Notes

Bertrand Cozzarolo

La législation relative à la sécurité privée

Loi de 1892 : statut de garde particulier de la propriété, assermenté en justice (cf art. 29 du code de procédure pénale)

Loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées.

Loi du 23 décembre 1980 sur les détectives privés. Devient une profession réglementée, par le biais de l'examen de la capacité judiciaire des individus, dirigeants et employés. Autorisation préfectorale en matière d’agrément et de reconversion de policiers.

Décret du 12 mars 1973 (art. 8 et 36-4) et décret du 13 juillet 1979 obligent les entreprises de convoyage au port d’armes.

Loi n°83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds

Avant cette date, les sociétés de gardiennage étaient juridiquement assimilées à des sociétés commerciales de droit commun.

Cette loi, largement issue de travaux parlementaires, a été votée à l’unanimité, même si le rapporteur du Sénat souhaitait en étendre le champ à des activités de type sécurité-incendie.

  1. Le champ de la loi

La loi (art. Ier) réglemente les activités de :

Ne relèvent pas de la loi de 1983 les concierges et gardiens d’immeubles non plus que les gardes assermentés chargés de la protection des propriétés rurales.

La surveillance-gardiennage est définie comme l’activité consistant à fournir aux personnes physiques ou morales, de façon permanente, exceptionnelle ou discontinue, des services ayant pour objet la sécurité des biens meubles ou immeubles ainsi que celle des personnes liées directement ou indirectement à la sécurité des biens. Une circulaire d’application a précisé les modalités d’exercice des activités de sécurité : surveillances directes, itinérantes ou statiques, rondes, télédétection, télésurveillance, télésécurité, gardiennage avec chiens.

Sont considérées comme des entreprises de transport de fonds celles qui assurent le convoyage et la sécurité des transports de fonds, de bijoux ou de métaux précieux ainsi que tout document permettant d’effectuer un paiement.

Aux termes de l’article 11, les entreprises qui disposent d’un service interne chargé d’une activité de surveillance, de gardiennage ou de protection des personnes, qu’elles relèvent du secteur public ou du secteur privé, sont couvertes par la loi.

  1. Les principes énoncés

1/ Le principe de spécialité

  1. l’exercice par une entreprise d’une activité de protection des personnes (gardes du corps) est exclusif des autres activités couvertes par le champ de la loi (art. 2)
  2. les entreprises de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds ne doivent avoir que des activités entrant dans leur champ de spécialité tel que défini par la loi.

Cette disposition n’interdit pas de cumuler activités de surveillance, de gardiennage et de transports de fonds. Elle permet en outre aux entreprises concernées de fournir des prestations d’études avant installation, d’installation, d’entretien et de réparation des matériels de sécurité nécessaire à l’accomplissement de leurs missions. En revanche, les entreprises visées ne peuvent cumuler leur activité principale avec celle de fabrication des matériels de sécurité.

2/ La différenciation sécurité privée / sécurité publique

Cette différenciation est opérée par plusieurs dispositions :

Le décret n°86-1099 du 15 octobre 1986 sur l’utilisation des matériels, documents, uniformes et insignes des entreprises de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds et de protection des personnes a précisé les modalités pratiques de différenciation public / privé.

3/ Un régime d’autorisation préalable

C’est la grande innovation de la loi de 1983 : au régime de la liberté succède celui de l’autorisation préalable, et ce dans une perspective d’assainissement du secteur de la sécurité privée.

Aux termes de l’article 7, " toute entreprise visée à l’article 1er ou 2 de la présente loi ne peut exercer ses activités qu’après avoir obtenu une autorisation administrative ", délivrée par la préfet. Cette disposition s’applique également aux services de sécurité internes aux entreprises. La demande d’autorisation doit notamment comporter la liste nominative des dirigeants et employés.

Le préfet doit s’assurer que les entreprises de sécurité privée respectent les obligations de moralité posées par les articles 5 et 6 de la loi.

La loi dispose en effet (art. 6) que nul ne peut être employé par une entreprise de sécurité privée s’il a fait l’objet, pour agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ou pour atteinte à la sécurité des personnes et des biens, d’une sanction disciplinaire ou d’une condamnation à une peine d’emprisonnement correctionnelle ou à une peine criminelle devenue définitive.

Pour les dirigeants de droit ou de fait, les obligations sont plus strictes : outres les conditions de moralité, les personnes concernées doivent être vierges de toute sanction prévue par la loi sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes. Il existe par ailleurs une condition relative à la nationalité, puisque seuls les ressortissants français et européens (UE) peuvent accéder aux fonctions de direction.

Il importe de noter la condition relative à l’absence de sanction disciplinaire, qui vise les anciens fonctionnaires souhaitant se reconvertir.

Le dispositif législatif est complété par des peines d’emprisonnement et d’amende pour les contrevenants.

Le régime d’autorisation préalable a été précisément défini par le décret n°86-1958 du 26 septembre 1986 sur l’autorisation administrative et le recrutement des personnels des entreprises de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds et de protection des personnes.

La loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité n°95-73 du 21 janvier 1995

Cette loi est importante, pour notre champ d’étude, tant en raison des principes qu’elle énonce que des nouvelles obligations qu’elle introduit.

  1. Les principes énoncés
  2. Des annexes à la loi définissent les principes de l’action gouvernementale en matière de sécurité. L’annexe I intitulée " rapport sur les orientations de la politique de sécurité " énonce que :

    " l’Etat a, dans le domaine de la sécurité des personnes et des biens contre les menaces de toute nature, la responsabilité principale (...). S’il lui revient d’utiliser au mieux les moyens dont il dispose en propre, il lui appartient aussi de veiller à ce que les autres acteurs de sécurité que sont les maires et leurs services, d’une part, et, d’autre part, les professions de sécurité exercent leurs fonctions ou leurs activités dans un cadre clair qui organise les complémentarités "

    La LOPS se situe donc clairement dans une logique de coproduction de sécurité à laquelle participe le secteur privé. Le rapport annexe précise en effet que :

    " les entreprises de gardiennage, de surveillance et de transport de fonds, d’une part, les agences privées de recherche, d’autre part, exercent des activités de sécurité de nature privée. Elles concourent ainsi à la sécurité générale. Etant donné le domaine dans lequel elles interviennent, une réglementation de leurs activités s’impose ".

    Le rapport annonce également le dépôt " prochain " d’un projet de loi sur la sécurité privée, qui devrait finalement se concrétiser en octobre 1999.

  3. Les dispositions relatives à la sécurité privée

La LOPS introduit quatre innovations.

 

1/ Les études de sécurité publique préalable (art. 11)

Aux termes de l’article 11 de la LOPS (inséré dans le code de l’urbanisme comme L 111-3-1), les études préalables à la réalisation des projets d’aménagement, des équipements collectifs et des programmes de construction, entrepris par une collectivité publique ou nécessitant une autorisation administrative et qui, par leur importance ou leur localisation ou leurs caractéristiques propres peuvent avoir des incidences sur la protection des personnes et des biens contre les menaces et les agressions, doivent comporter une étude de sécurité publique permettant d’en apprécier les conséquences ".

Avec cette disposition, l’Etat élargit considérablement le marché de l’expertise de risque.

L’application concrète (type de construction visées, contenu de l’étude, etc) de cette nouvelle obligation est renvoyée à un décret en Conseil d’Etat dont je ne sais pas encore s’il a été pris.

2/ Instauration d’une obligation de surveillance / gardiennage (art. 12)

L’article 12 de la LOPS dispose que " les propriétaires, exploitants ou affectataires, selon le cas, d’immeubles à usage d’habitation et de locaux administratifs, professionnels ou commerciaux doivent, lorsque l’importance de ces immeubles ou de ces locaux ou leur situation le justifient, assurer le gardiennage ou la surveillance de ceux-ci ".

Deux décrets n°97-46 et n°97-47 du 15 janvier 1997 ont précisé la portée de cette obligation.

Sur l’ensemble du territoire, les grandes surfaces, les banques, bureaux de change, établissements de crédits et bijouteries doivent mettre en oeuvre des mesures de surveillance.

Cette obligation s’applique également aux pharmacies dans les communes de plus de 25.000 habitants et les ZUS. Dans ces mêmes communes et zones, les moyennes surfaces et centres commerciaux doivent également assurer une surveillance.

Des dispositions similaires s’appliquent aux parcs de stationnement.

Le décret indique dans certains cas les mesures minimales à prendre.

Le préfet a le droit de demander que lui soient communiquées les mesures prises par les destinataires de l'obligation de surveillance.

3/ Mesures relatives à la vidéo-surveillance (art. 10)

C’est le point le plus controversé de la LOPS. La loi (validée par le Conseil Constitutionnel) et son décret d’application 96-26 du 17 octobre 1996 définissent le régime de mise en oeuvre de la vidéosurveillance dont seules les grandes lignes seront présentées ci-après, le sujet méritant à lui seul une étude détaillée.

Aux termes de l’article 10 de la LOPS :

" La transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique, par le moyen de la vidéo surveillance peuvent être mis en oeuvre par les autorités publiques compétentes aux fins d’assurer la protection des bâtiments et installations publics et leurs abord (...) et la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans les lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol (...).

Il peut être également procédé à ces opérations dans les lieux et établissements ouverts au public particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol, aux fins d’y assurer la sécurité des personnes et des biens ".

La loi autorise donc la vidéo surveillance dans les établissements ouverts au public, mais ne vise que les cas où ceux-ci sont particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol en raison de leur isolement, de l’ouverture tardive, de la valeur ou de la nature des marchandises détenues. Le nombre d’actes de délinquance sur le local considéré ou sur des locaux de même nature peut également être pris en compte pour déterminer s’il est particulièrement exposé.

Dans les cas où les établissements ne sont pas particulièrement exposés, la LOPS n’est pas applicable, le droit antérieur s’applique, qui est plutôt restrictif.

La loi précise que les enregistrements vidéo ne sont pas considérés comme des informations nominatives et échappent à ce titre à la compétence de la CNIL.

Le législateur a entendu assortir la vidéosurveillance de garanties :

4/ Obligation de service d’ordre (art. 23)

Les organisateurs de manifestation sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d’y assurer un service d’ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie (en pratique + de 1.500 personnes).

Au total, double démarche de l’Etat :