997, qu’une réalité juridique. Elle est conçue
comme l’action de différents acteurs indépendants, chacun ayant son champ de
compétence et exerçant dans la majeure partie des cas sur des territoires qui lui sont propres. La LOPS ne prévoit en
effet pas de concertation entre les différentes acteurs en présence, comme cela
aurait pu être le cas.
En outre, et ceci est révélateur, les pouvoirs
publics ne semblent pas en avoir tiré les conséquences s’agissant de leur
organisation. Dans l’organigramme du Ministère de l’Intérieur, aucune structure
n’est identifiée comme traitant spécifiquement de la sécurité privée et des
relations avec ce secteur. Ce rôle est assuré aujourd’hui par la Direction des
Libertés Publiques en plus de ses autres missions.
De même, en matière de formation, une coopération
plus importante pourrait être prévue. Si la police anime parfois des formations
pour les personnels de la sécurité privée, ceci se réalise de façon ponctuelle
et les différentes professions semblent inégalement concernées. Les agents
privés de recherche par exemple se plaignent du refus persistant de la police
de participer à leurs actions de formation.
A titre de comparaison, la Metropolitan Police de
Londres participe assez régulièrement à la formation des personnels de la
sécurité privée, tâche pour laquelle elle se fait rémunérer selon que cette
formation contribuera à l’avenir à alléger ses missions ou pas. La police peut
d’ailleurs détacher des agents à temps plein pour qu’ils effectuent de la
formation dans la secteur privé.Le développement de la sécurité privée,
intervenue au Royaume Uni plus tôt qu’en France, explique des relations plus
formalisées.
Cette prise en compte modeste de la sécurité privée
au niveau du Ministère de l’Intérieur apparait curieuse compte tenu du poids
économique et humain qu’elle réprésente. Ceci l’est d’autant plus que dans le
même temps, aucune indication, aucune
doctrine, n’est fournie aux forces de
police quant aux relations éventuelles qu’elles doivent entretenir avec les
responsables de la sécurité privée. Tout est laissé à la discrétion des agents
sur le terrain et force est de constater qu’en la matière les situations sont
très différentes.
Il est vrai que la nécessité de coordination ne se
pose de la même façon et avec la même acuité selon les territoires où s’exerce
la sécurité privée. Celle-ci est principalement une sécurité de nature
industrielle pour laquelle les agents sont confinés sur un territoire non
ouvert au public. L’exemple typique est celui du gardiennage d’une entreprise
ou la fonction de sécurité concerne davantage le risque technique (incendie…) que la malveillance
humaine. La nécessité de coordination avec la police est alors faible puisque
elle n’est nécessaire qu’en cas d’incident.
En revanche, cette nécessité de coordination se pose
avec plus d’accuité lorsque les personnels de sécurité privé interviennent sur
des territoires ouverts au public où les forces de sécurité publique
opèrent également. L’exemple typique en
la matière est le centre commercial où forces de sécurité privée et police
nationale sont amenées à se cotoyer dans les galeries marchandes.
A l’occasion des entretiens, certaines formes de coopération sont apparus intéressantes.
Ainsi au centre commercial de Boissy 2 les échanges entre le directeur de
l’hypermarché et le commissaire de police de la circonscription, inexistentes à
l’origine sont dorénavant régulières et un local de police a été installé dans
l’enceinte du centre commercial.
En fait, en dépit de l’affichage de la notion de
coproduction, le domaine de la sécurité privée est davantage considéré comme un
auxiliaire de la sécurité publique. Il permet parfois par les informations
qu’il donne de résoudre des affaires et surtout certaines tâches peuvent lui
être confiées qui permettent de décharger
d’autant les forces de police. C’est tout le débat sur les « charges
indues ».
2.1.2.3. Ce
début de reconnaissance coincide avec la nécessité pour la police de se
recentrer sur ses tâches essentielles
La notion de charges dont l’accomplissement serait
imposé induement à la police ne relève d’une réflexion théorique en la matière
mais davantage du constat que les forces de police, compte tenu de la
multiplication des sources d’insécurité et malgrè l’augmentation de leurs
effectifs, doivent se recentrer sur leurs missions prioritaires. De façon
similaire aucune réflexion n’a été menée sur l’étendue du champ pouvant être
confié au secteur privé.
La loi du 21 janvier 1995 valide toutefois cette
notion puisqu’elle énonce dans son annexe 1 qu’ « un certain nombre
de réglementations imposent aux services de police et de gendarmerie des
sujétions et des contraintes qui n’ont que peu de rapport avec leur mission
prioritaire de sécurité, et ainsi les en détournent ». Elle annonce en
outre que ces règlementations feront l’objet d’un réexamen systématique.
Les différents responsables de la police interrogés
sur ce thème ont indiqué considérer comme charges indues les gardes statiques,
le convoyage des détenus ainsi que l’accompagnement des personnes en situation
irrégulière dans leur pays d’origine.
Certains de nos voisins européens ont d’ores et déjà
confié certaines de ces missions au secteur privé ou les font assurer par des
dispositifs de vidéo-surveillance. Au Royaume Uni, les responsables du Home
office et de la Metropolitan Police
rencontrés ont indiqué que le niveau de service rendu par les sociétés privées
était souvent bien meilleur que celui que pourrait assurer la police.
Par rapport à cette revendication, et notamment
s’agissant des gardes statiques, les réponses données par les préfectures sur
le terrain sont diverses, bien qu’un rapport de l’Inspection Générale de
l’Administration ait recommandé d’en confier la garde à des sociétés privées[39].
L’enjeu est pourtant réel s’agissant des effectifs puisque dans le Val de Marne
par exemple, la garde de la préfecture mobilise 52 policiers.
Pour autant, le débat sur la notion de charges
indues, même si elle correspond à des tâches qui ne relèvent pas de la mission
de base de la police, n’est pas satisfaisant ainsi posé. Il procède en effet
moins d’une réflexion sur les missions de la police et de la gendarmerie que de
la nécessité de faire face à l’insuffisance des moyens humains et budgétaires
au regard de la montée de l’insécurité et au developpement de nouveaux
territoires sur lesquels celle ci peut s’exercer.
Comme c’est le cas bien souvent, le domaine de la
sécurité privée en offre d’ailleurs des exemples, la loi ne fait que tirer
après coup les conséquences d’une situation de fait. Ceci pose d’ailleurs la
question du financement de ces activités et de la participation éventuelle qui
peut être demandée aux usagers.
2.1.2.4. La
coproduction de sécurité constitue une réalité sur certains territoires
Malgrès les ambiguités de la reconnaissance de la
notion de coproduction de sécurité, certains territoires comme les enceintes
sportives et les zones aéroportuaires en constituent de réels exemples.
L’origine de cette situation peut être diverse, augmentation de la demande de
sécurité, du volume des tâches à effectuer ou transfert au secteur privé de
certaines missions effectuées antérieurement par la police. Les degrés de
collaboration entre le secteur privé et la puissance publique y sont également
plus ou moins avancés et formalisés.
S’agissant des enceintes sportives, l’article 23 de
la LOPS dispose : « les organisateurs de manifestations sportives,
récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d’y assurer un
service d’ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie ». Sur
ce fondement législatif s’est mis en place une coopération très organisée entre
l’Etat et les organisateurs de manifestations dans le domaine du football.
Celle-ci repose sur une convention signée en octobre
1999 par l’Etat, la Fédération Française de Football et la Ligue Nationale de
Football. Cette convention extrèmement précise définit notamment le partage des
tâches et des charges financières entre l’Etat et les organisateurs.
Le dispositif privé de sécurité mis en place à
l’intérieur des enceintes est constitué pour l’essentiel par les stadiers,
chaque match de première division donnant lieu à une réunion préparatoire entre
la Préfecture et les représentants des deux clubs.
Ce dispositif, si il donne de bons résultats
s’agissant de la diminution des incidents laisse toutefois subsister certaines
zones d’incertitude s’agissant notamment de la co-responsabilité des partenaires
en cas d’incidents. En outre se pose la question des palpations de sécurité
lors du passage de la zone controlée par la police à celle controlée par les
stadiers. Celles ci constitue une compétence de l’Etat qui ne peut être
déléguée mais les pratiques s’écartent parfois des dispositions juridiques.
(a revoir)
Les zones aéroportuaires sont également des
territoires donnant lieu à la mise en œuvre d’une coproduction de sécurité.
Cette situation résulte largement de l’augmentation du trafic qui a obligé la
police de l’air et des frontières à se recentrer sur certaines de ses missions,
notamment le contrôle de l’immigration.
Cette coproduction est toutefois moins formalisée
que dans les enceintes sportives car elle correspond davantage à un retrait des
forces de police qu’à la volonté de mise en place d’une véritable
collaboration. Le principal domaine dans lequel il y a eu transfert, non de la
compétence qui demeure étatique mais des tâches d’exécution concerne
l’inspection filtrage. Ce transfert est encadré par la loi du 26 février 1996
etle décret du 30 mai 1997.
D’autres pratiques liées au recentrage des forces de
police posent question. Ainsi, la surveillance devant les aérogares est assurée
dorénavant par des vigiles en uniforme qui ne disposent d’aucun pouvoir en
matière de contravention. Or, a l’aéroport de Toulouse, la police refuse de se
déplacer pour verbaliser. Les aéroports de Paris ont par ailleurs dans leurs
contrats une clause qui pénalise financièrement les prestataires si l’attent est
trop longue devant les postes d’inspection filtrage.
2.2. Le
contrôle par l’Etat de la sécurité privée demeure insuffisant pour garantir la
complète innocuité de ce secteur d’activités
En raison des menaces qu’ils sont susceptibles de faire peser sur la collectivité, les individus et les biens, les acteurs de la sécurité privée sont soumis depuis 1983 à un contrôle étatique visant principalement à s’assurer de leur bonne moralité. Plus récemment, l’apparition de nouvelles technologies de sécurité potentiellement attentatoires aux libertés a suscité l’émergence d’un encadrement réglementaire. La portée du contrôle de l’Etat demeure toutefois insuffisant eu égard tant aux lacunes intrinsèques des dispositifs législatifs et réglementaires qu’aux conditions insatisfaisantes de leur mise en oeuvre.
2.2.1.1. L’Etat s’est doté de moyens juridiques visant à assainir un
secteur sensible
La loi du 12 juillet 1983
n’a pas seulement entendu confiner le secteur privé de la sécurité aux seuls
territoires privés et interdire toute dévolution à son profit tant des
attributs symboliques que des compétences des forces publiques (cf supra 2.1).
Elle a également jeté les bases d’un contrôle de l’Etat sur des entreprises
précédemment régies par le droit commercial commun[40].
•
Un régime d’autorisation
administrative destiné à moraliser la profession
La loi de 1983 soumet l’exercice des activités de surveillance, gardiennage, transport de fonds et protection rapprochée des personnes à un régime d’autorisation administrative. Celui-ci s’applique tant aux entreprises de sécurité proprement dites qu’aux services internes de surveillance des sociétés n’ayant pas pour objet social la fourniture de prestations de sécurité.
Concrètement chaque entreprise et, le cas échéant, chacun de ses établissements, doit déposer un dossier de demande en préfecture comportant notamment, outre l’extrait d’immatriculation au registre du commerce, la justification de l’adresse du siège de l’entreprise, sa dénomination et son statut, la liste nominative des dirigeants et des employés.
L’examen de ces demandes par les services préfectoraux doit être l’occasion de vérifier que les employés et dirigeants remplissent les conditions de moralité posées par la loi. En effet, celle-ci précise en son article 6, s’agissant des salariés, que « nul ne peut être employé (...) s’il a fait l’objet, pour agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ou pour atteinte à la sécurité des personnes et des biens, d’une sanction disciplinaire ou d’une condamnation à une peine d’emprisonnement correctionnelle ou à une peine criminelle, avec ou sans sursis, devenue définitive ». Pour les personnels recrutés postérieurement à la création de l’entreprise, celle-ci doit faire dans le mois une déclaration à la préfecture qui vérifie le passé judiciaire de l’intéressé.
Cette condition de moralité, appréciée au vu du bulletin n°2 du casier judiciaire, est également applicable aux dirigeants de droit ou de fait (art. 7). Ces derniers doivent en outre être vierges de toute sanction prononcée dans le cadre de procédure de type règlement judiciaire, faillite personnelle ou banqueroute. Enfin, les dirigeants sont obligatoirement français ou ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat avec qui la France a conclu des conventions internationales.
L’exigence de moralité est renforcée pour les agents – vigiles et transporteurs de fonds, à l’exclusion des gardes du corps - que la loi de 1983 autorise à porter des armes[41]. Dans la pratique, les convoyeurs de fonds sont quasiment les seuls agents privés dotés d’armes[42] : pour ce faire, ils doivent être préalablement agréés par le préfet, ce qui suppose une enquête de moralité dépassant la seule vérification du bulletin n°2 du casier judiciaire, et titulaires d’une autorisation de port d’armes.
Pour permettre aux forces publiques d’exercer leur contrôle, les agents privés de sécurité doivent être porteurs d’une carte professionnelle délivrée par leur employeur et mentionnant le numéro d’autorisation de l’entreprise. Cette carte doit être présentée à tout agent de l’autorité publique qui en fait la demande.
Si l’autorisation administrative délivrée à une entreprise est valable sans limitation de durée, celle-ci peut être suspendue et retirée. Ainsi, lorsque des poursuites sont engagées à l’encontre du dirigeant d’une entreprise ou d’un service interne de sécurité, le préfet a la faculté, mais non l’obligation, de suspendre l’autorisation. Celle-ci est retirée lorsque le bénéficiaire de l’autorisation cesse de remplir les conditions de moralité (condamnation définitive) ou de nationalité ou lorsque l’entreprise ou le service interne cesse ses activités.
L’ensemble des obligations posées par la loi du 12 juillet 1983 sont assorties de sanctions pénales pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement.
Les principes de
spécialité et de non immixtion dans les conflits du travail et les affaires
politiques
Marquant sa volonté d’assainissement du secteur de la sécurité privée, le législateur a entendu interdire toute forme de « milice patronale » ou politique, dont l’existence réelle ou supposée a alimenté le débat public au cours des années 1970. L’article 4 de la loi de 1983 dispose ainsi qu’il est interdit aux entreprises de sécurité et à leur personnel « de s’immiscer ou d’intervenir à quelque moment et sous quelque forme que ce soit dans le déroulement d’un conflit du travail ou d’événements s’y rapportant. Il leur est également interdit de se livrer à une surveillance relative aux opinions politiques, religieuses et syndicales et de constituer des fichiers dans ce but ».
Une autre innovation de la loi de 1983 est la définition d’une obligation de spécialité, consistant à interdire aux entreprises de sécurité privée de se livrer à d’autres activités que celles couvertes par la loi de 1983. Ce principe traduit un double souci de contrôle du secteur, par son cantonnement, et de professionnalisation. Il ne s’impose toutefois de manière stricte qu’aux activités de garde du corps qui sont exclusives de tout autre prestation. En revanche, une même société peut proposer, à l’instar de la Brink’s ou de Proteg, des services de surveillance / gardiennage et de transport de fonds ainsi que des prestations situées en amont et en aval de ces deux métiers (conseil, installation de matériel, maintenance).
Un contrôle des
professions de sécurité privée répandu dans les pays de l’Union européenne
A l’instar de la France, de nombreux Etats européens ont ressenti la nécessité d’instaurer un contrôle étroit sur des activités professionnelles susceptibles de troubler l’ordre public et de porter atteinte aux libertés publiques.
La quasi-totalité des Etats européens s’est ainsi dotée au cours des vingt dernières années de législation spécifiques au secteur privé de la sécurité. En Grande-Bretagne, le gouvernement a publié en mars 1999 un livre blanc qui devrait prochainement déboucher sur une loi mettant fin à l’absence d’encadrement prévalant actuellement.
Dans tous les pays du sud de l’Europe, à l’exception de la Grèce, au Bénélux et dans les pays scandinaves, l’exercice d’activités privées de sécurité est soumis à une autorisation administrative préalable, généralement délivrée pour une période de 5 ans. Comme en France, dirigeants et employés doivent obéir à des critères de moralité. De nombreuses législations prévoient également des conditions de nationalité, parfois très strictes : ainsi, l’Italie et l’Espagne réservent l’exercice des activités de sécurité privée à leurs ressortissants, ce qui est contraire au droit communautaire. Pour ce qui est du port d’armes, celui-ci est soit interdit (Danemark, Norvège) soit strictement encadré et conditionné à l’obtention d’une autorisation spécifique.
La principale différence entre la législation française et celle de nombreux Etats européens (Belgique, Danemark, Espagne, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Suède) réside dans l’obligation de formation professionnelle que ces Etat imposent aux dirigeants et, plus rarement, aux agents de sécurité privée : il s’agit de prévenir tout dérapage non seulement par la moralisation mais également par la professionnalisation du secteur.
A l’étranger comme en France, la responsabilité de l’application de la loi incombe généralement aux ministères de l’Intérieur et de la Justice. Toutefois, le Royaume-Uni envisage de créer une Autorité indépendante, financée par la profession, spécialement chargée de délivrer les autorisations et de contrôler le respect de la législation. En Norvège, la fédération nationale des sociétés de sécurité privée assure l’autorégulation du secteur.
2.2.1.2. Un Etat régulateur dont l’adaptation à l’évolution des
technologies est indispensable pour prévenir les atteintes aux libertés
Le développement actuel de
dispositifs de sécurité fondés sur la vidéo-surveillance ou l’utilisation de
badges soulève des interrogations quant à la préservation de la liberté
individuelle. Face à l’émergence de cette problématique l’Etat tente de
concilier sécurité et liberté, et doit veiller à adapter en permanence le cadre
législatif.
•
Utilisée
depuis plusieurs décennies dans les banques et casinos, la vidéosurveillance
n’est devenue un thème sensible qu’au cours des années 1990. Ceci résulte d’une
part de son implantation croissante dans des lieux publics comme les centres
commerciaux ou le métro parisien et, d’autre part, du recours à la technologie
numérique qui permet une meilleure définition des images et autorise une grande
capacité de stockage et de traitement des informations. Cette double évolution
accroît les risques de violation de la vie privée des personnes filmées et de
détournement de la finalité des dispositifs.
Dans ce contexte, l’Etat a marqué, à l’article 10 de la
loi d’orientation et de programmation du 21 janvier 1995 (dite loi Pasqua), sa
double volonté d’une part d’autoriser la vidéo surveillance dans les lieux et
établissements ouverts au public[43],
en tant qu’elle concourt à la prévention des atteintes à la sécurité des
personnes et des biens et, d’autre part, de subordonner sa mise en oeuvre au
respect de conditions protectrices des libertés.
La loi, qui exclut la
compétence de la CNIL sauf à ce que les enregistrements vidéo soient utilisés
aux fins de constitution de fichiers nominatifs, soumet l’installation de
dispositifs de vidéosurveillance à un régime d’autorisation préfectorale. Le
représentant de l’Etat se prononce après avis d’une commission départementale
présidée par un magistrat qui apprécie la conformité du système aux
prescriptions posées par la loi : opportunité du dispositif au regard des
risques d’agression ou de vol, positionnement des caméras, information du
public sur l’existence du système, modalités du droit d’accès des personnes
intéressées, délai de conservation des images (1 mois maximum), désignation
d’une personne responsable du système. L’autorisation peut être retirée en cas
de manquement aux règles posées par le législateur.
La question de la vidéosurveillance n’est pas
complètement réglée par la loi de 1995 dans la mesure où sont récemment apparus
dans des immeubles collectifs, donc hors du champ couvert par la LOPS, des
systèmes de vidéo surveillance interne avec diffusion des images sur les postes
de télévision des particuliers. Ces dispositifs dits de
« coveillance » sont actuellement mis en oeuvre dans des ensembles
HLM à Saint-Pierre du Perray dans l’Essonne ou à Bagnolet en Seine-Saint-Denis.
Leur légalité au regard tant de la loi informatique et libertés, qui semble
devoir s’appliquer à l’espèce en l’absence de disposition législative
contraire, que des articles 9 du code civil[44]
et L 226-41 du code pénal[45]
apparaît des plus incertaines. La coveillance soulève concrètement deux grands
types de problématiques :
-
qui
doit être compétent pour décider de la mise en place d’un tel système et en
être responsable ?
-
comment
déterminer les destinataires légitimes des informations recueillies et faire
respecter le droit d’opposition des locataires ?
L’Etat doit
rapidement prendre position sur ces questions pour éviter que la lutte contre
l’insécurité et le sentiment d’insécurité ne se paie d’une atteinte trop
importante aux libertés publiques.
•
L’utilisation des outils
informatiques dans une perspective sécuritaire soulève également des
difficultés particulières sur le lieu de travail. Au-delà du problème de la
vidéo-surveillance des employés, autorisée après information et consultation du
comité d’entreprise, se pose aujourd’hui la question de la traçabilité des
salariés au moyen des badges électroniques utilisés dans le cadre du contrôle
d’accès à l’entrée et dans certains locaux de l’entreprise. En effet ces badges
remplissent parfois différentes fonctionnalités comme la mesure du temps de
travail ou le paiement des repas au restaurant d’entreprise. Au total, les
déplacements du salarié peuvent être aisément suivis dans l’enceinte de
l’entreprise.
La loi informatique et libertés s’applique en l’espèce dès lors que des traitements automatisés enregistrent les informations fournies par les badges. Ces traitements doivent donc être déclarés à la CNIL qui veille à ce que les droits des salariés (information, droit d’accès et de rectification) soient respectés et les fichiers détruits dans un délai de 3 mois maximum (sauf cas particulier d’annualisation du temps de travail).
Pour que le développement de la sécurité privée n’entraîne pas de dérapages, deux conditions doivent être remplies : d’une part, la moralisation et la professionnalisation du secteur de la sécurité humaine, d’autre part le strict encadrement des dispositifs de sécurité technologiques afin d’éviter toute atteinte excessive aux libertés et tout détournement de finalités. La levée de ces hypothèques sur les libertés dépend en large partie de la qualité des règles juridiques posées par l’Etat et de leur bonne application. Or, sur ces deux points, de nombreuses lacunes peuvent être relevées.
2.2.2. La moralisation et la
professionnalisation du secteur souffrent des lacunes de la législation et des
conditions insatisfaisantes de sa mise en oeuvre
2.2.2.1. Les
exigences législatives de moralité apparaissent insuffisantes
La portée du dispositif de contrôle a priori de la moralité des dirigeants et employés est altérée tant par le faible niveau d’exigence du législateur que par les conditions concrètes de sa mise en oeuvre.
Les critères
retenus par le législateur pour apprécier la moralité sont trop lâches
Actuellement, les préfectures doivent se prononcer sur la capacité d’un individu à exercer un métier de sécurité privée au vu du seul extrait de casier judiciaire B2, sur lequel ne figurent que les condamnations à des peines privatives de liberté. Cet état du droit apparaît insatisfaisant à plusieurs titres.
En premier lieu, le B2 ne mentionne que les antécédents judiciaires les plus graves, alors que les conditions d’emploi de nombreux vigiles, au contact avec un public parfois fragile (dans les hôpitaux, par exemple), justifierait un niveau d’exigence accru en matière d’honorabilité. Par ailleurs la commission de faits similaires peut donner lieu à des condamnation soit à des peines de prison soit à des amendes : dans ce deuxième cas, le B2 ne porte aucune trace des infractions commises.
En second lieu, l’effet conjugué des lois d’amnistie et des facilités considérables d’effacement des condamnations mentionnées au B2 contribue à vider ce document de la plupart des mentions indispensables pour apprécier la moralité des personnes. Il convient à cet égard de souligner que le souci de réinsertion sociale des condamnés conduit parfois les juges d’application des peines à orienter les individus concernés vers le secteur du gardiennage et conséquemment à effacer les antécédents judiciaires portés au B2.
Au total, l’impact des vérifications effectuées par les préfectures apparaît assez limité. Une étude effectuée par Frédéric Ocqueteau sur les quatre premières années d’entrée en vigueur du dispositif d’assainissement (1987-1991)[46] montre qu’à cette époque « les effectifs de rejet des salariés sous contrat variaient de 3 à 8% selon les préfectures, et que les taux de rejet des dirigeants et gérants restaient dans l’ensemble infinitésimal ». S’agissant de la période actuelle, les sondages effectués auprès des préfectures dans le cadre de la présente étude indiquent qu’en province les taux de rejet ne dépassent guère les 5%, tandis que les refus pour incapacité prononcés par la Préfecture de police de Paris seraient nettement supérieurs.
·
Une mise en oeuvre
défectueuse du contrôle de moralité permet à de nombreux salariés et dirigeants
d’y échapper
Au-delà des lacunes propres du dispositif législatif d’assainissement liées à la seule prise en compte du B2, il apparaît que les conditions de mise en œuvre du contrôle de moralité altèrent significativement son efficacité.
Au moment de l’embauche d’un nouveau salarié, les entreprises doivent adresser une déclaration à la préfecture qui procède ensuite à la vérification du B2. Or, l’accomplissement de cette procédure prend généralement entre deux et quatre mois. Dans l’intervalle, un personnel à la moralité douteuse peut exercer. De fait, le personnel embauché à titre intérimaire ne fait l’objet d’aucun contrôle. Une telle impunité peut déboucher sur des troubles à l’ordre public : ainsi, à l’occasion de la manifestation nautique « Le Havre 99 », une des sociétés de surveillance chargée de la sécurité, qui avait recruté en toute hâte des personnels peu recommandables, causa divers troubles, dont le passage à tabac de marins, le refus d’accès au site à des CRS (sous prétexte qu’ils ne portaient pas le badge adéquat), ou l’entrave aux déplacements du directeur de cabinet du préfet.
De plus, la déconcentration des procédures de vérification du B2 et l’absence de fichier central des demandeurs conduisent à ce que des individus ayant des antécédents judiciaires exercent à titre provisoire sur le territoire d’un département, le temps que la préfecture statue, avant de changer de lieu de travail, enclenchant ainsi une nouvelle et longue procédure de vérification. L’absence de coordination entre préfectures peut également déboucher sur des divergences d’interprétation quant à ce que recouvre les termes de condamnation à une peine d’emprisonnement pour « agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ».
·
L’insuffisance du contrôle
exercé par l’Etat favorise la pratique des échanges informels de renseignements
entre la police et les entreprises privées de sécurité
L’insuffisance
du dispositif de contrôle de moralité est déploré tant par les entreprises de
sécurité que par leurs clients. Les exemples abondent de vigiles au lourd passé
ayant soit passé avec succès le filtre des procédures légales soit réussi à les
contourner. En 1998, un vol à main armée au centre commercial de Créteil Soleil
a été commis par un vigile travaillant pour le compte d’une société de
gardiennage dont l’enquête a révélé que tous les salariés avaient des
antécédents judiciaires.
Pour se
prémunir contre les personnes douteuses, les entreprises de sécurité et leurs
clients cherchent à obtenir des renseignements figurant sur les fichiers de
police et de gendarmerie. Cette pratique répandue est grandement facilitée par
la présence d’anciens fonctionnaires des services publics de sécurité au sein
des entreprises prestataires ou consommatrices de sécurité privée. Ainsi à
l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris tous les chefs de sécurité présents
dans les établissements de soins sont d’anciens officiers de police judiciaire.
Il est
probable qu’un relèvement des exigences formulées par l’Etat en matière de
moralité des personnels privés de sécurité permettrait de réduire
significativement les pratiques informelles, et illégales, d’échanges
d’information entre forces publiques et entreprises privées.
2.2.2.2. L’insuffisante vigueur du suivi assuré par l’Etat laisse
perdurer un secteur informel qui opère principalement dans les « zones
grises »
Le contrôle par l’Etat du secteur de la sécurité privée
porte essentiellement sur l’examen a priori de la moralité des agents. Or,
l’assainissement de ce domaine d’activités requiert également un suivi étroit
de l’activité quotidienne des entreprises qui pour l’heure fait défaut.
•
Le secteur de la sécurité
privée ne fait pas l’objet d’un suivi particulier
Sans qu’il soit possible de quantifier le phénomène, il est avéré qu’un nombre significatif d’entreprises et salariés présents sur le marché de la surveillance et du gardiennage exercent en méconnaissance de la loi 1983 et des obligations posées par les codes du travail et du commerce. Une étude menée dans le département du Nord a permis de recenser ------------.
L’Etat a sa part de responsabilité dans cet état de fait en raison d’une part de sa politique d’achat des prestation de sécurité[47], et, d’autre part, de l’insuffisance des contrôles pratiqués. Sur ce deuxième aspect, il convient de relever que les services de police et de gendarmerie ne sont pas investis d’un rôle particulier en matière de surveillance du secteur privé de la sécurité. Si la loi de 1983 leur reconnaît la possibilité, rarement exercée en pratique, de vérifier la carte professionnelle[48] dont chaque agent privé de sécurité doit être porteur, elle ne leur donne pas compétence, en revanche, pour effectuer des contrôles sur place dans les entreprises de sécurité. [Evoquer éventuellement le rôle des RG]
L’inspection du travail dont l’action contre le travail
illégal est de nature à assainir la profession, n’a entrepris aucune action
spécifique dans le domaine de la sécurité privée, alors même qu’il existe en
son sein des structures spécialisées sur des secteurs sensibles comme les
transports. Il est vrai toutefois que la principale source d’illégalité est
constituée par une myriade d’entreprises unipersonnelles qui n’entrent pas dans
le champ de compétence de l’inspection du travail. [A creuser]
Les URSSAF ont également pour vocation de traquer
l’exercice non déclaré des activités de sécurité privée. Il semble néanmoins
que leur action s’exerce prioritairement sur les grandes entreprises, qui sont
les moins consommatrices de travail illégal. [A argumenter]
La tâche de contrôle est
rendue difficile par l’extrême précarité des entreprises du secteur qu’accentue
la pratique des faillites frauduleuses : certains entrepreneurs entrent
sur le marché du gardiennage et pratiquent des tarifs inférieurs à la
concurrence grâce aux exonérations de charges sociales dont bénéficient les
créateurs d’entreprise. Lorsque cette aide publique prend fin, l’entreprise est
mise en faillite et une nouvelle structure créée par l’intermédiaire d’un
« homme de paille », afin de contourner les règles de moralité
financière posées par la loi de 1983. Ces pratiques illicites pourraient être
mieux appréhendées si les entreprises avaient obligation de déclarer leur
actionnariat à la préfecture dans le cadre de la procédure d’autorisation
administrative.
En matière de vidéosurveillance, les contrôles sur place
sont à peu près inexistants. Le régime actuel ne donne en effet aucun pouvoir
d’investigation et d’autosaisine à la commission départementale. De fait, un
nombre indéterminé, mais qu’il y lieu de croire élevé, d’installations
fonctionne en toute illégalité, n’ayant pas été soumises à la procédure
d’autorisation administrative. Par ailleurs, pour les systèmes de
vidéosurveillance autorisés, il n’y a pas de travail de suivi de la part de
l’Etat : ainsi, aucun service ne vérifie que l’implantation des caméras
correspond effectivement à ce qui était prévu par l’arrêté d’autorisation ou
que la destruction des enregistrements est effective à l’issue du délai maximal
d’un mois.
•
L’inquiétante persistance
d’un secteur « hors normes »[49]
opérant principalement dans les lieux ouverts au public
L’insuffisant contrôle de l’Etat favorise la présence persistante aux marges de la légalité de larges pans du secteur de la surveillance – gardiennage.
Ce phénomène est d’autant plus inquiétant que les entreprises les moins fiables employant des personnels sans qualifications opèrent principalement dans les lieux ouverts au public tels que galeries marchandes ou hôpitaux. La politique du moins-disant appliquée par les gestionnaires de ces espaces conduit à privilégier des entreprises dont l’avantage concurrentiel résulte pour une grande partie de la méconnaissance des obligations légales. L’accord tacite entre clients et prestataires sur un service de faible qualité, consistant principalement en la présence d’un vigile au physique athlétique, ne prêterait guère à conséquences si le grand public n’était pas susceptible de pâtir des insuffisantes qualification et moralité des personnels chargés de la surveillance.
L’existence d’un important secteur informel extrêmement compétitif au niveau des prix annihile les efforts de la profession en faveur d’une politique de qualité reposant sur la formation des personnels et la définition de normes sous l’égide de l’AFNOR. Dans ce contexte, l’intervention de l’Etat sous la forme d’une obligation légale de qualification pour les personnels au contact du public, sur le modèle de ce qui existe en matière de sécurité incendie, paraît s’imposer. L’impact d’une telle obligation en termes de professionnalisation et d’assainissement du secteur dépendrait toutefois de la détermination de l’Etat à la faire respecter.
·
les problèmes des alarmes
intempestives
Les forces de police et de gendarmerie sont amenées
à intervenir sur les alarmes posées par les professionnels de la sécurité privée
et sur demandes des sociétés de télésurveillance. Cette intervention est un
argument de vente de la prestation de sécurité pour les entreprises de
télésurveillance. Les forces de sécurité y trouvent également un intérêt en
augmentant leur efficacité en terme d’intervention sur effraction.
En dépit de l’amélioration constatée dans la qualité
des alarmes, les cas d’alarmes intempestives sont encore nombreux. Le
Groupement de gendarmerie du Bas-Rhin comptabilise ainsi que dans 80% des
interventions sur alarmes sont liées au déclenchement d’alarmes intempestives[50].
Les forces de sécurité se trouvent donc encombrées d’interventions inutiles. Il
importe donc que la société de télésurveillance exerce elle-même la levée de
doute, soit par appel au propriétaire, soit par envoi d’une ronde[51],
soit au moyen de procédés technologiques élaborés[52].
Or de nombreuses sociétés de télésurveillance ne possèdent ni les moyens
technologiques, ni l’implantation locale pour effectuer cette levée de doute.
Par ailleurs, les forces de sécurité ne peuvent
intervenir facilement intervenir dans une propriété privée en l’absence de la
société de gardiennage. Elles se heurtent à des difficultés pratiques (absence
de clés etc.) mais aussi juridiques car elles ne peuvent entrer dans la
propriété s’il n’y a pas d’effraction manifeste. La société de télésurveillance
se doit donc d’être présente lors de l’intervention de la police ou de la
gendarmerie.
·
L’absence de base juridique
valide de contrôle des excès
Le décret n° 91-1206 du 26 novembre 1991 a fixé un
certain nombre de principes afin de lutter contre les dérives liées au
développement de la télésurveillance :
- attribution d’un numéro téléphonique réservé aux
stations de télésurveillance lors de leurs appels à la police contre une
contribution forfaitaire et une redevance annuelle[53] ;
- redevance exceptionnelle versée en cas d’appel
justifié[54] ;
- droit d’inspection des stations de
télésurveillance ouvert à l’administration.
La base juridique de la redevance exceptionnelle
pour intervention injustifiée a par ailleurs été invalidée par le tribunal
administratif de Paris[55]
qui a jugé qu’elle ne pouvait avoir un caractère forfaitaire car elle
constituait la contrepartie d’une prestation fournie. Cette réglementation n’a
pas donné lieu à application au sein du ministère de l’intérieur[56].
·
Une disparité des pratiques
d’intervention en commun
Il n’existe pas de doctrine d’emploi pour les
interventions en commun entre la police et les sociétés de télésurveillance.
Nos entretiens ont montré des pratiques très différentes selon les territoires
visités. Certains interlocuteurs ont des pratiques assez poussées
d’intervention en commun avec des entreprises de télésurveillance implantées au
niveau local[57]. D’autres[58]
au contraire ne connaissent pas les sociétés de télésurveillance. Ces
différences s’expliquent souvent par les difficultés de relations
personnalisées selon la taille des circonscriptions concernées. Certaines
sociétés, comme Proteg, demandent à leurs responsables locaux de prendre contact
avec les responsables locaux. Il n’en demeure pas moins un problème important
lorsque la société de télésurveillance ne possède pas d’implantation locale ou
de moyen technique d’effectuer la levée de doute[59].
La reconversion d’anciens fonctionnaires des forces
de sécurité, police, gendarmerie, autres militaires et pompiers, joue un rôle
important dans le secteur.
Il est difficile d’évaluer la proportion d’anciens
fonctionnaires parmi les salariés de la sécurité privée. Une étude récente
réalisée à partir des enquêtes emploi de l’INSEE[60]
a montré que la part des anciens policiers, militaires ou pompiers parmi les
nouveaux agents des sociétés de sécurité privée est de 17,6%. Il existe
néanmoins des réflexions sur la reconversion comme agents de sécurité des
militaires dans le cadre de la réforme des armées et des adjoints de sécurité à
l’issue du programme emplois-jeunes[61].
Le nombre d’anciens fonctionnaires des services de
sécurité dans la direction et l’encadrement des entreprises de sécurité ne fait
pas l’objet d’un contrôle particulier par les pouvoirs publics. Les acteurs du
secteur considèrent que le temps d’une reconversion massive des fonctionnaires
à la tête d’entreprises de sécurité est révolu. Une estimation générale chiffre
néanmoins à 20% la présence d’anciens fonctionnaires de police dans
l’encadrement.
Il faut rajouter à ce tableau la présence d’anciens
policiers, militaires et pompiers aux poste de directeurs sécurité des grands
groupes. Une enquête menée[62]
évalue sur 35 grosses entreprises consommatrices[63]
de sécurité a ainsi montré que 45% des directeurs sécurité étaient issus de la
sécurité publique. Cette professionnalisation renforcée permet de structurer
les demandes faites à la profession en imposant notamment des cahiers des
charges plus stricts.
La présence d’anciens fonctionnaires des forces de
sécurité publique au sein de la sécurité privée est perçue comme un apport de
compétences dans le secteur. Ils sont notamment plus à même de mettre en place
des procédures afin de contrôler que les salariés du secteur se cantonnent à
l’application de la loi. Leur présence facilite également les relations
opérationnelles avec les forces de police et de gendarmerie lorsqu’elles sont
nécessaires.
Des dérives sont néanmoins susceptibles d’intervenir
dans certains domaines du fait de la transgression de règles déontologiques au
sein des forces de sécurité par la communication d’information provenant des
fichiers de police. Ces transgressions peuvent survenir dans le domaine du
gardiennage, notamment lorsqu’il s’agit de vérifier la moralité de salariés
placés dans des sites sensibles au-delà du contrôle administratif courant.
Elles sont particulièrement marquées dans le domaine des enquêtes privées où
les « fuites » peuvent concerner aussi bien des entreprises externes
que des services internes. Certaines affaires ont été fortement médiatisées[64].
Les zones grises présentent un enjeu essentiel pour
le positionnement de l’Etat par rapport à la sécurité privée. Ces territoires
sont les lieux où la logique de coproduction de sécurité peut s’inscrire en
articulant le rôle préventif de protection des biens des sociétés de sécurité
privées et le rôle répressif dévolu à la sécurité publique. L’Etat ne peut
également ignorer ses obligations en matière de protection des individus dans
des endroits où les sociétés de sécurité privées sont au contact du public.
Le cadre d’intervention et les responsabilités
respectives de la sécurité privée et de la sécurité publique apparaissent plus
ou moins définies selon les lieux. Un certain nombre de territoires peuvent
être pris en illustration de cette variété.
Une coproduction organisée de manière complète : les aéroports
L’Etat s’est retiré en 1994 des missions de sécurité
dans les aéroports dans le domaine du filtrage des voyageurs et du contrôle des
soutes au profit des sociétés de sécurité privée.
La répartition des missions et des responsabilités
ont été clairement définies par la loi n° 96-151 du 26 février 1996 et le
décret n° 97-574 du 30 mai 1997. L’Etat reste responsable de la sûreté dans les
aéroports[65]. Les
sociétés privées réalisent une série de tâches définies de manière précise[66].
Les sociétés peuvent faire appel à un officier de police judiciaire en cas de
refus d’un passager et pour réaliser des inspections manuelles de bagages à
mains et de fouilles à corps des passagers.
Les conditions d’exercice des sociétés de sécurité
privées ont été également été fixées de manière précise. La loi impose un
agrément individuel des agents sur décision conjointe du préfet et du
procureur. Un cahier des charges rigoureux a été défini par la DGAC imposant
des règles strictes de formation et de contrôle de l’activité des entreprises
de sécurité[67] mais
instaure également un nombre minimum d’agents destiné à effectuer les
contrôles.
Les acteurs sont globalement satisfaits de
l’articulation opérationnelle entre sécurité privée et sécurité publique. Elle
est grandement facilitée par la présence sur le site des brigades de police, de
gendarmerie et de douanes. Les responsables d’aéroport jugent le système
satisfaisant eu égard à l’augmentation significative des prises avec la
systématisation des contrôles menés par les entreprises privées de sécurité,
plus flexibles et plus facilement contrôlables[68].
Les responsables policiers jugent que l’Etat garde la maîtrise et la responsabilité
de la sécurité tout en pouvant s’appuyer sur une force partenaire de première
intervention. Les gérants des entreprises privées de sécurité privée apprécient
la clarté du cadre d’emploi de leurs salariés.
·
Une
clarification des missions de la sécurité publique : les stades
L’obligation de coproduction de sécurité par les
organisateurs de manifestations sportives a été imposée par l’article 23 de la
loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier
1995. Elle a été complétée par différents textes réglementaires[69]
mais par la signature d’une convention entre l’Etat, la Fédération Française de
Football et la Ligue Nationale de Football en octobre 1999 organisant de
manière précise[70] le partage
des tâches et les charges financières entre l’Etat et les organisateurs.
La répartition des tâches s’effectue simplement au
regard du territoire :
-
L’organisateur
est responsable de la sécurité au sein du périmètre constitué par le stade et
les tribune
-
L’Etat
est responsable de la sécurité aux abords et du rétablissement de l’ordre
public en cas d’incident grave à l’intérieur de l’enceinte[71].
La coordination opérationnelle est organisée en
amont par la définition lors de chaque rencontre d’un plan de prévention fixant
le nombre de stadiers nécessaire[72],
leur emplacement et le déploiement. Elle est également organisée au moment de
la rencontre par la présence des différents acteurs de la sécurité au sein d’un
PC avec une doctrine d’emploi de recours à la force publique lors des cas
critiques. Elle a enfin été organisée en aval avec une plus grande sévérité des
magistrats envers les fauteurs de trouble facilitée par une législation adaptée[73].
Cette collaboration semble efficace au regard de la
diminution du nombre d’incidents dans les stades français[74]
même si ce résultat résulte également d’autres facteurs (vidéosurveillance,
suppression des tribunes « debout », recours aux physionomistes).
·
Des
missions parallèles : les transports publiques parisiens
Les services de sécurité de la SCNF et de la RATP
possèdent des pouvoirs de police des chemins de fer en vertu de la loi de 1845.
Ils ont donc des pouvoirs réels de police administrative. Leur champs d’action
a néanmoins été singulièrement augmenté face à la montée de la délinquance
durant les années 1980 et au constat de l’insuffisance de la réponse policière.
A COMPLETER…
·
La
mise en place de partenariats locaux
Notre enquête a montré l’existence de différents
partenariats locaux au sein des zones grises. Ces partenariats reposent le plus
souvent sur une adaptation du travail policier au site jugé important en terme
de sécurité publique et de perception du sentiment d’insécurité. Ces
partenariats sont rarement formalisés au sein des Contrats Locaux de Sécurité
en dépit de la possibilité ouverte par une circulaire du 7 juin 1999 de les
élargir à des acteurs privés. (il faut
obtenir ici le recensement des fiches actions des CLS concernant des zones
grises auprès du ministère de l’intérieur). Les exemples n’incluent pas les
sociétés de sécurité privées proprement dites mais plutôt les directeurs des
établissement protégés. Cette caractéristique s’explique par différents
facteurs:
-
le
fort taux de renouvellement des entreprises prestataires travaillant dans ces
zones (voir supra) ;
-
la
réticence éventuelle de la police de traiter avec des entreprises de sécurité
privée ;
-
la
nécessité pour la police d’avoir une autorisation du propriétaire pour
intervenir (point à vérifier en
droit) ;
Le supermarché Casino de Boissy a ainsi mis en place
un plan d’action concerté avec la préfecture et la justice articulé autour de
différents points :
-
changement
de la société prestataire de sécurité considérée comme inefficace ;
-
présence
d’un local de police au sein du supermarché ;
-
intervention
systématique de la police lorsqu’elle est requise, y compris quand le montant
du délit est inférieur au montant de la lettre-plainte ;
-
patrouille
occasionnelle de la police au sein du supermarché avec l’accord de la
direction ;
-
implication
du procureur pour mener les procédures judiciaires nécessaires.
Ce plan très complet répondait à une situation très
dégradée au sein du supermarché avec des problèmes à répétition avec une bande
de jeunes. Nos interlocuteurs évaluent de manière positive ce partenariat.
Le métro de Toulouse a également mis en place un
partenariat articulé avec la police nationale en distinguant les tâches :
-
équipement
en télésurveillance ;
-
présence
d’une brigade de 25 policiers spécialisés sur le métro intervenant lorsqu’elle
est sollicitée ou sur indication de la vidéosurveillance ;
-
présence
d’une société de sécurité privée qui a un rôle de contrôle des billets et de
prévention par leur présence ;
-
intervention
d’une association « vivre la ville » de médiation sociale.
Le partenariat est jugé satisfaisant par l’ensemble
des acteurs. Les rôles sont clairement définies. Le rôle répressif est tenu
exclusivement par la police national, ce qui se manifeste jusqu’à le port
d’uniformes très différenciés[75].
Cette clarification est rendue possible par la présence de la police et des
délais d’intervention courts[76].
·
Des
territoires d’action dissociés : l’assistance publique de Paris et
l’université de Jussieu
Ces territoires sont marqués par une longue
tradition d’autonomie. L’intervention des forces de police ne peut y être
qu’exceptionnel. Les entreprises de sécurité privée sont donc les responsables
en premier chef de la sécurité. La Police Nationale reste donc, sauf fait
gravissime intéressant l’activité de police judiciaire[77],
à l’extérieur de l’établissement. La plupart des interventions liés à la
malveillance sont donc réalisées par les services internes ou les sociétés
privées de gardiennage. Les responsables des faits sont ensuite remis aux
forces de police à l’extérieur de l’enceinte du bâtiment.
Cette discontinuité fait peser de fortes obligations
de compétences aux services privés de sécurité. Cette exigence est plus ou
moins traduite dans les contraintes imposées et dans la définition de leurs
tâches par les cahiers des charges.
Il est de jurisprudence ancienne que les compétences
en matière du pouvoir de police ne peuvent être déléguées à une personne privée[78].
L’exercice du pouvoir de police doit donc rester une prérogative des autorités
publiques. Les entreprises de sécurité privée ne peuvent fournir que des
prestations de sécurité. Cette ligne de partage ne correspond pas forcément aux
pratiques constatées.
·
Les
insuffisances de l’Etat et la création d’un niveau infra-policier
L’intervention de l’Etat dans ses missions de
producteur de sécurité n’est pas assurée de manière satisfaisante sur
l’ensemble des zones grises. Cette insuffisance peut être due à différentes
difficultés :
-
insuffisance
des effectifs ;
-
contraintes
d’organisation du travail policier, notamment en terme d’horaires de
travail ;
-
problème
de responsabilité territoriale entre la police et la gendarmerie ;
-
désengagement
du territoire par les forces de sécurité publique : elles peuvent juger
que la présence d’une entreprise de sécurité privée offre une protection
suffisante ou que les contentieux traités ne sont pas d’importance
suffisante ;
-
limites
de la réponse judiciaire apportée aux délits constatés.
Le prestataire privé de sécurité est alors seule
responsable de l’ensemble de la sécurité. Il existe alors un risque réel de
voir se développer une régulation s’effectuer hors de l’application du droit
commun.
L’exemple d’un centre commercial visité à Strasbourg
est à cet égard significatif des limites perçues de l’intervention
policière :
-
délais
d’intervention importants[79]
du fait de l’appartenance à la zone police même si la gendarmerie est située à
proximité ;
-
absence
de déplacement pour des montants inférieurs à ceux fixés par la lettre-plainte
du procureur ;[80]
-
difficultés
d’intervention après 18 heures alors que cette période correspond au pic de
délinquance ;
-
fort
taux de classement sans suite de la part de la justice.
Le résultat est le développement d’un traitement des
délits au niveau du supermarché, en dehors des procédures classiques. Une étude
menée[81]
a ainsi montré que 95% des délits dans un certain nombre de centres commerciaux
étaient traités hors de la procédure du droit commun et sans intervention de la
police ou de la gendarmerie.
Ce niveau infra-policier pose un problème évident
d’application de la règle de droit. Il peut également créer des tensions dans
les relations entre les sociétés de sécurité privée et le public difficile avec
des risques réciproques : attaque des vigiles ou atteintes aux libertés
publiques.
·
Le
dépassement par les sociétés privées de leurs attributions
Des risques apparaissent en pratique de dépassement
par les entreprises de sécurité privée de leur rôle. Elles peuvent dès lors
s’arroger des missions qui ne relèvent pas de leurs compétences en empiétant
sur le rôle de la sécurité publique. Ces confusions sont justifiées par des
préoccupations pragmatiques d’efficacité du contrôle ou aux phénomènes déjà
décrits d’absence d’intervention policière. Elles posent néanmoins des
problèmes importants sur le plan des principes de protection des libertés
individuelles.
Ces dépassements peuvent survenir en présence d’un
texte pourtant totalement clair. Nous avons ainsi pu constater, de visu, qu’en
dépit de la mention expresse de la compétence exclusive contenue dans la loi de
l’officier de policier judiciaire pour la fouille des bagages à main dans les
aéroports, des agents d’entreprises de sécurité privées procèdent à ce type de
contrôle.
Les dépassements sont également encouragés par le
silence des textes. La pratique des fouilles de sécurité par des agents privés
est ainsi largement répandue alors qu’elle relève de la compétence des
officiers de policier judiciaire.
Ces dépassements peuvent aller jusqu’à s’arroger des
compétences indissociables de l’activité policière. Les services de sécurité
des transporteurs parisiens font ainsi un certain nombre d’enquêtes. Ils
s’appuient pour ce faire sur leurs pouvoirs en matière de police des chemins de
fer mais ces missions semblent souvent relever d’activités purement
judiciaires.
·
Une
pluralité d’acteurs problématique pour le citoyen
Le citoyen est confronté au sein des zones mixtes à
une pluralité d’acteurs de sécurité ne possédant pas les mêmes pouvoirs. Cette
multiplication des acteurs s’est encore amplifiée avec les pouvoirs dévolus à
la police municipale par la loi du 15 avril 1999. Les policiers municipaux
peuvent être amenés à intervenir sur appel des sociétés de sécurité privées en
dépit de leur pouvoir en principe réduit par rapport à la police nationale[82].
Or, il est souvent incapable de distinguer les
compétences appartenant à ces différents acteurs. Cette confusion est
encouragée par l’ignorance par le citoyen des frontières juridiques existant
entre les pouvoirs des sociétés privées de sécurité, ceux de la police
municipale et ceux de la police nationale et de la gendarmerie. Elle est
également alimentée par la confusion existant entre les uniformes des forces de
sécurité publique et des agents des entreprises privées de sécurité.
La sécurité de proximité
face à une nouvelle étape du processus de fragmentation des territoires :
l’émergence des communautés sécurisées
A) Parti des Etats-Unis, le phénomène des communautés sécurisées amorce
une recomposition du territoire urbain
Depuis la fin des années 80, l’édification de
communautés clôturées (gated communities) connaît une croissance rapide aux
Etats-Unis. Elle touche la plupart des Etats américains mais se concentre
principalement dans les périphéries les plus dynamiques des villes du Sunbelt
(californie, Floride, Texas). On compte aujourd’hui plus de 20 000 communautés abritant plus de 8 millions
d’américains . Alors que les premières expériences se limitaient à des villages
résidentiels pour familles très aisées ou pour riches retraités, aujourd’hui ce
type de communautés concerne essentiellement les classes moyennes (1).[83]
Les fondements idéologiques des Gated
communities reposent sur le « New Urbanism »dont certains
éléments ne sont pas sans rappeler des principes du fascisme, à l’instar de la
classification des individus en « catégories » « valables »
et « moins valables » ou de la définition du bonheur dans une vie
communautaire expurgée de tous les « nuisibles ». Dès lors, la
stabilité de la communauté (jugée préférable au mélange incontrôlable des
villes traditionnelles) s’établit, en premier lieu via la définition des
« in groups » et « out groups ». En édictant des critères d’appartenance à la communauté, ses membres
créent une identité commune, un « nous » qui les distingue des
« autres ». Si les communautés cloturées ne font que représenter
la forme la plus extrême d’exclusion par l’habitat, aux yeux du public
américain, peu d’arguments peuvent être avancés pour dénoncer cette volonté de
se réfugier puisque chacun a le droit d’agir de la sorte. Les habitants de ces
villes sécurisées ne veulent pas au fond de choses différentes de ce que
demandent les autres citoyens américains : contrôle de leur environnement,
sentiment de sécurité, assurance de vivre avec des gens de même opinion :
en définitive, l’expression forte d’un sentiment identitaire et communautaire.
Le phénomène d’enfermement apparaît alors comme l’expression la plus simple du symptôme d’une Amérique moderne, marquée du sceau d’une désillusion généralisée quant à la qualité de la vie publique. La sur-urbanisation ne se traduit donc pas par une diminution de la ségrégation mais par une redistribution des vieux modèles urbains. Après avoir spécialisé l’espace suivant les fonctions urbaines, on le spécialise en fonction de l’appartenance sociale en marquant physiquement sa distinction sous couvert de protection.
Les acquéreurs de logements en zones sécurisées ne
mentionnent pas explicitement l’existence de « portes » comme un
critère de choix prépondérant ni même explicite de l’achat de ce type de
logement. Mais à l’évidence les acquéreurs préfèrent les habitations situées
dans de telles zones à celles situées à l’extérieur. Les promoteurs de leur
côté mettent rarement en avant la sécurité dans leur publicité , cela fait
simplement partie des agréments offerts. Pourtant la plupart des résidents
estiment après avoir emménagé que « les portes et les grilles rendent leur
vie plus sûre ». Le sentiment
d’insécurité est donc bien la principale raison de l’achat d’une maison dans de
tels lotissements.
Les villes de
Seaside et de Celebration Town, aux Etats-Unis, font figure de modèles et de
précurseurs du New Urbanism. Conçu par les architectes Andres Duany et Elisabeth Palter-Zyber, le
plan de Seaside a été développé par Robert Davis. La ville elle-même reprend bon nombre d’idées fondamentales du
mouvement du Nouvel Urbanisme, telles
que la primauté de la marche à pied par rapport à la voiture, le sens de
l’espace, les relations inter - individus (vie de famille, entraide entre
voisins, …).
A l’image des autres ensembles urbains relevant de cette approche, Seaside reprend les idées de la planification néo-traditionnelle et s’inspire du modèle des petites villes du passé. Elle prétend offrir à ses habitants un lieu de vie qui favorise des relations positives entre les individus ainsi qu’entre les individus et la communauté, l’environnement, ce dans le respect des individualismes de chacun. Enfin, Seaside impose également un code de construction très strict ainsi qu’un usage des rues et des espaces publics novateur par rapport à la conception traditionnelle de tels espaces aux Etats-Unis et, plus généralement, en Amérique du Nord.
Celebration Town, autre ville phare du Nouvel
Urbanisme, se situe en Floride, dans le comté d’Orlando, à quelques kilomètres
de Disney World. Il s’agit là de la première communauté développée par The Walt
Disney Company.
Elle se présente comme une ville moderne
utilisant les nouvelles technologies de communication (télésurveillance, fibres
optiques , …), mais dotée d’un centre « à l’ancienne », et comme
un ensemble urbain d’intégration sociale, dans une conception renouvelée de la
ville – modèle des villes futures. Elle se veut un produit dérivé du concept « Main
Street » des parcs récréatifs Disney, une évocation des villes de la fin
du XIXe siècle, mais dotée des dernières nouveautés technologiques. Véritable
ville avec son centre, Celebration a ses écoles, son centre médical, ses
commerces, ses banques, son golf. Elle offre des habitations individuelles, des
maisons de ville et des appartements, à la vente comme à la location .
Walt Disney la présentait
ainsi : « Celebration regroupe le meilleur de la substance de
nos petites villes du passé, allié à une vision du futur. Tous les avantages et
les technologies du monde moderne sont intégrés dans une architecture sans âge.
Cela donne un sens à la communauté, renforce le centre ville, le complète
(d’équipements). Tout ceci fait de Celebration Town un lieu de sociabilité au
sein duquel les habitants vivent à proximité de commerces accessibles à pied.
De plus, la ville a un campus de santé doté
d’un centre de remise en forme et d’un centre de soins intégré (ainsi Maman
peut-elle aller nager et faire contrôler son niveau de stress tandis que Fiston
va chez le dentiste ».
Les
architectes proposent ainsi aux gens financièrement aisés de retrouver un
monde quasi idyllique. Selon eux, les
habitants de cette ville ont tous le même désir de vivre dans des structures
communautaires agréables, avec l’idée d’entraide entre voisins, dans un
environnement sûr et bien entretenu où les enfants peuvent jouer dans les rues
sans courir le risque de se faire écraser par une voiture ou de se faire vendre
des stupéfiants.
Les premiers habitants ont emménagé à
Celebration Town durant l’été 1996. La ville compte aujourd’hui environ 20 000
âmes, occupant près de 8 000 logements, le tout sur une surface de 2 000
hectares séparée du reste du pays par une étendue d’environ la même surface. Le
prix des habitations, à l’achat, s’échelonne de 125 000 à 750 000 $ (2), et
celui des locations de 575 à 1200 $
pour un studio (3).
(2) Soit de 750 000 à 4 500 000 francs
français.
(3) Soit de 3450 à 7200 francs français.
B) Un processus émergent en Europe dont il est encore prématuré d’évaluer
les conséquences en terme de territorialisation de la coproduction de sécurité
B1) Le phénomène touche
l’Europe avec une décennie de retard sur les Etats-Unis
En Belgique, sur la mer du
Nord, un projet conduit par les urbanistes qui ont conçu la ville de Seaside
aux USA devrait bientôt voir le jour. Un autre programme est en cours de
réalisation en Allemagne (en ex-RDA) reposant sur un concept de lotissements
haut de gamme à haute protection pour riches particuliers soucieux à la fois de
protéger leurs biens et leur appartenance à une élite financière. D’autres
projets seraient envisagés en Italie et dans divers pays européens.
En France, le concept de « communauté
sécurisée » a commencé à se réaliser matériellement à Toulouse pour des
raisons essentiellement socioéconomiques . Son plan d’occupation des sols
ne fixe aucune règle en matière de clôturage et ses révisions successives ont
ouvert à l’urbanisation les zones périphériques où le foncier est abondant et à
des prix encore abordables. L’aire urbaine toulousaine connaît une des plus
forte croissances démographiques de France avec un afflux de salariés de
classes moyennes et moyennes-supérieures. Cette population plutôt jeune, active
et cultivée, avec enfants et revenus aisés est particulièrement demandeuse
d’une formule qui allie sécurité et standing paysager. Après Toulouse,
Bordeaux, Montpellier, Aix-en-Provence,Nantes et les abords de Paris
constituent les territoires porteurs des promoteurs de communautés sécurisées.
Ils ont besoin pour déployer leurs projets de grandes zones d’aménagement que
l’on trouve en périphérie des grandes villes. Or c’est également dans le
peri-urbain que le nombre de policiers-gendarmes par habitant est le plus
faible. La conjonction d’une forte demande sociale de sécurité en provenance
des ménages des classes moyennes et aisées conjuguée à la faiblesse de l’offre
publique de sécurité (voire à sa quasi-inexistance à proximité des zones
pavillonnaires péri-urbaines) crée un contexte favorable pour un fort
développement potentiel de l’immobilier sécurisé.
B2) Des conséquences difficiles à évaluer en terme
de territorialisation de la coproduction de la sécurité
Les enseignements tirés de « l’exemple
américain » montrent que l’impact sur la délinquance effective est ambigü.
A Miami où portes et barrières sont devenues la normes, certaines formes de
délinquance comme le vol de voitures ont diminué. A l’opposé, la présence de ces portes et barrières n’a
changé qu’à la marge le taux de criminalité- tous crimes confondus.
Néanmoins les résidents disent moins ressentir la peur de l’agression. Cette
réduction du « facteur crainte » est importante en soi dans la mesure
où elle peut conduire à une augmentation des relations de voisinage, facteur à
terme d’un recul de la criminalité. Il est vrai qu’à y regarder de plus près,
les communautés protégées ne sont pas des havres de sécurité. Elles n’offrent généralement pas de
protection complémentaire contre la criminalité. La majorité de la petite
délinquance est le fait d’adolescents inoccupés qui vivent autant à l’intérieur
de ces lotissements qu’à l’extérieur. Il est vrai que la plupart de ces
« cages dorées » n’ont rien à voir avec les logements à très haute
sécurité qui ont vu le jour à Moscou ou à Caracas où la nouvelle bourgeoisie
vit cachée et protégée derrière de hauts murs sous la protection de gardes
armés. Dans la plupart des gated communities, les portes ne sont pas gardées
mais ont simplement des barres de protections télécommandées ou d'autres
systèmes de protection aisément contournables. Quand il y a des vigiles à
l’entrée, une bonne présentation (costume / cravate et belle voiture) sont
souvent des laissez-passer suffisants.
Il serait vain d’analyser le phénomène des
communautés sécurisées indépendamment du contexte culturel des différents pays.
En Europe et en France en particulier, la prégnance du pacte social républicain
concevant la ville comme la matrice du lien social, la disqualification
culturelle de l’autodéfense et l’attachement aux services publics sont autant
de facteurs qui rendent peu probables la généralisation de véritables
« villes privées ».
Deux modèles de « communautés sécurisées »
semblent néanmoins voir le jour en France. Le premier modèle à l’initiative de
Kaufman & Broad France refuse « les murs » et se contente de
proposer des villages de maisons dont les alarmes sont reliées à une société de
télésurveillance. Il n’y a donc pas de « privatisation » de cet
espace public que constitue les rues. Le second modèle, à l’image des
« Demeures du golf » construites par le groupe Windsor à. Saint
Germain-les-Corbeil (Essonne) comprend un grillage d’enceinte, une loge de
gardien, une barrière à digicode à l’entrée et des patrouilles de surveillance
la nuit. On est ici beaucoup plus proche du « ghetto pour riches » à
l’américaine qui correspond à une privatisation de l’espace public.
Dans les deux cas, la fonction de police de
proximité se trouve interpellée de façon dialectique. Le développement des
résidences sécurisées en réaction au sentiment d’insécurité croissant des
habitants risque d’éloigner encore plus la police de proximité qui sera tentée
de concentrer ses forces sur les zones plus vulnérables (banlieues,
centres-ville…), renforçant le sentiment de perte de confiance des résidents dans
les institutions publiques.
3.1.1. Les
acteurs
Aucune réforme efficace et durable ne pourra avoir
lieu sans les efforts conjugués des trois acteurs exerçant un rôle sur le
marché de la sécurité privée : l'Etat, la profession et les entreprises
clientes.
i.
L'Etat
régulateur
L'Etat régulateur se doit d'assumer à la fois un
rôle de normalisation et d'impulsion.
Pour ce faire,
une doctrine de coproduction doit être élaborée a priori pour éviter d’avaliser
des situation de fait, qu’elles résultent de désengagement ou de développement
de pratiques non conformes à la loi. (cf Quinqueton)
En tant qu'autorité normative, il appartient à
l'Etat de définir, en amont, des règles claires de coordination des forces en
cas d'intervention conjointe. Ce sont donc les modalités pratiques de la
coproduction de sécurité qui ont besoin d'être précisées par voie réglementaire
ou conventionnelle. Par ailleurs, l'Etat doit renforcer le caractère préventif
de la législation en vigueur en durcissant les conditions d'accès à la
profession et en encadrant strictement les modalités d'action des agents
privés. Ce faisant, il doit prendre garde à ne pas stigmatiser une profession
qui s'est déjà en voie de moralisation, et à ne pas paralyser ses moyens
d'action. Enfin, en aval, l'Etat doit renforcer ses moyens de contrôle, afin de
les rendre plus effectifs et aggraver les sanctions encourues en cas de
violation de la loi.
Parallèlement, l'Etat doit jouer un rôle d'impulsion afin d'encourager le secteur de la sécurité privée à achever de se structurer et de soutenir les efforts menés par la profession sur le plan de la formation notamment.
ii.
La
profession
La profession présente aujourd'hui une unité dont il
est possible de tirer partie. Sa
maturité relative lui permet de s'engager sur la voie de la
certification, garante de la qualité et de l'homogénéité des prestations
fournies, et de la définition de règles déontologiques revêtant une véritable
portée pratique. Même si elles peuvent être accompagnées par l'Etat, ces
démarches doivent avant tout résulter d'initiatives propres à la profession.
iii.
L'entreprise
cliente
L'entreprise cliente, utilisatrice de sécurité,
bénéficiera de l'effort conjoint de l'Etat et de la profession puisqu'elle fera
face à une offre mieux structurée, provenant d'entreprises présentant toutes
les garanties d'efficacité et de sérieux. L'entreprise cliente doit, à ce
titre, être associée à la réflexion et être responsabilisée en tant que
consommatrice de sécurité par le biais de mécanismes de
"coresponsabilité". Elle devra, par ailleurs, mieux intégrer la
sécurité dans son activité quotidienne et accepter que l'amélioration du
service rendu puisse se traduire par un surcoût financier.
3.1.2.La
méthode
3.1.2.1. Une
approche discriminante selon les territoires
Dans l'appréhension du secteur complexe qu'est la
sécurité privée, l'Etat devra apporter des réponses circonstanciées et adaptées
aux réalités du terrain. C'est pourquoi il pourra être utile de distinguer, au
sein des réformes qui seront mises en place, celles devant s'appliquer à
l'ensemble de la profession de celles s'imposant aux seules entreprises
(généralement de sécurité humaine) intervenant sur des zones à risque pour les
libertés publiques; ces "zones grises" (espaces publics et espaces
privés ouverts au public). De la sorte, les exigences renforcées que l'on se
propose de définir en matière d'agrément, de formation ou de port d'armes ne
viendront pas inutilement contraindre les entreprises n'intervenant que sur des
espaces strictement privés et ne présentant, de ce fait, aucune menace directe
pour la sécurité ou les libertés des citoyens. De plus, en définissant
certaines règles spécifiques aux "zones grises", l'Etat limite, de
fait, le nombre d'agents concernés par ces normes (entre 10 et 15 % des
effectifs de la sécurité humaine) et facilite l'exercice de contrôles effectifs
par la suite.
3.1.2.2. Une
approche à la fois réglementaire et contractuelle
Lorsque la régulation sera nécessaire, l'Etat devra
apporter des réponses adaptées à l'objet recherché. Cela signifie que son
intervention pourra revêtir la forme d'un acte unilatéral (loi ou acte
réglementaire) à chaque fois que l'on touchera à une fonction régalienne
(régime de l'armement, des contrôles et des sanctions) mais qu'il devra, au
contraire, privilégier une approche contractuelle lorsque certaines modalités
d'intervention sur le terrain devront être précisées entre les forces de
l'ordre et des agents privés.
3.1.2.3. Une
réponse institutionnelle
Même si la question institutionnelle n'est pas
centrale en l'espèce, l'Etat ne peut faire l'économie d'une réflexion en la
matière. Les réformes envisageables sont d'ailleurs d'envergure modeste.
Aujourd'hui, à l'exception du 7ème bureau de la sous-direction des
affaires juridiques de la DLPAJ (qui a bien d'autres compétences par ailleurs),
il n'existe aucune structure d'administration centrale s'occupant véritablement
des questions relatives à la sécurité privée en France. Aussi, sans aller jusqu'à
proposer une structure indépendante sur le modèle de la "British Security
Industry Association"(organisme privé qui émet des directives obligatoires
pour les organisations affiliées et procède à des contrôles et sanctions), il
pourrait être utile de disposer d'une structure clairement identifiée et
exclusivement dédiée à la sécurité privée.
A l'instar du "Conseil de Sécurité Privée"
portugais, la structure à mettre en place devrait être placée auprès du
Ministre de l'Intérieur, même si sa vocation est clairement interministérielle.
Comprenant des membres des ministères de l'Intérieur, de la Justice, de la
Défense, du Travail et des Transports, cette structure serait constituée sous
la forme d'une "Délégation interministérielle d'observation et de surveillance
de la sécurité privée" dont le secrétariat serait assuré par le Ministère
de l'Intérieur.
La Délégation se verrait confier cinq fonctions
principales :
- proposer
une doctrine en matière de coproduction ayant vocation à
s’appliquer à l’ensembles des services de l’Etat sur le territoire national ;
- synthétiser les informations relatives au secteur
(et transmettre un rapport annuel au Parlement) ;
- proposer des adaptations à la réglementation en
vigueur ;
- être une force d'impulsion auprès de la
profession ;
- définir une politique de contrôle et de sanction
(sans préjudice des compétences de l'ordre judiciaire).
Cette structure constituerait, ainsi, un lieu de
communication entre les responsables des différentes phases administratives que
sont l'autorisation, le contrôle et la sanction. Elle permettrait, par
conséquent, de faciliter et d'homogénéiser sur le territoire français les
conditions d'intervention des autorités administratives et judiciaires sur le
terrain.
3.1.3 Les
contraintes juridiques
S'agissant de modifier des normes de valeur législative et réglementaire, les éléments de réforme envisagés devront respecter à la fois le cadre normatif constitutionnel et communautaire.
Pour ce qui est du droit
constitutionnel, les propositions formulées devront intégrer la jurisprudence
du Conseil constitutionnel et notamment celle relative aux garanties qui
doivent entourer les "visites" dans les locaux professionnels (DC 19
janvier 1988), à la proportionnalité de la sanction administrative (DC 20
juillet 1993) ou encore au respect de la vie privée comme élément de la liberté
individuelle (DC 18 janvier 1995, à propos de la vidéosurveillance) + DC 1992 impossibilité de déléguer un
pouvoir de police + DC ? sur la liberté du commerce et de l’industrie.
En ce qui concerne le droit communautaire, le
problème est probablement plus délicat, compte tenu des positions exprimées par
la Commission européenne en matière de règles relatives à l'ordre public et à
la sécurité publique. Pour la Commission, en effet, les entreprises de sécurité
privée sont, avant tout, des prestataires de service et relèvent, de ce fait,
du premier pilier. La notion de coproduction de sécurité définie dans la LOPS
de 1995 ne permet plus de se prévaloir du caractère d'ordre public de la
réglementation des professions de sécurité privée. Dès lors, l'Etat peut
réglementer ce secteur économique à condition de respecter les grands principes
posés par le Traité de Rome que sont la liberté d'établissement (article52), la libre prestation de service (article 59)
et la libre circulation des travailleurs (article 48).
S'il est vrai que des dérogations à ces trois
principes sont possibles, elles sont aujourd'hui strictement encadrées par la
Cour de Justice. Par exemple, les questions d'ordre public visées à l'article
56 du Traité, et pouvant justifier des restrictions au principe de libre
circulation des services, sont définies très strictement. Il en résulte que
seule une menace imminente, actuelle et réelle peut justifier des mesures
ponctuellement dérogatoires au droit commun, sans pouvoir jamais légitimer une
réglementation intégralement dérogatoire.
3.2. Renforcer et affiner les
modalités de régulation de l’Etat
3.2.1. Garantir l’effectivité des libertés publiques
dans les zones grises
3.2.1.1
Mettre en place une procédure d'agrément spécifique aux ESP désirant travailler
sur des zones grises
Proposition 1:
Instaurer un agrément individuel pour chaque salarié opérant sur une zone grise
Objectif: s'assurer que chaque individu devant
exercer une mission de terrain au contact du public présente bien toutes les
garanties de moralité et de formation nécessaires. Aujourd'hui, il n'existe
aucun agrément individuel des agents mais simplement un mécanisme
d'autorisation délivrée à l'entreprise, après une simple vérification de la
moralité des dirigeants et employés. La France a, en la matière, des exigences
inférieures à celles de plusieurs de ses partenaires européens. Par exemple, au
Danemark, il revient au Ministère de la Justice de délivrer une autorisation
aux employés des entreprises de sécurité, alors qu'en Finlande, un comité
rattaché au Ministère de l'Intérieur va jusqu'à faire passer des tests de
recrutement aux agents de sécurité.
Modalités:
·
L'agrément
sera délivré conjointement par le Préfet et le Procureur de la République après
instruction du dossier individuel sous la responsabilité de la préfecture,
service coordonnateur.
·
Cet
agrément sera propre à chaque travailleur et sera indépendant de l'agrément des
dirigeants de l'entreprise à laquelle il appartient, ainsi que de
l'autorisation d'exercer délivrée à l'entreprise elle-même. Par conséquent, en
cas de changement d'employeur, le salarié conservera son "agrément zone
grise" qu'il pourra faire valoir auprès d'une autre entreprise.
·
Cet
agrément sera délivré pour une durée de cinq ans et sera renouvelable, après
réexamen du dossier.
Conséquences pratiques:
·
La
mise en place d'un "agrément zone grise" alourdira quelque peu la
charge de travail des préfectures mais, ne concernant que 10 à 15 % de la
profession de la sécurité humaine (moins de 10 000 personnes), la contrainte
sera réduite au strict minimum.
·
La
définition de ce nouvel agrément nécessitera la modification de l'article 6 de
la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance,
de gardiennage et de transport de fonds, ainsi que celle du décret du 26
septembre 1986 relatif à l'autorisation administrative et au recrutement des
personnels des entreprises de surveillance et de gardiennage, de transport de
fonds et de protection des personnes.
Proposition 2: s'assurer de la moralité des dirigeants et des salariés
des ESP exerçant leur activité sur des zones grises sur la base d'une
information élargie
Objectif: l'obligation de
moralité des dirigeants et salariés des ESP fait aujourd'hui l'objet d'un
examen assez superficiel puisque la principale source d'information des
services instructeurs est le bulletin n° 2 du casier judiciaire des individus
concernés. Or, ce bulletin ne mentionne pas tous les éléments pertinents sur le
sujet puisqu'il ne recense que les condamnations définitives à des peines
correctionnelles ou criminelles. Par ailleurs, il peut être vidé de son contenu
à intervalles réguliers par la "procédure en exclusion de B2". Dans
ces conditions, l'idée serait d'autoriser les services instructeurs à avoir
accès à une information à la fois plus large et plus précise.
Modalités : il conviendrait
d'autoriser les services instructeurs à avoir accès aux informations
pertinentes mentionnées dans les traitements autorisés de données personnelles,
gérés par les autorités de police. Concrètement, ne seraient transmises aux
services concernés que les informations révélant des agissements contraires à
l'honneur, à la probité et aux bonnes mœurs ou de nature à porter atteinte à la
sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique et à la sûreté de
l'Etat.
Conséquences pratiques :
outre une parfaite coordination entre les services préfectoraux et la police
nationale, un tel projet requiert l'intervention d'une loi dans la mesure où il
touche à l'utilisation de données personnelles et à la liberté du travail. Ceci
pourrait se traduire par une simple insertion dans les articles 5 et 6 de la
loi du 12 juillet 1983 de la possibilité de consulter les fichiers gérés par la
police nationale et par la gendarmerie
nationale.
Proposition 3:
interdire à des agents de sécurité l'exercice de missions impliquant un contact
avec le public avant l'obtention de leur agrément individuel
Objectif: éviter que des agents assurent des
missions opérationnelles sans agrément (même de façon temporaire) et qu'ils
encourent le risque de se voir licencier au bout de quelques mois d'activité en
raison d'incompatibilités révélées à l'occasion de l'examen de leur dossier.
Modalités:
·
Il
conviendrait de poser une claire interdiction pour les salariés n'ayant pas
encore obtenu leur agrément individuel d'exercer une mission au contact du
public, c'est-à-dire sur des zones grises.
·
Compte
tenu des délais incompressibles d'obtention de l'agrément individuel
(probablement entre 2 et 5 mois), les ESP pourraient mettre à profit ce délai
pour dispenser une formation de qualité ou utiliser l'agent pour des missions
ne présentant pas de risques particuliers pour la sécurité ou les libertés des
citoyens.
Conséquences pratiques:
·
Cette
proposition pourrait être mise en œuvre par une modification de l'article 6 de
la loi du 12 juillet 1983, ainsi que part la modification du décret du 26
septembre 1986.
·
Un
tel dispositif renchérira probablement le coût de formation / recrutement des
salariés des ESP opérant sur des zones grises, ce qui devra représenter pour
les préfectures une incitation à réduire au minimum leurs délais de traitement
des dossiers.
3.2.1.2.
Définir des conditions et des modalités d'armement restrictives
Objectif: il s'agit d'interdire aux agents exerçant leur mission dans des zones fréquentées par le public, le port d'armes, par hypothèse dangereuses, et dont l'utilisation s'avère, en tout état de cause, difficile sur le terrain. Même s’il est vrai qu’en pratique les autorisations préfectorales de détention et de port accordées aux agents de sécurité privés sont rares, il est important qu’un principe d’interdiction soit clairement affiché afin de marquer les différences fondamentales de prérogatives entre les forces publiques et les services privés de sécurité. Il est, d'ailleurs, significatif qu'un certain nombre de pays européens aient adopté cette ligne de conduite. Par exemple, la Grande-Bretagne exclue tout armement pour les agents autres que les convoyeurs et le Danemark pose une interdiction totale.
En France, conformément à l'article 10 de la loi du
12 juillet 1983, les gardiens et les convoyeurs de fond peuvent être armés dans
les conditions réglementaires en vigueur, à l'exclusion des seuls personnels
des entreprises de protection des personnes. Plus précisément, les gardiens
"peuvent" être armés d'armes de la 1ère et de la 4ème
catégorie, alors que les convoyeurs sont "tenus" d'être armés pour le
transport sur la voie publique de sommes supérieures ou égales à 200 000 F.
Modalités:
·
Il
conviendrait d'opérer une distinction entre les convoyeurs, d'une part, et les
autres agents, d'autres part (c'est-à-dire les agents privés de gardiennage et
les agents publics de la SUGE et du GPSR). Pour les gardiens et agents de la
SUGE et du GPSR, il faudrait poser une stricte interdiction de détention et
port d'arme des 1ère et 4ème catégories qui représentent,
au terme du décret du 6 mai 1995 (relatif à l'application du décret du 18 avril
1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions), des armes
d'une dangerosité excessive (canons, armes automatiques, armes de poing semi
automatique, etc…).
·
Pour les convoyeurs, il
serait utile de maintenir une "faculté" d'armement et non une
"obligation", tant il est vrai que les progrès techniques permettent
aujourd'hui d'envisager, à court terme, l'utilisation de dispositifs de destruction
ou de neutralisation des fonds en cas d'agression (mallettes
"axitrans", par exemple). En tout état de cause, ces armements
devraient être limités à certains éléments de la 4ème catégorie (à
titre indicatif: armes de poing, armes d'épaule semi automatiques, armes dont le
projectile est propulsé par des gaz).
Conséquences pratiques: la mise en place de cette
proposition impliquerait la modification de l'article 10 de la loi du 12
juillet 1983 et de l'article 7 du décret du 10 octobre 1986 (relatif à
l'utilisation des matériels, documents, uniformes et insignes des entreprises
de surveillance et de gardiennage, transport de fonds et protection des
personnes). Par ailleurs, il faudrait modifier l'article 4 du décret du 13
juillet 1979 relatif à la protection des transports de fonds.
Cette réforme impliquera nécessairement la
récupération des armes désormais interdites et le contrôles des stocks des
différentes entreprises.
Proposition 2:
prévoir explicitement la possibilité, pour les entreprises de sécurité, de
porter certaines armes blanches de la 6ème catégorie
Objectif: il s'agit à la fois de mettre le droit en
accord avec la pratique et de réglementer plus strictement les conditions de
port de ces armes.
A l'heure actuelle, la détention de toutes les armes
de la 6ème catégorie est libre et seul leur port est soumis à
autorisation administrative. Pourtant, la loi du 12 juillet 1983 ne prévoit pas
la possibilité pour les agents privés de porter ces armes qui sont, dans la
pratique, très répandues dans la mesure où elles sont efficaces en milieu clos
et ne présentent pas de caractère particulièrement dangereux.
Modalités: dans un premier temps, il faudra prévoir
explicitement la possibilité pour les agents de surveillance de porter des
armes de la 6ème catégorie dans le corps même de la loi (et ce
d'autant plus que les armes de la 1ère et de la 4ème
catégorie seront désormais prohibées). Dans un second temps, il conviendra,
compte tenu du caractère très hétéroclite de la 6ème catégorie,
désigner précisément les armements qui seront concernées par cette
autorisation. Celle-ci pourrait, par exemple, se limiter aux matraques et aux générateurs d'aérosols
incapacitants ou lacrymogènes et exclure les poignards, étoiles de jet et
autres arbalètes qui ne présentent pas les qualités requises pour être des
armes de neutralisation. Dans cet esprit, il pourrait, en revanche, être utile
d'introduire le tonfa, efficace et souple d'usage, dans la 6ème
catégorie d'armes.
Conséquences pratiques: il conviendra de modifier l'
article 7 du décret du 10 octobre 1986, ainsi que le chapitre II du décret du 6
mai 1995. Par ailleurs des contrôles sur place seront probablement nécessaires,
dans un premier temps, pour s'assurer de la bonne application de ces
dispositions.
Il est à noter que ce dispositif restrictif en terme
d'armement constituera une forte incitation à une formation renforcée des
agents dans la mesure où les armes blanches autorisées ne seront efficaces
qu'au terme d'un apprentissage assidu.
3.2.2 Assurer
les moyens d’un véritable contrôle de l’ensemble des entreprises du secteur
Proposition
1 : instaurer un contrôle effectif sur pièces et sur place des entreprises
de sécurité
Objectif
L’existence d’entreprises privées de sécurité
fonctionnant aux marges de la légalité, (travail dissimulé, sous-traitance
illégale, absence de déclaration des employés) appelle une vigilance
particulière des services de police et de gendarmerie. Il conviendrait de leur
accorder le droit d’accéder aux locaux professionnels des entreprises de
sécurité, et la faculté de demander tous renseignements et justifications
nécessaires, sans préjudice des compétences des inspecteurs et contrôleurs du
travail.
Les services de police et de gendarmerie ne pourront
pas accéder aux locaux qui servent de domicile aux professionnels qu’ils
contrôlent, conformément aux principes posés par le Conseil constitutionnel en
matière de protection de la vie privée.
Le contrôle effectif des agents privés de sécurité
exerçant dans des lieux ouverts au public sera également facilité par la mise
en place d’une carte professionnelle standardisée et obligatoire (cf. supra).
Modalités
·
permettre
aux officiers et commissaires de police, ainsi qu’aux sous-officiers et
officiers de la gendarmerie, l’accès aux locaux dans lesquels les entreprises
de sécurité privée exercent leur activité, en présence de l’occupant des lieux
ou de son représentant.
·
permettre
aux officiers et commissaires de police, ainsi qu’aux sous-officiers et
officiers de la gendarmerie, de demander la communication du registre du
personnel et de tous autres registres, livres et documents visés à l’article
L611-9 du code du travail, et recueillir, sur place ou par convocation, tous
les renseignements et justifications nécessaires.
Conséquences pratiques : compléter la loi du 12
juillet 1983.
Proposition
2 : élargir les possibilités de sanctions administratives
Objectif
Les modalités de retrait de l’autorisation
préfectorale d’exercer une activité privée de sécurité, prévues par la loi de
1983 en son article 12, se sont révélées insuffisantes et difficiles à mettre
en œuvre, notamment à l’égard d’entreprises corses de convoyage de fonds. Le
retrait d’autorisation n’est en effet possible qu’après condamnation judiciaire
du gérant de droit ou de fait de la société en cause, une procédure judiciaire
à son encontre ne pouvant justifier qu’une suspension provisoire d’activité. Il
s’agit donc de donner à l’autorité administrative, des moyens élargis de
retirer ou de suspendre, à titre de sanction administrative, l’autorisation de
fonctionner, tout en assurant les garanties d’une procédure contradictoire et
le droit d’information de l’intéressé.
Ces possibilités de retrait seront de fait élargies
puisque l’obligation de moralité incombant aux dirigeants d’entreprise et aux
salariés exerçant leur activité dans des lieux ouverts au public, sera examinée
au regard d’une information élargie au delà du B2 (cf.supra).
D’autres cas de suspension ou de retrait doivent
pouvoir être prévus, notamment lorsqu’il est démontré que la société est
financée par des capitaux d’origine douteuse ou lorsqu’elle contrevient au
droit du travail (travail dissimulé ou clandestin, sous-traitance illégale
notamment).
Modalités :
·
élargir
les possibilités de retrait ou de suspension de l’autorisation administrative
de fonctionner aux situations suivantes :
- non respect de
l’obligation de moralité nécessaire à l’obtention de l’agrément individuel,
- participation d’auteurs de
crimes ou de délits dans la constitution du capital,
- infractions au droit du
travail,
- infractions à la
législation sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers.
·
prévoir
que le retrait n’entre en vigueur qu’après une mise en demeure restée sans
effet.
Conséquences pratiques : modification de
l’article 12 de la loi du 12 juillet 1983
Proposition
3 : adapter le niveau des sanctions pénales aux manquements constatés
Objectif :
Les articles 13 à 16 de la loi du 12 juillet 1983
doivent être adaptés, afin que les sanctions pénales qui y sont prévues à
l’encontre des dirigeants de société privée soient précisées et renforcées en
fonction des infractions en cause et conformément au principe de
proportionnalité des délits et des peines. Par ailleurs, il faut prévoir
l’existence d’un délit propre aux salariés des entreprises de sécurité exerçant
sans l’agrément individuel nécessaire. Enfin, la loi de 1983 étant antérieure à
l’adoption du nouveau code de procédure pénale instituant la responsabilité
pénale des personnes morales, il faut prévoir un délit spécifique aux personnes
morales.
Modalités
·
réviser
la loi du 12 juillet 1983 en précisant et graduant les délits imputables aux
dirigeants des entreprises de sécurité (sous-traitance illégale, non respect
des obligations de moralité...)
·
instituer
la responsabilité pénale des employés exerçant leur activité en dehors de
l’autorisation préfectorale ;
·
instituer
la responsabilité pénale des sociétés (personnes morales) pour les infractions
imputables aux dirigeants de ces sociétés.
Proposition
4 : améliorer le contrôle des systèmes de vidéosurveillance dans les lieux
ouverts au public
Objectif :
Le dispositif d’autorisation préfectorale des
installations de vidéosurveillance mis en œuvre par l’article 10 de la loi du
21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, s’est
révélé à la fois lourd à gérer et peu efficace.
Il semble tout d’abord que les utilisateurs de
systèmes de vidéosurveillance montrent peu d’empressement à se conformer à la
loi. Un bilan effectué à l’été 1998 par le Ministère de l’intérieur fait état
de 29 284 systèmes déclarés en préfecture au 24 août 1998[84],
contre une estimation initiale de 120 000 systèmes réellement installés à
l’entrée en vigueur de la loi. Les professionnels reconnaissent par ailleurs un
rythme de croissance annuelle de 25 à 30 000 systèmes. Ce décalage entre la
réalité et la portée du contrôle est encore corroboré par les disparités du
nombre de systèmes déclarés entre départements pourtant similaires en termes de
nombre d’habitants, d’urbanisation, et de développement des activités
économiques.
Par ailleurs, des difficultés de fonctionnement des
commissions de vidéosurveillance ont été relevées (absentéisme des membres de
la commission, divergences d’appréciation entre départements, degrés d’exigence
divers notamment à l’égard des banques).
Modalités
·
instaurer
une double obligation de déclaration, incombant à la fois à l’installateur et à
l’utilisateur d’un système de vidéosurveillance installé sur la voie publique
ou dans un lieu ouvert au public particulièrement exposé à des risques
d’agression et de vol.
·
permettre
à la commission départementale de s’auto-saisir lorsqu’elle constate
l’existence d’un système de vidéosurveillance non déclaré ou dont les modalités
d’information du public ne sont pas suffisantes.
·
instaurer
des procédures d’instruction communes et simplifiées pour la surveillance vidéo
des centres commerciaux, ou des entreprises à établissement multiples.
·
permettre
à la commission de fonctionner si deux de ses membres au moins sont présents
(et non trois comme l’exige le quorum) dont le magistrat de l’ordre judiciaire
qui la préside.
Conséquences pratiques :
L’obligation de déclaration des installateurs de
vidéosurveillance doit faire l’objet d’une disposition législative. Il faudra
intégrer les autres propositions en modifiant le décret n°96-926 du 17 octobre
1996 relatif à l’application de l’article 10 de la LOPS, ainsi que la
circulaire du 22 octobre 1996.
Proposition
5 : soumettre les systèmes de vidéosurveillance installés dans les parties
communes des immeubles d’habitation aux obligations de la LOPS
Objectif :
La portée de la loi du 21 janvier 1995 ne s’étend
qu’aux systèmes de vidéosurveillance installés sur la voie publique ou dans
un lieu ouvert au public particulièrement exposé à des risques d’agression
et de vol. Or, la CNIL fait état du développement récent de systèmes de
vidéosurveillance dans des lieux privés : les parties communes
d’immeubles collectifs (parkings, halls d’entrée...). Ces systèmes
s’accompagnent de la diffusion d’images sur les postes de télévision des
habitants. Ce procédé, dit de « co-surveillance » se développe hors
de tout cadre légal alors même qu’il est susceptible de porter atteinte au
respect de la vie privée, protégé par les articles 9 du Code Civil et 226-41 du
Code Pénal. L’identification d’un responsable du traitement des images est
particulièrement problématique : relève-t-il de la responsabilité
juridique du propriétaire de l’immeuble, de la copropriété ou du syndic
agissant en son nom ? Quid du droit d’opposition des locataires ?
Modalités
·
soumettre,
par la loi, ces systèmes particuliers à l’autorisation préfectorale et donc à
l’avis préalable de la commission départementale de vidéosurveillance. Il en
résultera l’obligation de respecter les conditions prévues par la LOPS
(identification du responsable, durée limitée de conservation des images...).
·
l’obligation
de déclaration des installateurs prévue précédemment s’applique dans le cas des
systèmes installés dans les parties communes d’immeubles d’habitations.
·
interdire
la diffusion d’images au domicile des habitants, en instaurant une obligation
de maintenance externe du système (avec l’intervention d’un prestataire
extérieur qui a seul accès aux images et assure une fonction de surveillance).
3.3.3 Donner
une traduction opérationnelle à la notion de coproduction
Proposition
1 : lors de la négociation et du suivi des CLS, associer les propriétaires
de lieux ouverts au public particulièrement exposés à la délinquance, et les
entreprises prestataires de surveillance et de gardiennage sur ces mêmes lieux.
Objectif : s’assurer d’une complémentarité
réelle et efficace entre l’action des agents privés de sécurité et les forces
de police et de gendarmerie dans les lieux où leur activité est conjointe.
Aujourd’hui, la coopération entre les forces
publiques de sécurité et les entreprises n’est organisée que dans certaines
enceintes : les aéroports et les stades, pour lesquels le
législateur est intervenu, précisant les conditions dans lesquelles des entreprises
privées exercent, sous le contrôle de la police, des missions relevant
auparavant de ses attributions. La nécessité d’une organisation opérationnelle
et précise de la coproduction s’est fait ressentir plus particulièrement dans
ces lieux car ils sont exposés à des atteintes à la sécurité des personnes
et à l’ordre public.
En revanche, l’obligation de gardiennage et de
surveillance imposée par la LOPS à certains acteurs économiques (bailleurs
sociaux, centres commerciaux, grandes surfaces...) n’a pas trouvé de traduction
concrète s’agissant de son articulation avec les services de police ou de
gendarmerie. Ces lieux sont autant exposés à des risques d’atteinte aux biens,
que d’atteinte aux personnes. Dans ces zones « grises », il s’agit d’éviter
le risque de voir se développer des situations de fait, s’apparentant à un
partage implicite, hostile ou indifférent, des territoires et du marché de
l’insécurité entre sécurité publique et sécurité privée, au détriment des
citoyens.
Plutôt qu’une répartition territoriale des
compétences, incertaine eu égard au caractère complexe des lieux privés ouverts
au public, l’Etat doit proposer une démarche de coopération fonctionnelle
organisée, et néanmoins flexible selon les risques d’exposition à la
délinquance de certains lieux particuliers. Les avantages d’une telle
coopération sont multiples : les services de sécurité publique, par leur
présence et leur collaboration, contribuent à la diffusion de bonnes pratiques,
et s’assurent de la fiabilité des conditions d’intervention des agents privés
de surveillance sur le terrain.
Modalités
Pour organiser cette coopération, la voie
conventionnelle, laissée à l’initiative locale, apparaît plus adaptée et plus
souple que la voie réglementaire : en effet, elle pourra s’exercer pour
des lieux particuliers (centres commerciaux, hôpitaux, zones d’habitat social
par exemple ) seulement si les risques de délinquance l’exigent.
Il n’apparaît donc pas nécessaire d’imposer par la
loi des conventions systématiques de coordination, sur le modèle de celles
prévues par la loi sur les polices municipales 99-291 du 15 avril 1999.
Pratiquement, il s’agit d’associer à la négociation
et au suivi des contrats locaux de sécurité, à la fois les propriétaires d’un
lieu ouvert au public particulièrement exposé à la délinquance, et les
prestataires de surveillance-gardiennage dans ces mêmes lieux, bien souvent
inconnus des services de police.
Sans qu’ils soient signataires du CLS, ces
entreprises peuvent apporter une contribution essentielle à l’analyse du
sentiment d’insécurité, exposer leurs méthodes de travail, se faire connaître.
Les services de sécurité publique peuvent leur rappeler à cette occasion les
limites de leurs droits intervention et de vérification, et contrôler le
respect de la réglementation les concernant.
Une fiche d’action pourrait être insérée dans
le CLS, précisant les responsabilités et les engagements respectifs de chaque
acteur. Ainsi les entreprises « donneur d’ordre » pourraient
s’engager à contracter avec des prestataires respectueux de la réglementation,
notamment en termes de formation, et à disposer d’un effectif de vigiles
suffisant. Les services de sécurité publique pourraient quant à eux s’engager
sur des délais d’intervention.
Proposition
2 : Donner toute sa portée aux obligations incombant aux bailleurs sociaux
en matière de sécurité.
Décret d’application de l’article 11 de la LOPS sur
les études préalables de sécurité concernant les opérations d’aménagement, de
construction et de réhabilitation.
Décret d’application de l’article 12 de la LOPS sur
les obligations des propriétaires d’immeubles à usage d’habitation.
3.3. Favoriser la professionnalisation et responsabiliser les
acteurs
Parvenir à une plus grande efficacité des
prestations de sécurité privée, créer les conditions d'une véritable
coproduction et mieux garantir le respect des libertés publiques est possible
également en incitant clients et fournisseurs à adopter des comportements
appropriés. Au-delà des dispositions légales et réglementaires nouvelles qu'il
semble opportun de prendre, il s'agit de créer des incitations.
3-3-1.
Instaurer une co-responsabilité du donneur d'ordre et du prestataire et
encadrer le recours à la sous-traitance
Proposition
1 : instaurer un principe de co-responsabilté entre l’entreprise cliente
et les prestataires de sécurité
Moraliser le secteur de la sécurité privée ne peut
être le seul fait des entreprises prestataires. Outre le contrôle que les
pouvoirs publics doivent mener et les sanctions administratives ou pénales qui
doivent pouvoir être prononcées, il paraît nécessaire d'introduire la
responsabilité du client sous certaines hypothèses.
Le code du travail prévoit déjà une coresponsabilité
des donneurs d’ordre en matière de travail illégal et d’accidents du travail.
En outre, des dispositions législatives particulières sont intervenues dans les
années récentes pour instaurer une coresponsabilité propre à certains
secteurs : d’une part en matière de sécurité dans les bâtiments et travaux
publics eu égard à la dangerosité des chantiers et d’autre part dans les
transports routiers de marchandises eu égard aux risques pour la sécurité
routière.
Lorsqu'il impose directement ou indirectement à son
fournisseur le non-respect des dispositions de la loi de 1983, et notamment
l’absence d’agrément, le port d’arme illicite, le donneur d'ordre devrait voir
sa responsabilité pénale engagée.
Ainsi, le client serait amené à s'assurer qu'il a
choisi un fournisseur compétent et à exercer un contrôle sur la qualité de la prestation
fournie. Il serait incité à prendre des garanties en amont de son contrat,
notamment en exigeant une certification, et à vérifier les conditions
d'exécution du contrat.
Cette voie a été choisie pour moraliser le transport
routier de marchandises. Le décret n° 92-699 du 23 juillet 1992, dit de
co-responsabilité pénale a prévu de punir d'une amende de 5ème classe les
donneurs d'ordre qui aura donné des instructions incompatibles avec le respect
des dispositions relatives aux temps de conduite, à la durée du travail, à la
limitation de vitesse, aux limites de poids.
Ces nouvelles dispositions législatives
concerneraient tous agents de surveillance, les enquêteurs privés, les
convoyeurs de fonds, les gardes du corps. Elles auraient certainement une portée
dissuasive, mais ne peuvent constituer qu'un élément par mi d'autres pour
améliorer les conditions d'exercice de la profession
Proposition
2 : Encadrer la sous-traitance
faire plus
court et vérif le droit de la concurrence ; 2 options : mini/maxi
La sous-traitance est un mode de production normal.
Cependant, elle peut être la source de dérives inquiétantes lorsqu'elle conduit
à rendre impossible le respect de la législation, notamment le droit du travail
ou de la concurrence. Ici encore, la comparaison avec le secteur du transport
routier éclaire la situation de la sécurité privée. Il existe un déséquilibre
entre des clients plus puissants, mieux organisés et des prestataires, peu
qualifiés, très nombreux, de petite taille, sauf exception, et mal organisés.
En l'absence d'une tarification minimum obligatoire, d'ordre public, le rapport
de force conduit aux même pratiques dans les deux secteurs : sous-traitance en
cascade, avec pour corollaire le non-respect de la réglementation et des prix
de vente parfois très inférieurs au prix de revient.
Une solution pour remédier à cette situation peut
consister à interdire le recours la sous-traitance sans l'accord préalable et
express du client, c'est dire son accord sur le nom du sous-traitant, les
tâches sous traitées, la durée et le prix.
Outre, les freins aux abus que de telles
dispositions sont susceptibles d'offrir, elles conduiraient également les
donneurs d'ordre à ne plus pouvoir ignorer, ou ne plus vouloir ignorer les
conditions dans lesquelles s'effectuent les prestations qu'ils ont commandées.
Il ne semble cependant pas nécessaire d'introduire des dispositions comparables
à celles existant dans le domaine du transport routier. L'article 3 de la loi
n° 92-1445 du 31 décembre 1992 modifiée relative aux relations de
sous-traitance dans le domaine du transport routier de marchandises dispose
qu'est puni d'une amende de 600 000 francs le fait pour le donneur d'ordre de
rémunérer les contrats de transport par un prix qui ne permet pas de couvrir
l'ensemble des frais et charges engagés pour assurer la prestation (y compris
l'amortissement des véhicules). Le danger que représentent pour la sécurité
routière des conducteurs contraints de ne pas respecter le code de la route ou
du travail est tel que le législateur a pu imposer de telles règles. Il
n'existe pas de risque de nature comparable en matière de sécurité privée.
En revanche, les dispositions de son article deux
imposant à chacun des contractants d'être en mesure de produire un document
justifiant du prix conclu pour l'exécution des prestations pourraient être
appliquées à la sécurité privée, ainsi que les dispositions de l'article n 13
de la loi n° 98-69 du qui prévoit que
lors des contrôles effectués en entreprise, les contrôleurs sont habilités à se
faire communiquer tout document leur permettant de constater les prix
pratiqués, ainsi que le volume d'activité traitée ou sous-traitée.
Introduire dans la loi de telles obligations, doit
s'accompagner d'un contrôle effectif des pouvoirs publics.
Il convient de souligner que la norme NF service
prévention et sécurité limite le recours à la sous-traitance à 5%. Il est trop
tôt pour dresser un bilan des conditions d'application de cette disposition,
mais il est à craindre qu'elle n'introduise une trop forte rigidité.
3-3-2.
Promouvoir la transparence et le respect de règles déontologiques
Les professionnels de la sécurité déplorent souvent
l'image peu flatteuse qui est la leur. Cette image est fondée en partie sur
l'impact qu'ont eues certaines bavures, en partie sur la réalité de ce secteur économique où respect du droit et
moralité n'ont pas toujours été les vertus les plus répandue, mais aussi sur un
déficit de lisibilité, de communication.
Proposition
1 : améliorer la transparence
Pour des raisons liées au respect des libertés
publiques, mais aussi pour garantir la protection des intérêts nationaux, il
est nécessaire que la loi impose aux entreprises de sécurité privée de fournir
à l'administration, lors de sa constitution, mais aussi périodiquement, des
informations relatives aux différents établissements de l'entreprise, à la
répartition du capital entre les actionnaires, à ses dirigeants, à ses salariés
(vérif loi de 1983). Par ailleurs, la
loi pourrait rendre obligatoire la transmission chaque année d'un compte-rendu
d'activité simplifié indiquant le chiffre d'affaires, les cinq clients
principaux et la liste des salariés embauchés. La Belgique prévoit une telle
obligation.
Ce contrôle sur pièces, a priori et a posteriori,
doit se conjuguer avec un contrôle sur place dans des conditions particulières,
permettant notamment d'accéder aux locaux de l'entreprise à tout moment.*
Au-delà de la transparence imposée, les
professionnels de la sécurité trouveraient un réel intérêt à favoriser la
transparence. Ils ont déjà entrepris des actions dans ce sens. Ainsi, le SNES
publie-t-il des informations sur le prix de revient moyen d'un agent de
sécurité décomposé en douze postes. Il s'établissait entre 92,49 et 97,49
francs hors taxes au 1er janvier 1999.
Promouvoir la transparence nécessite un minimum
d'organisation des entreprises du secteur. Il n'est véritablement structuré que
récemment autour de l'UFISS, et du SNES. Le temps de la lutte laisse désormais
place à celui de la construction. La promotion de la certification est
présentée par l'UFISS comme un des moyens pour améliorer la transparence.
Proposition
2 : favoriser la déontologie
Le souci de voir les professionnels de la sécurité
privée encadrés par des règles déontologiques est en premier lieu une
préoccupation de l'Etat. En effet, le projet de loi portant création d'un
Conseil supérieur de la déontologie de la sécurité donne pour mission à cette
autorité administrative indépendante "de veiller au respect de la
déontologie dans les services et organismes exerçant des activités de sécurité
sur le territoire de la République" Il sera compétent "à l'égard de
toutes personnes physiques ou morales de droit privé assurant, pour autrui, à
titre permanent ou occasionnel, des activités de sécurité ou de protection
prévues par les dispositions en vigueur".
Il faut souligner que ce projet de loi exclut de son
champ les services de sécurité en compte propre, pourtant soumis à la loi de
1983.
La question de l'embauche d'anciens policiers et
gendarmes dans les métiers de la sécurité doit être posée. Deux conceptions
s'opposent. Il est possible de considérer que la présence d'anciens militaires
et policiers dans des entreprises ou des services de sécurité est un gage de
professionnalisme, d'efficacité. Il serait donc contre-productif, du point de
vue de l'intérêt national d'interdire à ces anciens fonctionnaires, même
pendant une période, d'embrasser ces carrières. C'est la conception anglaise.
Une autre souhaite limiter la porosité entre le
secteur de la sécurité publique et privée au motif que cela peut conduire à
faire de l'une l'auxiliaire de l'autre et tend à engendrer des conflits
d'intérêt ou encore crée une concurrence déloyale entre les les sociétés qui
bénéficient des services d'anciens fonctionnaires et de leur réseau, notamment
dans les activités de recherche et les autres.
Il n'est pas possible de conditionner l'accès des
anciens militaires et policiers aux métiers de la sécurité privée autres que
ceux de recherches. Il parait certains qu'ils trouvent dans ce secteur des
activités qui leur permettent de valoriser leurs compétences. La
professionnalisation des armées conduisant à réduire la durée moyenne des
carrières, le recrutement de plus de 15 000 ADS à la recherche d'un emploi à
l'issue de leur contrat, plaident en faveur de passerelles faciles à emprunter
entre la sécurité publique et privée.
En revanche, en matière de recherche, le respect
d'une concurrence loyale et la préservation des intérêts économiques nationaux
conduit à préconiser un délai entre le départ de la fonction publique et le
recrutement dans le secteur privé. Cette mesure doit concerner l'ensemble des
agents publics et pas uniquement les policiers et gendarmes. Les agents publics
travaillant dans le domaine du renseignement, de l'intelligence économique
doivent être soumis à cette contrainte. Ce délai pourrait être de cinq ans. Il
pourrait être combiné avec une autorisation écrite de leur ministre, ce que la
réglementation en vigueur (laquelle?) ne prévoit actuellement que pour les
anciens policiers.
Afin d'éviter toute confusion, de prévenir toute
tentation, la loi devrait prévoir que tous les anciens agents publics exerçant
dans la sécurité privée ne peuvent faire état de leurs anciens titres ou
fonctions.
Les professionnels de la sécurité ont décidé de
porter une attention particulière à cette question. Ainsi, le SNES a-t-il créé
un comité d'éthique, composé de trois membres. Au plan pratique, l'UFISS
collabore avec la Délégation Interministérielle à la Lutte contre le Travail
Illégal (DILTI) , qui a trouvé une première concrétisation avec la signature
d'une convention départementale entre la préfecture du Nord et l'UFISS le 19
janvier 1999. Une convention cadre nationale est en préparation.
L'UFISS s'est également rapprochée de la Commission
Centrale des Marchés à propos des prix anormalement bas.
L'Etat a un intérêt à favoriser ces initiatives qui
ont pour effet d'instaurer ou d'amplifier des collaborations entre ses services
et les prestataires de sécurité, mais aussi, à moyen terme de renforcer le
respect du droit et de modifier les comportements des clients et des
fournisseurs de sécurité privée.
3-3-3.
Développer la formation initiale et continue.
Le secteur de la sécurité privée est caractérisé par
une carence de formation initiale et continue des salariés et des dirigeants et
par une offre de formation insuffisante et inadaptée. Améliorer la qualité des
prestations vendues, généraliser une démarche de certification, parvenir à
imposer des comportements inspirés du respect de la déontologie et enfin
accéder à une forme de reconnaissance fondée sur le sérieux et l'honorabilité
par les clients et les pouvoirs publics impose un puissant effort de formation
dans ce secteur.
Il n'existe pas de données sur la part de salariés
ou de dirigeants ayant reçu une formation à la sécurité privée. Mais le constat
dressé par les professionnels du secteur [85]
que par les experts [86]
indique clairement les lacunes en la matière. Les réponses à apporter sont de
deux types.
Tout d'abord, il apparaît indispensable de
subordonner l'exercice de la qualité de dirigeant d'une entreprise de sécurité
privée ou de salarié à un niveau de qualification minimal. Les 32 heures
imposées par la loi de 1983 (exact ?) aux salariés ne parviennent pas à convaincre,
20 heures étant réservées à des enseignements généraux comparables à ceux
dispensés au collège.
En matière de formation initiale, l'obligation de
justifier d'une aptitude professionnelle pour les dirigeants existe en
Belgique, aux Pays-Bas, dans le canton de Genève, en Suède, et pour les
salariés au Portugal, en Finlande, en Belgique (en Espagne la formation de 200
heures, non obligatoire est financée par les pouvoirs publics).
Pour les dirigeants, leur aptitude serait reconnue
par une attestation de capacité professionnelle délivrée par l'Etat [87].
Cette formation doit être suffisamment large pour en faire des professionnels
de la sécurité, mais aussi des managers. Le droit commercial, civil, pénal, du
travail, la gestion, le marketing, la communication doivent y trouver leur
place. A chaque type d'activité (gardiennage, transport de fonds, protection
des personnes, recherche) doit correspondre une obligation d'aptitude
professionnelle. Certains diplômes pourraient dispenser leur titulaire de l'attestation
de capacité professionnelle.
Pour les salariés, le principe d'une obligation de
formation doit être également adapté à chaque type de métier. Les personnels
habituellement en contact avec le public verraient la délivrance de leur carte
professionnelle subordonnée à la reconnaissance de leur aptitude
professionnelle. Un minimum de 200 heures de formation semble nécessaire.
Pour les activités d'agent de recherche, il convient
de prévoir des dispositions particulières, tant cette activité est de plus en
plus tournée vers la collecte d'informations économiques. Elle est exercée par
des agences de détectives, mais aussi par des organismes publics (chambres de
commerce, établissements publics nationaux, services de l'Etat) et de grands
cabinets de conseil aux entreprises. Il paraît difficile d'imposer une
formation en droit à un ingénieur hautement spécialisé, dont le métier consiste
en de la veille technologique, de l'analyse, de l'expertise. Plus important est
de s'assurer qu'il ne présente pas de risque pour la sécurité économique
nationale. En revanche, pour les dirigeants, rien n'empêche de leur imposer les
dispositions ci-dessus présentées.
Au-delà de la formation initiale, il paraît
nécessaire d'imposer une obligation de formation continue, pour les salariés et
les dirigeants. Il n'est pas utile de formuler des propositions précises, pour
les uns comme pour les autres. Cependant, deux points méritent d'être
soulignés. Premièrement, la formation continue devrait être organisée
fréquemment, tous les ans, au maximum tous les deux ans. Deuxièmement, elle ne
devrait être dispensée que par des organismes agréés par l'Etat. Pour les
titulaires de la carte professionnelle, le renouvellement serait subordonné
d'une part à une formation continue annuelle et à une cession plus lourde au
moment du renouvellement.
Se pose la question des dirigeants et salariés en
activité et ne possédant pas de titre établissant leur qualification
professionnelle. Ils sont les plus nombreux. Les soumettre à l'obligation
d'attester d'une qualification professionnelle peut prendre deux voies. La
première conduirait à les inciter à suivre une formation. La seconde à valider
leur expérience et leur compétence en confiant le soin à une commission
régionale ou départementale d'apprécier leur qualification et de leur délivrer
un certificat professionnel. Ceux ne parvenant pas à satisfaire à cette
obligation par l'un ou l'autre moyen dans le délai prévu se verraient
contraints de renoncer à leur activité. Suffisamment souple, ce dispositif permettrait
d'atteindre l'objectif recherché, sans contrainte excessive, mais en apportant
la garantie d'un professionnalisme accru dans un délai bref, évitant ainsi de
maintenir en activité des personnes ne parvenant pas à répondre aux critères de
qualification requis.
L'offre, comme la demande de formation est
aujourd'hui insuffisante. Il est de la responsabilité de l'ensemble des acteurs
de la sécurité privée de mettre en place des programmes de formation
qualifiante (contrats de qualification [88],
certificats de qualification professionnelle institués par l'ordonnance n° du
16 juillet 1986 du ministre du Travail et par le décret n° du 16 février 1988).
Il existe deux diplômes de niveau V, un CAP d'agent de prévention et de
sécurité (arrêtés du ministre du du
19 septembre 1989 et du 26 avril 1995) et un BEP d'agent technique de
prévention et de sécurité (arrêtés du ministre du du 8 avril 1980 et du 25 juillet 1980). Mais, d’après le SNES,
très peu des salariés du secteur sont titulaires de ces diplômes. En revanche,
les qualifications d'ERP (Etablissements Recevant du Public), 1, 2 ou 3 sont
davantage recherchées, notamment celle d'ERP 1 qui ne nécessite qu'une semaine
de formation. Il s'agit de titres homologués (pour plus de détails, attendre
lundi).
L 'Etat pourrait demander, conjointement avec les
conseils régionaux, à l'AFPA de proposer une offre ou inciter les syndicats
professionnels et les principaux prestataires et clients (dont les
collectivités) à développer un organisme de formation le SNOFOPS : Syndicat National des Organismes de FOrmation en
Prévention Sécurité, n'est qu'un syndicat, et non un grand organisme de
formation)
Les policiers, les gendarmes, les magistrats
pourraient naturellement intervenir dans ces formations, pour délivrer un
enseignement de qualité, mais aussi pour montrer aux futurs salariés et
dirigeants que l'Etat connaît, contrôle et porte un intérêt à la sécurité
privée.
Il appartient au législateur de poser les principes
de l'obligation de formation et au pouvoir réglementaire d'en définir les
modalités.
3-3-4.
Favoriser la qualité
Parvenir à un degré minimum et standard de qualité
est une double obligation pour les entreprises de sécurité. Elles doivent faire
des efforts importants pour augmenter le niveau de qualité, à travers la
formation, l'organisation, mais aussi montrer à leurs clients qu'elles sont
devenues des sociétés de service fiables, responsables.
La démarche qualité est nouvelle, mais réelle dans
le secteur de la sécurité. La norme AFNOR NF X 50-777 (NF prévention et
sécurité) a été homologuée le 20 mai 1998 pour les services de surveillance par
agents en poste, par agents itinérants et d'intervention sur alarme (par qui ?
j'appelle au 01 42 91 55 90). A la fin de l'année 1999, entreprises étaient certifiées.
Plutôt que les normes ISO, la profession a
privilégié la norme AFNOR parce qu'elle est définie en partenariat entre les
prestataires, les clients, des organismes techniques et les pouvoirs publics.
Mais, il sera bien sûr possible d'être certifié ISO 9002 et NF. Il convient de
souligner qu'une certification ISO est plus lourde et plus coûteuse.
Le SNES fait de la promotion de la norme NF un axe
important de son action vers ses adhérents. Il a conçu, avec l'UFISS, un
programme de formation de cinq jours.
Il appartient aux autres acteurs de la sécurité
privée, clients, pouvoirs publics, de favoriser la certification. Une des voies
les plus efficaces conduirait à imposer à terme aux collectivités publiques et
à leurs établissements publics de ne recourir qu'à des prestataires certifiés.
Cette obligation pourrait être progressive, en fonction des collectivités et du
montant des marchés). De telles dispositions ont vocation à être insérées dans
le code des marchés publics.
L'amélioration de la qualité peut emprunter de
nombreuses voies. Le SNES qui en a fait un axe stratégique a par exemple
élaboré un guide d'achat pour les acheteurs publics et a établi une charte
professionnelle de la sécurité privée en dix points.
En matière d'intelligence économique, pour le volet
protection de l'information de l'entreprise (le seul concerné par le sujet),
renforcer la qualité impose que l'Etat définisse une stratégie, ce qu'il n'a
réussi à faire qu'épisodiquement et qu'il soit plus présent aux côtés des
entreprises. Il manque un pôle intelligence économique au sein de l'Etat, au
sein du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, auprès du
Premier ministre, ou au sein d'une DGSE rénovée, susceptible de sensibiliser,
d'informer, d'accompagner les entreprises, de recenser les menaces et d'en
informer les entreprises. Aujourd'hui, il n'est guère possible de parler d'une
coproduction entre les services de l'Etat et entre l'Etat et les entreprises.
La partie intelligence économique devant figurer dans les contrats de plan
entre l'Etat et les régions s'avère assez décevante.
3-3-5.
Partager la charge de la pénalité en matière d'alarme intempestive
Le régime juridique de la télésurveillance est
insatisfaisant dans la mesure où il prévoit trois "redevances" dont
la légalité n'est pas clairement établie et où la redevance exceptionnelle pour
appel injustifiée repose sur le télésurveilleur et non sur l'utilisateur de
l'alarme.
Est-il utile
ici de reprendre les propositions de la fiche de Quastana ? Si vous dites oui,
j'obtempèrerai
Cette disposition engendre un aléa moral certain,
dans la mesure où il n'incite pas les vendeurs, les installateurs (malgré les
normes existantes) et les utilisateurs à faire le meilleur usage des systèmes
de télésurveillance.
Si le principe d'une pénalité continuait à être
retenu, il conviendrait d'en partager la charge entre le télésurveilleur et
l'utilisateur de l'alarme à l'origine de l'appel intempestif.
Cela doit conduire les fabricants de matériels, les
installateurs, les télésurveilleurs à proposer des équipements, plus fiables,
les installateurs à mieux les adapter à chaque situation, les télésurveilleurs
à mieux conseiller leurs clients et les utilisateurs à être plus attentifs.
Cela peut-il conduire à limiter le marché de la
télésurveillance ? Améliorer la qualité des matériels, des procédures a un
coût. Mais il pourrait être compensé par une réduction du nombre de pénalités
infligées. Les banques se sont équipées de matériels à haute performance,
associés à des procédures de lever de doute efficaces, ce qui à réduit
drastiquement le taux d'alarmes intempestives et leur a permis de réduire le
montant de leurs primes d'assurance.
Pour modifier le dispositif actuel, donc abroger le
décret n°91-1206 du 26 novembre 1991, l'arrêté n°95-641 du 3 novembre 1995 et
la circulaire n° 95 du 30 mai 1997 du ministre de l'Intérieur, il serait
nécessaire que la loi prévoie que les appels injustifiés font l'objet d'une
sanction administrative pécuniaire.
3-3-6. Mettre le droit et
les pratiques en cohérence et faire respecter le droit
L'Etat est un acteur important de la sécurité privée
: régulateur, il est aussi client. Il n'est pas le meilleur client. Régule-t-il
de manière satisfaisante ce secteur. Il est possible d'en douter.
Quand les pratiques des prestataires de sécurité
privée sont hors la loi, il convient de les sanctionner. Mais quand
l'illégalité est le forme d'intervention habituelle, que l'Etat ne l'ignore pas
ou l'encourage, il est défaillant. Il parait particulièrement nécessaire, dans
ce domaine d'activité, que les pratiques et le droit soient en parfaite
cohérence et que l'Etat fasse respecter le droit avec une attention
particulière.
Quatre exemples illustrent ce décalage inquiétant
entre la règle de droit et la réalité des interventions de la sécurité privée.
En 1994, la police décide de ne plus assurer le
contrôle des passagers et de leurs bagages à mains dans les aéroports d'Orly et
de Roissy. Des entreprises privées en ont été chargées. Or il a fallu attendre
la loi n° 96-151 du 26 février 1996, modifiant le code de l'aviation civile
(article L. 282-8) pour que l'intervention de prestataires privés soit
autorisée.
Un rapport conjoint de l'inspection générale des
services judiciaires, de l'inspection générale de l'administration et du
conseil général des ponts et chaussées sur les services de surveillance de la
SNCF et de la RATP a été remis aux ministres de la Justice, de l'Intérieur et
des Transports en mai 1999. Il dresse un bilan très satisfaisant sur l'activité
de la SUGE et du GPSR, mais indique qu'elle ne s'exerce pas toujours dans le
respect du droit, essentiellement parce que le droit n'a pas été adapté aux
missions, mais aussi parce que l'administration laisse se développer des
pratiques hors la loi.
Ainsi, les agents de la SUGE ou du GPSR remplissent
parfois des missions de police administrative, voire de police judiciaire, ce
qu'aucun texte ne les autorise à faire. Ainsi, ces agents portent-ils
illégalement des armes de 6ème catégorie, pourtant mieux adaptées à leurs
fonctions que celles de 1ère catégorie qu'ils ont le droit de porter. Le
premier point appelle une réaction vigoureuse de l'Etat, soit qu'il maintienne
l'interdiction des missions de police administrative et judiciaire et se donne
les moyens de faire respecter cette interdiction, soit qu'il décide de leur
donner de telles prérogatives. Mais le maintien de l'hypocrisie actuelle, qui
consiste à tolérer des pratiques, qu'au nom de certains principes l'Etat ne
souhaite pas inscrire dans la loi est peu compatible avec un état de droit et
ne favorise pas la moralisation, la transparence des métiers de la sécurité
privée. Le second point appelle simplement une révision des catégories et types
d'armes compatibles avec l'exercice avec les missions des agents.
Dans certains aéroports, c'est le cas à Roissy, la
police a décidé de ne plus s'occuper du stationnement devant les aérogares. Des
sociétés privées en sont désormais chargées. Un pouvoir de police semble ainsi
avoir été délégué sans texte et en violation d'un principe probablement de
valeur constitutionnelle, car le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa
décision 307 DC du 25 février 1992 que la loi ne pouvait conférer à des
personnes privées "un pouvoir de police aux lieux et place de la puissance
publique". Le Conseil d'Etat sanctionne toute forme de délégation du
pouvoir de police [89]
La situation devient inquiétante, lorsque, comme ce fut le cas dans un aéroport
de province, la police avait confié un carnet à souche à un agent privé pour
qu'il puisse verbaliser les automobilistes. C'est donné à la notion de
coproduction un sens nouveau. Cette situation n'a pris fin qu'à la demande
expresse de l'exploitant de l'aéroport.
Dans les aéroports, les agents privés affectés aux
postes d'inspection-filtrage ne peuvent procéder à la fouille des bagages à
main, mais se limiter à une "inspection visuelle des bagages à main
consistant à demander au passager d'ouvrir ses bagages afin d'en rendre visible
le contenu" (article R. 282-7 du code de l'aviation civile). Le fouille,
des bagages à main ou des personnes est réservée aux officiers de police
judiciaires ou aux agents publics placés sous son autorité. La pratique est
toute différente. A Roissy, la présence d'un commandant de police en uniforme,
du superviseur et du formateur de la société privée, et de trois élèves de
l'ENA, n'a pas incité les agents de la société privée à modifier ce qui
apparaît nettement comme une habitude, la fouille des bagages à main.
L'intervention du formateur auprès des personnels pour les inviter à s'abstenir
le temps de notre visite a d'ailleurs provoqué un étonnement des salariés
manifestement habitués à de telles pratiques.
Dans les trois derniers exemples, l'attitude de
l'Etat est difficilement acceptable. Le développement de la sécurité privée
conduira peut être un jour à une révision de la constitution. Dans cette
attente, il parait indispensable de s'abstenir de tout dérive, telle que celle
consistant à confier des pouvoirs de police à des personnes privées. En
revanche, dans les autres domaines, la seule voie possible consiste à mettre le
droit en cohérence avec les pratiques ou à sanctionner les pratiques non
respectueuses de la norme de droit. Est-il plus choquant que la loi permettre
aux agents de sécurité des aéroports d'effectuer la fouille des bagages à main,
ou que la police les laisse le faire en violation de la loi ?
[1] Les données relatives aux chiffres d’affaires des entreprises de sécurité privée sont issues de l’atlas européen « En toute sécurité ». Cette source d’origine journalistique constitue, dans ce secteur, l’instrument de mesure statistique le plus fiable et le plus précis. Les entreprises ne sont certes pas obligées de répondre aux sollicitations de ses auteurs, mais la plupart d’entre elles et notamment les plus importantes le font depuis qu’elles se sont convaincues de l’intérêt qu’elles ont à communiquer pour améliorer l’image dégradée de leur secteur d’activité.
[2] SHERING/STENNING, 1983
[3] Rapport Hallcrest II :
« Private Security Trends 1970-2000 », CUNNINGHAM et al., 1990
[4] Sur ce total, 52 milliards de dollars correspondent à des prestations effectuées par des sociétés spécialisées dans la sécurité privée et 13 au financement des services internes de sécurité des entreprises.
[5] Sans être considérable, cette croissance annuelle moyenne de 2% reste néanmoins supérieure à l’évolution annuelle moyenne de l’emploi salarié en France qui, sur la période 1982-1998 a été de X,X% (NDLR : à vérifier mais le chiffre est proche de 0)
[6] Les données présentées pour l’année 1998 ne constituent qu’une évaluation dans la mesure où elles sont obtenue en procédant à une extrapolation des séries statistiques des années antérieures.
[7] Durant la même période, et à titre de comparaison, le PIB français a augmenté d’environ 14%.
[8] 4,2% des agents privés de sécurité sont d’anciens policiers, 7,1% d’anciens militaires et 6,3% d’anciens pompiers.
[9] 26 semaines à la SNCF, 13 semaines à la RATP
[10] Les développements relatifs à ces théories sont renvoyées en Annexe.
[11] Ne sont pas comptés dans le total les agents de sécurité des collectivités territoriales autres que de police municipale (essentiellement les sapeurs pompiers).
[12] Selon les termes de Sébastien ROCHE, Insécurité et libertés, Seuil, 1994.
[13] Le taux d'élucidation correspond au nombre d’affaires résolues par rapport au nombre d’affaires portées à la connaissance de la police.
[14] La croissance des effectifs des entreprises de sécurité privée est toutefois contrebalancée - en partie seulement - par la décroissance des effectifs de sécurité internalisés par les entreprises extérieures au secteur de la sécurité. Ces évolutions sont résumées en annexe.
[15] Sur une meilleure répartition des effectifs de la police et de la gendarmerie pour une meilleure sécurité publique, rapport au Premier ministre, Roland CARRAZ et Jean-Jacques HYEST, avril 1998
[16] Rapport précité, p. 25.
[17], Ce que fait la police, sociologie de la force publique, Dominique Monjardet, Paris, La découverte, 1996 ; et Réinventer la police urbaine, les cahiers de la sécurité intérieure, 37, 3ème trimestre 1999.
[18] Qui, comme le rappelle Dominique MONJARDET, est nécessairement une construction ad hoc, à partir d’une « multiplicité de demandes partielles, concurrentes et contradictoires » (Professionnalisation et médiation de l’action policière, Les Cahiers de la sécurité intérieure, 33, 3ème trimestre 1998).
[19], Pré-rapport sur les réformes de la police, Jean-Marie BELORGEY, Paris, ministère de l’Intérieur, 1982.
[20] Les agents de police municipale exécutent les tâches que leur confie le maire en matière de "prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques" aux termes de l'article L. 2212-5, al. 1er du CGCT. La loi du 15 avril 1999 étend le pouvoir de verbalisation des agents de police municipale en matière d'infraction au Code de la route ; elle leur confère le pouvoir de relever l'identité des contrevenants.
[21] Atlas européen de la sécurité 2000, Patrick HAAS, En toute sécurité technopresse, 1999 (9ème édition).
[22] Il s’agit de la lutte contre la démarque inconnue, de la protection de l’homme au travail, de la sécurité incendie, de la sécurité industrielle, de la sécurité informatique, du traitement des valeurs et de la logistique bancaire.
[23] Il s’agit des activités de fabrication d’équipements de transport de fonds, de télésurveillance, de vidéosurveillance, de téléassistance, d’alarmes, d’équipements blindés et de serrurerie.
[24] Cf Les défis de la sécurité privée, Protection et surveillance dans la France d’aujourd’hui, Frédéric OCQUETEAU, L’Harmattan, Logiques sociales, 1997 ; et du même auteur : La sécurité privée en France, état des lieux et questions pour l'avenir, Les cahiers de la sécurité intérieure, 33, 3ème trimestre 1998.
[25], Les défis de la sécurité privée, Protection et surveillance dans la France d’aujourd’hui, ouvrage précité.
[26] Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité n°95-73 du 21 janvier 1995, art. 12 ; et décrets d'application n°97-46 et n° 97-47 du 15 janvier 1997.
[27] Loi n°83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds et loi du 23 décembre 1980 sur les détectives privés en particulier.
[28] Ainsi, l’Assemblée pléinière des sociétés d’assurance dommage s’est vu reconnaître, par l’entremise des expertises du Centre nationale de prévention et protection (CNPP), le pouvoir de prescrire des normes de certification pour les produits d’équipement de sécurité testés par le CNPP. Elle s’est aussi vu reconnaître par l’Etat le pouvoir de prescrire des normes de qualification d’installateurs d’alarmes et de centrales de télésurveillance (marque A2P, puis NF-A2P).
[29] Rappelons que la seule région parisienne rassemble la 1/2 des entreprises de sécurité privée localisées en France.
[30] circulaire N° 83-257 du 17 novembre 1983 relative à la participation de sociétés de surveillance à l’exercice de la police municipale.
[31] il en est ainsi à la préfecture de Rouen, où l'accès principal est surveillé par un policier alors qu'une entrée secondaire est confiée à un agent d'une société de sécurité privée.
[32] in Observatoire de la sûreté- analyses 1998, Direction de la sûreté, SNCF.
[33] L'article autorise également la visite des bagages de soute par des agents privés sous la responsabilité des agents de douanes.
[34] Les agents de sécurité privé récupèrent ainsi 10 fois plus d'objets interdits lors des contrôles que la police avant 1994.
[35] dans les magasins à vocation alimentaire la démarque inconnue liée aux vols, du fait de clients ou du personnel, atteint couramment 1% du chiffre d’affaires, et peut atteindre dans certains magasins ou rayons spécialisés 5 à 7 % du CA.
[36] Auparavant, la loi de 1892 avait réglementé le statut des gardes particuliers, celle du 10 janvier 1936 la constitution des groupes de combat et les milices privées et celle de 1942 , modifiée en 1980, la profession d’enquêteur privé.
[37] F. Oqueteau in Les défis de la sécurité privée
[38] En 1999, des entreprises étrangères contrôlent en France 77% des interventions sur alarmes, 63% de la sécurité industrielle, 60% de la télésurveillance, 51% de la vidéosurveillance et 21% de la sécurité informatique. Ces parts de marché devraient évoluer à la hausse dans les prochaines années.
[39] IGA, rapport …….du…..
[40] Le secteur des agences privées de recherche, quantitativement marginal et non visé par la loi du 12 juillet 1983, faisait toutefois l’objet d’une réglementation spécifique ancienne (loi du 28 septembre 1942, modifiée par la loi du 23 décembre 1980) établissant un régime de déclaration préalable et posant des conditions de moralité pour les dirigeants et employés (absence de condamnation).
[41] Seules les armes de 1ère et 4ème catégories sont autorisées.
[42] Les agents de surveillance ne peuvent porter d’armes que si l’entreprise qu’ils ont mission de protéger en fait la demande à l’autorité préfectorale, laquelle agrée les personnels en cause. Les armes sont acquises et conservées par la société utilisatrice de vigiles. L’armement de personnels de surveillance est rare, même s’il perdure dans certaines structures (cas du service interne du Commissariat à l’énergie atomique).
[43] La loi autorise également la vidéosurveillance de la voie publique par les autorités publiques compétentes.
[44] Cet article dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée ».
[45] Cet article incrimine le fait de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, notamment en « fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».
[46] Cité in Les défis de la sécurité privée, Frédéric Ocqueteau, L’Harmattan, 1997.
[47] Les responsables patronaux du secteur se plaisent à souligner qu’un marché de gardiennage passé par l’Hôtel Matignon s’est négocié à environ 67francs l’heure de vigile, alors que le prix de revient d’une entreprise respectant la législation est proche de 80 francs.
[48] Cette carte délivrée par l’entreprise doit notamment mentionner le numéro de l’autorisation préfectorale.
[49] L’expression est de Patrick COUTAND, P-DG de Securitas
[50] Statistique portant sur 750 appels reçus au COG du 1/1/99 au 15/10/99.
[51] on voit ainsi se développer le segment de l’intervention sur alarmes avec envoi de véhicules sur appel du centre de télésurveillance
[52] La société Proteg a ainsi développé pour le compte d’une chaîne de surgelés la possibilité de déclencher une levée de doute par caméra déclenchée par le PC de télésurveillance et ainsi d’enregistrer les images d’un malfaiteur ayant forcé la caisse de deux magasins.
[53] Coût de 13.000 F pour le premier raccordement, de 10.000F par raccordement du 2ème au 10ème puis de 6.000F au-delà, coût de la redevance de 1.500F (fixés par l’arrêté du 3 novembre 1995 (JO du 11/11/95 p.16615))
[54] 3.000F par appel injustifié (arrêté du 3 novembre 1995)
[55] TA Paris, 14 avril 1999, Société Ardial Sécurité.
[56] les redevances prévues n’ont pas été perçues et aucun titre de perception n’a été émis.
[57] Cas de la brigade de gendarmerie de Strasbourg.
[58] Cas de Levallois et de Toulouse.
[59] L’exemple de la société CIPE nous a été donné à plusieurs reprises pour illustrer la stratégie consistant à vendre des produits de télésurveillance sans assurer les moyens de la levée de doute.
[60] recherche de Pierre Simula à paraître.
[61] La société Proteg est ainsi en contact avec le ministère de l’intérieur au niveau national pour la reconversion des ADS. Le syndicat professionnel SNES a également été sollicité au niveau local dans le même cadre.
[62] Journal En Toute Sécurité.
[63] Comme Air-France, Rhône-Poulenc, Renault etc.
[64] La Canard Enchaîné du 8 décembre 1999 a ainsi révélé l’utilisation par certains inspecteurs d’un service interne d’une entreprise de leurs anciennes relations professionnelles avec la DST et la DGSE.
[65] De manière schématique, la Police de l’Air et des Frontières est responsable de la sûreté dans les aérogares, les Douanes contrôlent les bagages des vols internationaux, la Gendarmerie du Transport Aérien est compétente pour les bagages des vols nationaux et des zones hors aérogare.
[66] Analyse des informations données par les appareils de contrôle, visite manuelle des bagages en soute et des colis, vérification de l’autorisation du contrôle d’accès, inspection visuelle des bagages en main.
[67] Les services de police vérifient l’activité par des passage de bagages « piégés ». Une première erreur entraîne une formation pour l’agent, une seconde son licenciement.
[68] Aéroport de Paris a ainsi constaté une multiplication par 10 du nombre de prises par rapport à la situation avant 1994.
[69] 2 décrets du 5 mars 1997 permettant le remboursement de certaines dépenses supportées par les forces de police, décret du 31 mars 1997 relatif à la mise en place des services d’ordre par les organisateurs de manifestations sportives.
[70] Cette convention compte en effet 12 pages et 22 articles.
[71] Il convient néanmoins de constater que les implications juridiques du partage de responsabilité entre l’Etat et l’organisateur ne sont pas définies en l’absence de jurisprudence dans ce domaine.
[72] Les études du ministère de l’intérieur évaluent les besoins à 1 stadier pour 100 spectateurs.
[73] La loi Alliot-Marie de 1993 définit clairement les infractions dans les stades.
[74] 4 à 5 incidents par an à l’intérieur des stades.
[75] Les sociétés de sécurité privées sont habillées en costume cravate.
[76] De l’ordre de 5 minutes, selon l’exploitant du métro.
[77] Comme les besoins d’une enquête sur une attaque à main armée dans la cafétaria de l’hôpital du Kremin Bicêtre ou le démantèlement d’une filière de trafic de stupéfiants au sein de l’enceinte de l’université de Jussieu.
[78] CE, 1943, Leneuveu
[79] Le délai moyen mentionné est de 30 à 45 minutes.
[80] fixée à 750 francs.
[81] Frédéric Ocqueteau et Marie-Claire Bellot, 1993.
[82] La Police municipale de Levallois pratique ainsi un îlotage autour du centre commercial protégé par une société privée de sécurité et peut être amenée à intervenir avant la Police Nationale.
[83] (1) « Fortress America :
Gated Communities in the United States », Edouard J. Blakely & Marie
Gail Snyder, Brooking Institution Press / Lincoln Institute of Land Policy 1997
[84] Cf. circulaire NOR/INT/D/98/00191/C du ministre de l’intérieur, en date du 24 août 1998.
[85] Lors des entretiens réalisés, notamment auprès de Monsieur président du SNES.
[86] Constat dressé par MM. Patrick Haas, directeur de En Toute Sécurité ou Frédéric Oqueteau
[87] Une procédure de ce type existe pour les dirigeants d'entreprise de transport (arrêté du ministre chargé des transports du 2 septembre 1986).
[88]En 1997, l'entreprise Pro Systèmes(15 millions de francs de chiffre d'affaire) installée en Auvergne a sollicité l'aide de la Direction Régionale du Travail, de l'Emploi et la de la Formation Professionnelle pour mettre en place un contrat de qualification pour des agents devant acquérir la formation ERP 1 et le CAP APS).
[89] CE, assemblée, 17 juin 1932, ville de Castelnaudary ; 1er avril 1994, commune de Menton ; 29 décembre 1997, commune d'Ostricourt.